«Même le ciel est avec nous !» La phrase entendue hier dans la foule immense qui défilait à Paris témoigne du regain d'optimisme et de détermination parcourant le mouvement social français. Malgré les hésitations des états-majors syndicaux et les rodomontades élyséennes, malgré les (coûteuses) grèves à répétition, malgré le discours lénifiant, voire culpabilisant, des médias et des «experts», deux à trois millions de Français sont à nouveau descendus dans la rue contre le report de l'âge de la retraite. Pour la quatrième fois en cinq semaines!
La stratégie attentiste de Nicolas Sarkozy devient périlleuse. Ceux qui y voyaient le trait de la détermination seront bientôt tentés d'y voir une forme d'autisme politique.
En maintenant Eric Worth, l'ami des riches, à la tête de la mère de toutes ses réformes, le président a clairement péché par excès de confiance. Nicolas Sarkozy est d'autant plus incapable d'entendre la colère que provoquent ces compromissions vénales que lui-même les estime bénignes, voire normales.
Loin de s'émousser, le mouvement de contestation se répand désormais aux lycées et aux universités. S'ils n'étaient pas hier en majorité, les tronçons étudiants ont considérablement gonflé depuis une semaine.
Face à ces centaines de milliers de jeunes manifestants et aux quelque trois cent cinquante établissements scolaires en lutte, le gouvernement a pour seule réaction de dénoncer des manipulations du Parti socialiste. C'est lui prêter un bien grand pouvoir! Et afficher – là aussi – un terrible mépris des contestataires.
Aussi dépolitisés soient-ils ces jeunes comprennent aisément que, en voulant maintenir leurs aînés plus longtemps au travail, c'est leurs jobs qui s'éloignent. D'autres voient de leurs propres yeux leurs parents galérer pour trouver une embauche illusoire dès la cinquantaine.
Si l'arrivée des lycéens rappelle le bon souvenir du CPE – le smic-jeunes au rabais blackboulé dans la rue en 2006 –, l'issue de la bataille des retraites demeure très incertaine. Les forts taux de grévistes d'hier, la jonction avec le mouvement de lutte dans le secteur stratégique pétrolier et les premiers mots d'ordre de grève reconductible ces prochains jours dans les transports soulignent un durcissement du mouvement.
En même temps, on voit mal un Nicolas Sarkozy, déjà très affaibli politiquement, se permettre une reculade. Son avenir politique en serait irrémédiablement compromis.
Le mouvement social saura-t-il garder le cap et l'unité dans un conflit qui s'annonce de longue durée? Une chose est certaine: son meilleur allié habite peut-être à l'Elysée. Car, en France plus qu'ailleurs, le mépris du peuple n'a jamais été de bon conseil pour un gouvernant.
BENITO PEREZ
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