Suffisance
La catastrophe nucléaire au Japon fait peur parce ce que l’on croyait hors de toute norme, hors de toute possibilité, se joue heure par heure devant nos yeux. Patrick Lagadec, un des penseurs des «risques technologiques majeurs», explique : «Ce que nous tenions pour réalités barbares, contenues aux confins de l’empire du rationnel, tend à faire irruption au centre, et avec la plus extrême brutalité.»
L’imprévisible devient ordinaire. L’inattendu usuel. On l’a vu avec Fukushima, où un enchaînement d’événements supposé impossible a donné lieu à un désastre si peu prévu que les Japonais en sont réduits à utiliser les camions pompes de la police. On avait vu de la même façon comment BP, après avoir déclenché une gigantesque pollution dans le golfe du Mexique, avait dû bricoler des parades à la chaîne. La compagnie pétrolière tout comme l’entreprise électrique japonaise avaient des années durant bien évidemment juré de l’extraordinaire sûreté de leurs installations, de la préparation de leurs équipes à toute éventualité. Autant de certitudes et d’arrogance depuis balayées et démontées. C’est pourquoi nous sommes tous devenus, d’une certaine manière, des Japonais irradiés. Si ce qui est arrivé dans une société si technologique, si ordonnée, est possible, pourquoi l’impensable ne se reproduirait-il pas ailleurs ? Ces craintes sont d’autant plus contagieuses que le complexe nucléaire, dans tous les pays du monde, pratique la même culture de la suffisance technocratique. Et il ne suffira pas de parler de la «pertinence» de cette filière pour rassurer les Français justement inquiets. La gauche comme la droite se doivent d’accepter un débat démocratique sur le nucléaire.
FRANÇOIS SERGENT
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