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vendredi 15 octobre 2010

Chasseurs dans les écoles : les tueurs pédago.


Des cartables et des fusils de chasse

Luc Chatel et Jean-Louis Borloo signaient un partenariat le 4 mars dernier avec la Fédération nationale des chasseurs (FNC) pour leur permettre de donner des leçons d'écologie (si, si ) aux collégiens. Les chasseurs entrent à présent dans les écoles avec leur "matériel pédagogique" : un chien de chasse virtuel dénommé Cartouche. Tout un programme.

On ne peut plus l'ignorer, la FNC, très riche, très bien organisée et bénéficiant de nombreux soutiens politiques, en particulier à l'UMP, et de la Droite extrême obtient à peu près tout ce qu'elle veut du pouvoir actuel. Récemment, Jean-Louis Borloo s'est distingué par l'instauration (à la demande pressante de la FNC) d'un décret d'"obstruction à la chasse", pénalisant d'une amende de 1 500 euros l'opposition à cette pratique. Un décret dénoncé comme une atteinte à la liberté d'opinion par la député Martine Billard (Parti de gauche), mais aussi par certains chasseurs dissidents comme l'Association des chasseurs écologiquement responsables (ANCER). La chasse est devenue le premier loisir pénalement protégé. De quoi s'étonner ? Ce n'est pourtant qu'un cadeau parmi d'autres, régulièrement octroyés par ce gouvernement aux chasseurs pour des raisons clientélistes et électoralistes évidentes. Aujourd'hui, c'est l'éducation qui leur est confiée.

Les chasseurs ont ainsi l'opportunité de redorer l'image de la chasse auprès du jeune public : une nécessité dans un contexte de décroissance constante de leurs effectifs (30 000 chasseurs "raccrochent" chaque année). Car, à terme, c'est l'influence électorale et politique de ce lobby qui est menacée – et donc ses privilèges.

Une démarche d'embrigadement à peine voilée par la promesse des chasseurs de "ne pas parler de chasse" aux élèves. Pourtant, outre la naïveté du propos (on peut douter qu'ils ne chercheront pas à les influencer d'une manière ou d'une autre), il est bien question pour eux d'imposer leur vision de la nature, vision contestable et surtout contestée.

Tout d'abord, la compétence même des chasseurs est mise en cause par les associations de protection de la nature. Pour l'ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages), "ils [les chasseurs] n'ont aucune légitimité pédagogique. Leur passion de la chasse et leur concurrence avec les prédateurs naturels leur donne une vision déformée de la faune, qu'ils partagent entre 'nuisibles' et 'gibier'". Si l'on ajoute à cela le fait que la très grande majorité des animaux chassés provient de "lâchers" (20 millions d'animaux sur les 32 millions tués chaque année sont élevés pour la chasse), on comprend de plus en plus difficilement quel peut être le contenu des cours préparés par les chasseurs. S'agira-t-il de projeter aux élèves le fameux "lâcher de galinettes cendrées" des Inconnus ?

FAVORITISME D'ETAT

Plus préoccupant pour nos fondements républicains, c'est la neutralité de l'Etat qui est ainsi ébranlée. De même que la laïcité, qui, même si on l'oublie souvent, ne concerne pas seulement les signes ostensibles religieux (écartés à juste raison des milieux scolaires), mais aussi "les conceptions partisanes" comme l'indique le dictionnaire Larousse. Le spécialiste de l'histoire de l'école Pierre Kahn rappelle dans son ouvrage La laïcité, que, dans l'idéal défendu par Condorcet lors de la Révolution française : "le religieux n'existe pas en effet seulement dans les religions instituées (…) il y a aussi des 'religions politiques' que l'Etat ne peut imposer aux citoyens sans préjudice grave pour la liberté de conscience". L'idéologie portée par les chasseurs n'a rien de consensuel, à l'heure où le rapport aux animaux évolue vers une plus grande compassion, et où l'on a du mal à accepter que des promeneurs puissent perdre la vie lors des "accidents de chasse" (50 personnes assassinées légalement par an) La présence des chasseurs en milieu scolaire bénéficie donc d'un favoritisme d'Etat peu compatible avec sa mission d'intérêt général. Et pourquoi pas confier les cours de sciences de la vie et de la terre aux créationnistes, les cours d'histoire aux négationnistes et les cours de droit social au Medef !

Enfin, est-ce bien le lieu pour banaliser une pratique qui repose sur l'usage des armes à feu ? A Croutoy, en février, Aurélien, neuf ans, décède après avoir reçu une balle du fusil de calibre 12 tirée par son frère Kévin, 17 ans, titulaire du permis de chasse comme son père. En juin, c'est un adolescent de 16 ans qui est tué en Eure-et-Loir lors d'une partie de chasse. En septembre, grièvement blessé par un coup de fusil de chasse à Condeissiat, un enfant de 10 ans termine en état de mort cérébrale. Un lourd tribut sur l'autel d'Ariane. D'où peut-être la méfiance d'une Académie "qui fit circuler dans tous les établissements de son département une circulaire interdisant l'accès à toutes les structures cynégétiques", comme le déplore dans la presse spécialisée M. Ettori, vice-président de la FNC à l'origine de la convention du 4 mars. Désormais, poursuit-il, "une fédération a le droit de proposer des animations auprès des jeunes, que l'inspecteur d'Académie le veuille ou non". Et tant pis si des enfants y laissent leur peau.

David Chauvet a participé à la rédaction de l'ouvrage collectif La raison des plus forts (2010).

David Chauvet, juriste, membre fondateur de l'association Droits des animaux

1 commentaire:

  1. Je partage totalement l'indignation provoquée par ce genre d'intervention. Informé par l'ASPAS, j'avais dès le mois dernier demandé à la FCPE, première association de parents d'élèves de France, quelle était sa position sur le sujet... sans réponse à ce jour. Par ailleurs, les panneaux de pub 4X3 posés près des écoles par la FNC sont d'un angelisme cynique (voir site de l'ASPAS). Jusqu'où iront-ils pour perpétuer leur loisir criminel ?

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