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dimanche 10 octobre 2010

Divorce entre les catholiques et le Sarkozysme


«Il faut oser être en dissonance»

Alors que l'électorat catholique prend ses distances avec lui, le président Nicolas Sarkozy rencontrait le pape hier. Les catholiques sont divisés sur les valeurs défendues par le chef de l’Etat. (photo : Mr Barbarin , évêque de Lyon).

Jean-Pierre, 56 ans, se dit plutôt de droite. En tout cas pas de gauche, «comme beaucoup de catholiques», précise-t-il. Mais il se sent mal à l’aise avec le sarkozysme en général, et avec Nicolas Sarkozy en particulier. Il est pratiquant, très investi dans la vie de son diocèse, et considère que le chef de l’Etat«n’incarne pas les valeurs chrétiennes». Il précise que cela «ne date pas de l’histoire des Roms». Mais constate autour de lui que «Nicolas Sarkozy a braqué contre lui pas mal de catholiques à ce moment-là».

Cet ingénieur agronome lyonnais a le sentiment que la visite du Président à Benoît XVI est «avant tout une tentative pour tenter de récupérer l’électorat catholique français». En conséquence, il n’en attend pas grand-chose. Selon lui, le Président est maladroit dans son rapport à la religion. «Dans l’absolu, je trouvais très bien en début de mandat qu’il rappelle les racines chrétiennes de la France, mais il l’a fait de telle façon qu’il a heurté les non-chrétiens. Cela ne respecte pas la laïcité de notre pays. Ça n’a pas de sens.»

Laurence, mère de famille lyonnaise de 49 ans, catéchiste et engagée dans les mouvements catholiques familiaux, ne partage pas ce point de vue. Elle n’a pas ressenti dans ses cercles amicaux de «fracture» cet été autour de la question des Roms. «Les médias donnent beaucoup la parole à une certaine partie des chrétiens, en particulier ceux qui sont impliqués dans l’action sociale. Mais l’Eglise présente bien d’autres visages qui ne partagent pas forcément l’interprétation qui a été faite des propos du pape.»

Laurence estime très important que Nicolas Sarkozy soit reçu par le pontife. «Au-delà des polémiques médiatiques, c’est un signe spirituel fort de reconnaissance mutuelle.» Elle apprécie l’implication du Président vis-à-vis de la religion, «plus visible que celle de ses prédécesseurs». Elle s’explique : «La nature a horreur du vide. Et, en ces temps de montée de l’extrémisme islamiste, il faut réaffirmer notre attachement aux valeurs de la chrétienté.»

Le père Régis, prêtre de Vaulx-en-Velin, dans la banlieue est de Lyon, attend tout autre chose de cette rencontre. Un recadrage. «Sur la forme, je ne suis pas dupe, Nicolas Sarkozy veut se refaire une santé vis-à-vis des catholiques. Il sait que l’image sera plus forte que le son et qu’il en ressortira forcément gagnant. Mais, sur le fond, j’espère que Benoît XVI parviendra entre quatre yeux, avec son langage diplomatique, à lui rappeler ce à quoi nous croyons sur l’accueil de l’étranger, le respect de l’autre.»

Au premier étage de sa paroisse, le père Régis et la communauté chrétienne de Vaulx-en-Velin accueillent 15 Roms expulsés d’un squat au printemps. Il dit constater sur le terrain, chez les prêtres et les pratiquants, «un véritable malaise vis-à-vis de la politique du gouvernement, notamment sur les questions de sécurité» et l’envie de faire entendre «une voix forte».

«Je suis très heureux des prises de position de l’épiscopat et du pape cet été sur les Roms, il faut oser être en dissonance, même si cela ne plaît pas au gouvernement, ni à une partie des chrétiens d’ailleurs.»

Selon lui, cette parole devrait même pouvoir s’étendre à d’autres sujets sur lesquels les valeurs chrétiennes sont mises à mal. Il cite la sécurité sociale et les retraites. «Ce sont des solidarités auxquelles nous sommes attachés. Il est bon que l’Eglise le rappelle aux politiques.» Le père Régis a conscience que cette «voix» n’est pas facile à faire entendre :«Avec les scandales de la pédophilie, l’Eglise est dans une position inconfortable pour délivrer ses messages. Mais il faut pourtant le faire.»

Alice GÉRAUD

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