Fin de l’histoire et fin du monde
«Fukushima», la centrale nucléaire japonaise, est aujourd’hui, dans le monde entier, synonyme de menace invisible et de mort annoncée. Mais un autre nom semble lui faire écho. Celui de Francis Fukuyama qui, en 1989, dans un article retentissant, avait prédit que le triomphe de l’économie de marché sur le communisme mettrait un terme définitif à l’«histoire» de l’humanité. Petite parenthèse : c’est la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, qui avait porté les derniers coups à l’Union soviétique… Ce qui semblait avoir échappé à Fukuyama.
L’article de Fukuyama était moins un constat qu’une prophétie, une révélation. En grec : une apocalypse. L’apocalypse du bonheur, tout à fait dans la tradition religieuse. Fin des guerres, développement de la technique, âge d’or de la démocratie, du marché et de la consommation. L’accident nucléaire de Fukushima a fait de nouveau retentir les trompettes de l’apocalypse jusque dans les propos du commissaire européen à l’Energie. Décidément le vocabulaire religieux a la vie dure ! Cette fois, ce n’est plus la «fin de l’histoire», qui est annoncée, mais bel et bien la «fin du monde» naturel, historique et humain… Mais pas de chance pour Fukuyama. Ce qui avait ruiné le système soviétique menace de ruiner à son tour celui qui en a triomphé. Ce qu’annonce Fukushima, en effet, ce n’est pas la victoire, mais la condamnation d’un capitalisme de l’hyperconsommation et de l’hypertechnicité.
Espérons qu’il restera des hommes pour profiter de la leçon.
DANIÈLE SALLENAVE
Dernier ouvrage paru: «la Vie éclaircie» (Gallimard, 2010)
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