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dimanche 27 mars 2011

La vie est un bien public mondial...

Le nucléaire est l'un des plus grands fléaux du XXIe siècle
Même au cours des événements les plus atroces, il y a toujours des optimistes pour se réjouir. A l'heure où le Japon vit une catastrophe nucléaire majeure, ils nous exhortent à assumer la "noble" tâche qui nous incombe : l'heure n'est pas à la désolation, nous disent-ils, car pourrait s'ouvrir une ère nouvelle, plus rationnelle, plus démocratique et plus juste, où il serait enfin reconnu que "le nucléaire est un bien public mondial" exigeant une gestion transnationale responsable et éclairée.
Comment peut-on en venir à proférer des énoncés aussi obscènes dans de telles circonstances ? Comment peut-on défendre l'industrie nucléaire alors que nous sont rappelées de la façon la plus terrible les conséquences de ce choix, toujours fait en dépit de l'opinion publique ?
La plaidoirie parue sur Lemonde.fr (Jean-Pierre Mignard, Raphaël Romi, Sébastien Mabile et Michel Mabile : "Nucléaire : un bien public mondial") est un modèle du genre. Au nom du progressisme, de l'intérêt général de l'humanité, il s'agit de faire apparaître le nucléaire comme le choix qui s'impose à des "responsables" à la fois probes et compétents.
Le discours auquel la classe politique française - à l'exception des Verts et d'une partie de l'extrême gauche - se rallie aujourd'hui avec une émotion où se mêlent atterrement devant la catastrophe et inquiétudes pour un fleuron de l'industrie française est donc de reconnaître que le nucléaire comporte des risques (difficile, pour l'heure, de l'oublier !), mais qu'une gestion responsable peut nous en préserver, étant entendu que les "bienfaits" du nucléaire seraient "incontestables".
Toute la question est là. Est-il vrai que nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire ? Est-il vrai que le développement du nucléaire civil serait souhaitable, parce qu'il contribuerait à limiter le réchauffement climatique ? Est-il vrai qu'il est possible de "faire les choses bien" ? Autrement dit, peut-on réellement, dans le respect de la démocratie et grâce à l'imposition de strictes normes techniques, jouir des "bienfaits" du nucléaire civil sans s'exposer à tout instant à la catastrophe ?
A ces trois questions, nous répondons : non. C'est d'abord une imposture que de dire que nous n'aurions pas le choix, que "les experts" s'accorderaient pour dire que nos besoins en énergie seraient tels que nous ne pourrions nous passer du nucléaire. Dès lors qu'on remet en question le dogme selon lequel la consommation en énergie serait vouée à augmenter, il est possible d'envisager une sortie du nucléaire : l'Association négaWatt a ainsi élaboré un scénario énergétique reposant sur la réduction des gaspillages d'énergie et l'efficacité énergétique qui permet d'envisager la fermeture des centrales françaises dès 2030. Nous avons donc le choix, et prétendre le contraire est mentir, purement et simplement.
Les promoteurs du nucléaire n'ont pas hésité à tirer parti de la sensibilisation de l'opinion aux dangers du réchauffement climatique : le maintien et même le développement du nucléaire seraient souhaitables, car ils permettraient de lutter contre l'augmentation des gaz à effet de serre. Or, en France, c'est-à-dire dans le pays d'Europe où le développement du nucléaire a été le plus massif, la production d'électricité d'origine nucléaire ne contribue que pour 16 % à la consommation d'énergie finale. Si cette contribution était assurée par une production d'électricité d'origine renouvelable, les émissions totales de gaz à effet de serre seraient légèrement inférieures. Et si elle l'était par des centrales à gaz à cycle combiné, ces émissions seraient supérieures de seulement 15 % à 20 %.
L'Agence internationale de l'énergie, qui promeut pourtant le développement de l'industrie nucléaire, calcule que, si le nucléaire parvenait à se développer, sa contribution à la réduction des émissions mondiales de CO2 serait d'à peine 6 % en 2050, contre 54 % pour les économies d'énergie et 21 % pour les énergies renouvelables, à un coût très inférieur. Cette réduction dérisoire interviendrait par ailleurs bien trop tard. Surtout, toutes les options ne sont pas compatibles : le nucléaire exige des investissements considérables en matière d'infrastructures et monopolise d'énormes subventions publiques, dont les deux tiers des budgets européens de recherche sur l'énergie, au détriment des autres énergies et du développement de politiques d'économies d'énergie.
Troisième point - bien sûr le plus important : il n'est matériellement pas possible de garantir les populations contre les risques inhérents à l'industrie nucléaire civile. Parler de "réacteurs aux garanties irréprochables" serait presque comique, si ce n'était tragique, quand la majorité des réacteurs en activité auraient déjà dû être arrêtés, et alors que les nouveaux modèles de réacteurs, les fameux EPR, dont les représentants de commerce d'Areva nous vantent la fiabilité à l'envi ("Ah, ma bonne dame, ça, ça ne vous serait pas arrivé avec notre nouveau modèle !..."), ne cessent de révéler leurs fragilités.
Rappelons que, outre les analyses suggérant qu'en cas d'accident ces réacteurs et leur "double enceinte de confinement" pourraient s'avérer plus dangereux que les précédents, les autorités de sûreté française, finlandaise et britannique ont toutes émis des doutes sur la capacité de leur système de commande à répondre aux exigences de sûreté de base.
Les risques et les dommages causés par le nucléaire ne sont d'ailleurs pas limités aux réacteurs, ils sont présents sur l'ensemble de la filière : des mines d'uranium à la production de combustible, en passant par le problème insoluble des déchets, dont le prétendu "retraitement" produit en fait plus de matières radioactives et un nouveau combustible, le mox, plus dangereux encore que l'uranium.
Nos promoteurs d'une gestion éclairée et cosmopolite du nucléaire le reconnaissent d'ailleurs. Ils déclarent en passant qu'"il existera toujours et partout un scénario dans lequel une catastrophe comme celle de Fukushima pourra se produire". Sommes-nous prêts à assumer un tel risque à seule fin de produire de l'électricité ? Pouvons-nous accepter qu'une telle décision soit prise par des "experts" - voire par les promoteurs du nucléaire - hors de tout débat démocratique ?
Mais si le nucléaire est toujours imposé aux peuples, en dépit du rejet qu'entraîne la conscience de ses risques, c'est parce que, né de l'industrie militaire et encore profondément lié à elle, cette industrie, d'une technicité et d'une dangerosité extrêmes, n'est pas susceptible d'être gérée démocratiquement. Elle exige l'opacité ; elle nécessite une gestion centralisée et autoritaire. Le nucléaire est un régime politique - et il n'est tout simplement pas possible de lui appliquer les principes de "transparence" ou de "contrôle citoyen".
De deux choses l'une : soit ce discours témoigne d'une méconnaissance de la question, soit d'un véritable cynisme, mais quoi qu'il en soit, cela n'augure rien de bon pour cette "nouvelle gouvernance mondiale irréprochable" censée nous préserver des dangers du nucléaire.
Pas sûr qu'à tenir un tel discours nos "responsables" parviennent à restaurer la "confiance" nécessaire à l'avenir en la filière nucléaire. Ce serait en tout cas un tour de force, mais nos habiles manipulateurs du langage ont du moins l'avantage de bénéficier du soutien presque unanime de la classe politique en France, et d'une bonne partie des médias.
Charlotte Nordmann, essayiste et traductrice et Jérôme Vidal, éditeur (éditions Amsterdam)

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