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lundi 11 octobre 2010

La joie de son maître


Quand Frédéric Lordon appelle Spinoza à la rescousse de Marx
et démontre l'aboutissement prochain du totalitarisme néo libéral et comment y résister.

Formidable moment de journalisme télévisuel! En 90 minutes, Judith Bernard amène Frédéric Lordon a préciser la nature et les objectifs de l'ouvrage savant qu'il vient de publier et qui reste accessible à beaucoup grâce au concret de son contenu.

Économiste, formé à l'école de la régulation (milieu des années 70, avec notamment Robert Boyer), qui s'inspire de Keinz, Schumpeter et Marx, Frédéric Lordon entreprend ici une relecture critique du marxisme de second période, celle du structuralisme des rapports sociaux, au travers de l'anthropologie des passions selon Spinoza.

Marx, lui même très imprégné de la pensé de Spinoza, est ici revisité pour montrer les limites de cette pensé et permettre d' inventer des solutions nouvelles face à l'échec de celles auxquelles la pensée marxiste a pu conduire.

Un travail d'universitaire qui revendique la nature du vocabulaire d'initiés de l'auteur utilisé ici pour montrer qu'il s'adresse à sa communauté scientifique, dans un travail de laboratoire, préalable indispensable à la divulgation au plus grand nombre. Un ouvrage cependant très accessible du fait des exemples concrets sur lesquels il s'appuie: comment ne pas se rendre compte que le capitalisme exacerbe et vit des passions. Il suffit de constater la folie des marques, celle d'une séance boursière entre traders ou encore les pugilats patronaux à l'occasion d'OPA.

Spinoza a fait scandale en son temps. Il a été exclu de sa communauté juive d'Amsterdam. Il a connu le sort de l'hérétique. Son tort: avoir voulu montrer que l'homme est dominé par ses passions. Selon Frédéric Lordon « Spinoza prend à rebrousse poil nos habitudes de pensées ...et en particulier celles que nous avons tous qui consistent à nous croire libres arbitres, souverains dans nos décisions, autonomes de volonté...le fameux « c'est mon choix ». Nous sommes tous des petits cartésiens à l'état pratique, et c'est la matrice intellectuelle du libéralisme qui est fondamentalement parti lié avec cet individualisme là... Selon Spinoza, l'homme n'est pas libre: nous vivons toujours sous l'emprise de nos passions et la servitude passionnelle est universelle...la passion est source de violences extrêmes."

Le partage de la réflexion philosophique de Spinoza amène l'économiste à revoir sa copie sur l 'analyse marxiste. Il faut prendre les hommes tels qu'ils sont et non pas tels que l'on voudrait qu'ils fussent. « Selon Spinoza il n'y a pas de société sans violence (comme Marx l'aurait souhaitée dans une société sans classe comme le communisme). Au lieu de rêver une éradication de la violence (qui sera toujours en nous car intimement liée à l'expression des passions), il faut en rechercher les formes les moins destructrices...On ne perd jamais à la lucidité »

Le projet néo libéral du capitalisme est un projet totalitaire. Après avoir asservi les corps (voir le film de Pierre Carl « Attention, danger, travail » ) et développé l'affect joyeux extrinsèque de l'enrichissement du salarié par la possession matérielle (société de consommation), le néo libéralisme veut conquérir les âmes et développer l'affect joyeux intrinsèque, l'amour du maître (le patron) qui permet au salarié de se rendre joyeux de la joie de son maître. Les conséquence de cette politique délibérée sont déjà visibles chez les cadres complètement « assujettis » à leur employeur.

Il n'y a plus deux blocs opposés comme prévu dans la lutte des classes mais bientôt un continuum, de l'ouvrier au bord de la rébellion, mais qui s'oblige à rester pour ne pas perdre le minimum vital à sa survie, jusqu'au cadre qui partage pleinement et joyeusement les objectifs de son patron.

Mais alors qu'elles perspectives pour rompre cet envahissement de l'âme? Y aura-t-il encore des luttes demain? Est-il encore possible de dépasser le modèle monarchique que nous impose l'entreprise d'aujourd'hui et la soumission totale aux affects dominants des patrons?

Frédéricric Lordon explore les prémices d'une solution dès lors que quelqu'un veut entreprendre quelque chose qui nécessite la participation de plusieurs pour la réaliser. C'est le concept de « res-commune(iste) »: la chose collective, par analogie avec la res-publica dans le domaine politique. Un principe d'égalité procédural et d'égale participation (auto-gestion) à la réalisation de la chose partagée. Ce n'est pas le meilleur des mondes assuré car les passions demeureront et donc la nécessité de les endiguer. Mais c'est une façon de canaliser les violences et de se reconnaître comme des aliénés, mais des aliénés joyeux qui se prennent en charges eux-mêmes. Vaste programme !

Un très bel et instructif entretien dont on ne ressort pas indemne, mais sûrement plus intelligent.

D@ns le Texte émission présentée par Judith Bernard, entretien avec Frédéric Lordon économiste, pour la sortie de son dernier livre "Capitalisme, Désir et Servitude Marx et Spinoza" La Fabrique Éditions 2010

Visualisation offerte gracieusement pendant quelques jours à tous les internautes par « @rrêt sur Image » pour promouvoir la qualité de ses programmes, qui au regard de cet entretien ne sera plus à vous démontrer.

A voir sur @rrêt sur Image.net
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Jean-Noël Chassé A.P.I.S.

1 commentaire:

  1. Magnifique. De la pensée vivante. De la haute volée intellectuelle. Je viens de regarder le reportage et un espace s'est ouvert. Merci Jean-Noël pour ce post.

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