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mercredi 27 octobre 2010

Capitalisme et désir


Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, de Frédéric Lordon

Où va le capitalisme ? Cet essai ambitieux, mais toujours très clair, entend rouvrir "le chantier conceptuel" du capitalisme. Un système économique "discutable", écrit Frédéric Lordon, directeur de recherches au CNRS. Ne serait-ce que parce qu'il est daté historiquement. On finirait par l'oublier.

Depuis Karl Marx (1818-1883), de l'eau a coulé sous les ponts. Frédéric Lordon fait référence à l'auteur du Capital pour ce qui concerne la "servitude". Mais c'est surtout dans l'usage qu'il fait de Baruch Spinoza (1632-1677) et du concept, central chez ce philosophe, de désir, que sa pensée est singulière.

Frédéric Lordon montre, en particulier, que ce qu'il appelle "l'épithumè capitaliste" ("épithumè" signifie en grec désir) a évolué. Le projet du capitalisme néolibéral, affirme-t-il, est désormais de façonner notre désir, en optimisant "l'exploitation passionnelle". Sus aux "passions tristes", tel est le mot d'ordre. L'entreprise veut des salariés contents. Du coup, tout le monde est gentiment schizophrène. Là où les choses se gâtent, et l'auteur le montre bien, c'est quand la maltraitance des salariés s'en mêle. Sur ce point, le diagnostic du livre sur la violence sociale cachée est imparable, même s'il n'est pas nouveau.

Plus originales, en revanche, sont les pages où M. Lordon, classé à gauche, trouve des accents tocquevilliens quand il décrit le projet "totalitaire" néolibéral de "possession des âmes". Ou encore le chapitre sur la préférence pour la liquidité, où il montre que la liquidité est sans doute aujourd'hui le "fantasme" absolu de la toute-puissance. Qui va jusqu'à liquider le social.

Le capitalisme est prédateur par nature, affirme M. Lordon. "Une hypothétique sortie du capitalisme, écrit-il, ne (libérera) nullement des enjeux de la capture." Si l'idée d'une rupture avec le capitalisme a encore un sens, elle passe par une reconfiguration de nos désirs (une nécessité écologique, soit dit en passant). Mais, comme le dit l'auteur, en citant encore Spinoza - à moins que ce ne soit le chinois Lao Tseu : "La voie est escarpée."

Frédéric Lordon

Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, de Frédéric Lordon. La Fabrique éditions, 216 pages, 12 euros

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