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mardi 26 octobre 2010

De l' Ecologie à l' Autonomie par Castoriadis


De l’écologie à l’autonomie : Débat entre Cornelius Castoriadis et Dany Cohn-Bendit

Cornelius Castoriadis : Je suis content d’être ici et de vous voir. Et je suis très surpris du nombre des participants ; très agréablement surpris et heureux. Mais en même temps, ça augmente ma peur de vous décevoir, d’autant qu’en parlant avec Dany avant de venir ici, il me disait qu’il ne savait pas ce qu’il dirait, qu’il improviserait. Lui, il en a l’habitude et on sait, historiquement, qu’il s’en tire très bien

(rires)

Quant à moi, j’aurais voulu consacrer plus de temps que je n’ai pu le faire à la préparation de ce que je compte vous dire.

Mais peut-être, en fin de compte, ça n’aurait pas fait de différence car les quatre ou cinq choses que j’ai à dire, vous le verrez, aboutissent à des points d’interrogation, et ils auraient abouti à des points d’interrogation de toute façon. Et je crois que le sens d’une soirée comme celle-ci c’est précisément de faire parler les gens ; de vous faire parler, soit sur les questions qui sont déjà ouvertes pour vous, soit - et là, ce serait un gain considérable - sur des questions nouvelles qui surgissent dans le débat, avec l’aide peut-être de ceux qui ont été chargés de l’introduire.

Aujourd’hui tout le monde sait, tout le monde croit savoir - ce n’était pas le cas il n’y a guère - que la science et la technique sont très essentiellement insérées, inscrites, enracinées dans une institution donnée de la société. De même, que la science et la technique de l’époque contemporaine n’ont rien de transhistorique, n’ont pas de valeur qui soit au-delà de toute interrogation, qu’elles appartiennent au contraire à cette institution social-historique qu’est le capitalisme tel qu’il est né en Occident il y a quelques siècles. C’est là une vérité générale. On sait que chaque société crée sa technique et son type de savoir, comme aussi son type de transmission du savoir. On sait aussi que la société capitaliste, non seulement a été très loin dans la création et le développement d’un type de savoir et d’un type de technologie qui la différencie de toutes les autres, mais, et cela aussi la différencie des autres sociétés, qu’elle a placé ces activités au centre de la vie sociale, qu’elle leur a accordé une importance qu’elles n’avaient pas autrefois ni ailleurs.

De même, tout le monde sait aujourd’hui, ou tout le monde croit savoir, que la prétendue neutralité, la prétendue instrumentalité de la technique et même du savoir scientifique sont des illusions. En vérité, même cette expression est insuffisante, et masque l’essentiel de la question. Car la présentation de la science et de la technique comme des moyens neutres ou comme de purs et simples instruments, n’est pas simple « illusion » : elle fait précisément partie de l’institution contemporaine de la société - c’est-à-dire, elle fait partie de l’imaginaire social dominant de notre époque.

On peut cerner cet imaginaire social dominant en une phrase : la visée centrale de la vie sociale c’est l’expansion illimitée de la maîtrise rationnelle. Bien entendu, lorsqu’on y regarde de près - et il n’est pas nécessaire d’y aller très très près pour le voir - cette maîtrise est une pseudo-maîtrise, et cette rationalité une pseudo-rationalité. Il n’empêche que c’est celui-là, le noyau des significations imaginaires sociales qui tiennent ensemble la société contemporaine. Et cela, ce n’est pas seulement le cas dans les pays de capitalisme dit privé ou occidental. C’est également le cas dans les pays prétendument « socialistes », dans les pays de l’Est, ou les mêmes instruments, les mêmes usines, les mêmes procédures d’organisation et de savoir sont mis également au service de cette même signification imaginaire sociale, à savoir l’expansion illimitée d’une prétendue maîtrise prétendument rationnelle.

J’ouvrirai ici une parenthèse, car nous ne pouvons quand même pas discuter en faisant abstraction de ce qui est en train de se passer dans l’actualité mondiale et qui est très grave. Nous voyons beaucoup plus clairement aujourd’hui, avec l’Afghanistan - je dirai, plus exactement : les gens peuvent voir, quant à moi, je prétends que cela fait trente-cinq ans que je le vois - que la coexistence et l’antagonisme de ces deux sous-systèmes dont chacun prétend posséder le monopole de la voie par laquelle on parviendra à la « maîtrise rationnelle » du tout sont en train de frôler le point où il risque d’y avoir effectivement une maîtrise totalement rationnelle du seul véritable maître, comme dirait Hegel, c’est-à-dire de la mort.

Vous savez que la domination de cet imaginaire commence d’abord moyennant la forme de l’expansion illimitée des forces productives - de la « richesse », du « capital ». Cette expansion devient rapidement extension et développement du savoir nécessaire pour l’augmentation de la production, c’est-à-dire de la technologie, et de la science. Finalement, la tendance à la réorganisation et à la reconstruction « rationnelles » de toutes les sphères de la vie sociale - la production, l’administration, l’éducation, la culture, etc. - transforme toute l’institution de la société et pénètre de plus en plus à l’intérieur de toutes les activités.

Mais vous savez aussi que, malgré ses prétentions, cette institution de la société est déchirée par une foule de contradictions internes, que son histoire est traversée par des conflits sociaux importants. A nos yeux, ces conflits expriment essentiellement le fait que la société contemporaine est divisée asymétriquement et antagoniquement entre dominants et dominés, et que cette division se traduit notamment, par les faits de l’exploitation et de l’oppression. De ce point de vue, nous devrions dire qu’en droit, l’immense majorité des gens qui vivent dans la société actuelle devraient s’opposer à la forme établie de l’institution de la société. Mais aussi, il est difficile de croire que si tel était le cas, cette société pourrait se maintenir longtemps ou même aurait pu se maintenir jusqu’à aujourd’hui. Il y a donc une question très importante qui se pose : comment cette société arrive-t-elle à se maintenir et à tenir ensemble, alors qu’elle devrait susciter l’opposition de la grande majorité de ses membres ? ( Lire la suite sur : http://mediascitoyensdioisdebats.blogspot.com/)

Retranscription in extenso de la Conférence de Cornelius Castoriadis à Louvain-la-neuve le 27 février 1980

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