Guérir d'urgence notre démocratie.
Une démocratie profondément malade : c'est ainsi qu'apparaît notre pays au lendemain des élections cantonales des 20 et 27 mars. Le premier parti de France est bien, une fois de plus, celui des abstentionnistes. On ne peut que s'en inquiéter. Le droit de vote est, dans le cadre du suffrage universel, l'un des éléments essentiels au bon fonctionnement d'une démocratie. Des peuples luttent aujourd'hui, sans crainte des représailles, pour obtenir ce droit élémentaire. Ceux qui en disposent mais ne l'utilisent pas mettent la démocratie en danger.
Il y a, bien sûr, de nombreuses raisons au désintérêt exprimé à l'égard de ce scrutin local. Les Français perçoivent mal le rôle du conseiller général, amené à évoluer avec la réforme en cours des institutions. Ils ont le sentiment que le canton, et c'est paradoxal, c'est loin, compliqué et inutile, que ce n'est pas à ce niveau-là que se situent aujourd'hui les vrais enjeux.
Dernier grand scrutin avant l'échéance cruciale de 2012, les résultats de ces cantonales confirment la poussée, voire la banalisation du Front national et de ses thèses, mais aussi, dans le même temps, la faible attirance des Français pour les deux grands partis de gouvernement – l'UMP et le PS. La défaite, sévère et avouée, de l'UMP n'est pas une surprise. Qu'un parti au pouvoir, en période de crise, soit sanctionné à l'occasion d'élections locales est un grand classique. Dimanche 27 mars, la chancelière allemande, Angela Merkel, a subi, elle aussi, dans l'un des Länder allemands les plus riches, le Bade-Wurtemberg, une lourde sanction. Compte tenu du discrédit, historique, de Nicolas Sarkozy, de l'ampleur des difficultés que connaissent les Français et des divisions de la droite, la victoire du PS apparaît finalement comme relativement modeste.
En fait, ce que souligne ce scrutin, c'est que, depuis 2007, le fossé entre les Français et leurs dirigeants politiques ne s'est pas réduit, qu'au contraire, il a continué à se creuser. Lors de la campagne de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy avait diagnostiqué avec pertinence le danger pour la démocratie de ce divorce entre les citoyens et leurs élus. Il avait compris que, pour rétablir le lien, il fallait que les politiques parlent un langage de vérité, qu'ils s'attaquent aux vrais problèmes, qu'ils cessent de provoquer des débats inutiles ou d'exacerber de grandes peurs. Pour ne s'être pas tenu à cette feuille de route, pour avoir fait, en de nombreux domaines, l'exact contraire, le chef de l'Etat a en réalité contribué, au cours de ces dernières années, à aggraver cette crise de la démocratie. L'immigration et la sécurité sont des sujets de préoccupation pour les Français. L'emploi, le pouvoir d'achat et la justice sociale en sont d'autres. Les uns et les autres sont liés. Pour 2012, les candidats à la présidentielle, à droite comme à gauche, prendraient un grand risque à privilégier les premiers sur les seconds. Il y a urgence à guérir notre démocratie.
Erik Izraelewicz
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