Elles s'insurgent contre une blogosphère trop masculine. Face à la place manquante des femmes dans le débat public en ligne, les blogueuses féministes prennent la parole. Mais peinent encore à faire passer le message.
« En ligne, c'est simple : les filles parlent chiffons, les hommes parlent politique. » Directrice de la publication du webzine ZoneZeroGene.com, Gaelle-Marie Zimmermann a le mérite d'être claire. Avec d'autres rédactrices et blogueuses féministes, elles sont plusieurs à tenir le même discours : en matière d'égalité des genres, Internet ne fait pas mieux que le reste de la société. Le dernier classement des blogs par le portail d'information Wikio est un révélateur : dans la liste des « top blogs » politiques, aucun site personnel n'est tenu par une femme.
« Comment penses-tu agir sur Internet, si pendant ton enfance, on t'apprend à jouer à la poupée plutôt qu'à t'imposer ? », dénonce Caroline de Haas, animatrice du réseau Osez le féminisme ! . Pour cette ancienne secrétaire générale de l'Unef, le problème majeur des femmes reste celui de « l'occupation de l'espace » en public, qu'il soit réel ou virtuel.
Fondatrice du blog féministe CrepeGeorgette.com, Valérie le confirme : si certaines femmes « parlent chiffons », c'est bien parce qu'elles s'empêchent de parler d'autre chose.
« We can blog it »
C'est face à cette mise à l'écart que les blogueuses féministes interviennent. A défaut d'être plus féminin, Internet devient pour ces militantes virtuelles le moyen de montrer qu'au quotidien, l'égalité des sexes n'existe toujours pas. Florence, du blog féministe Fée Myrtille, explique : « Comme moi, ces blogueuses ont cru que la génération précédente avait obtenu l'égalité entre hommes et femmes. Elles ont vite déchanté quand elles ont commencé à travailler, ont eu leur premier enfant et ont été confrontées aux premières injustices sexistes. »
Un certain relais de la cause des femmes passe ainsi par le Web. « Simple, anonyme et innovant » selon Florence : à première vue, le blogging féministe ne manque pas d'arguments en sa faveur. Mais le défi est de taille quand il s'agit d'accroître son impact. Valérie, du blog CrepeGeorgette.com, reconnaît :
« Il faut réaliser que le féminisme intéresse très peu de monde. Internet permet de converser à peu près avec n'importe qui, y compris celle ou celui qui se fout du féminisme. »
Car l'enjeu des blogueuses est bien là : rendre un discours féministe parfois diabolisé plus accessible, et davantage pris en compte. En un mot, gagner en diffusion grâce au 2.0.
« Pendant des années, le féminisme était la bête noire de beaucoup de personnes », rappelle Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales et rapporteure de la commission sur l'image des femmes dans les médias :
« Ces sites sont justement appelés à familiariser le public à une parole dite féministe, avec laquelle beaucoup peuvent se réconcilier. »
Sexisme en ligne, les premiers risques du débat
« C'est toujours un challenge de faire en sorte que nous ne prêchions pas juste auprès des convertis » reconnaît Jarrah Hodge, éditrice du blog féministe canadien Gender-Focus.com. Ayant suivi des études de genre et de sociologie, elle sait qu'elle ne peut pas s'adresser exclusivement, via son blog, à des internautes ayant le même bagage académique qu'elle.
Mais pour ces blogueuses, avoir un public hétéroclite relève aussi du défi. Quand tout, ou presque, peut se dire en ligne, un lectorat plus ouvert laisse la part belle aux commentaires les plus sexistes. « C'est tout le temps » raconte Chloe Angyal, journaliste freelance et rédactrice du site américain Feministing.com. « Je serais riche si je gagnais ne serait-ce qu'un dollar chaque fois que l'on me traite de lesbienne ou de salope ».
Si la virulence des propos varie selon les cas – Ariane Lavrilleux, journaliste et blogueuse sur Les Diablogues du vagin, parle plutôt de « réponses cinglantes » –, la tolérance vis-à-vis des commentaires sexistes reste une tendance qui perdure. Pour Olympe du blog Olympe et le plafond de verre :
« Il y a encore en France cette mentalité qui veut que les propos sexistes soient uniquement considérés comme de l'humour grivois, donc pas grave. »
Face aux provocations, plusieurs blogueuses féministes préfèrent pourtant laisser faire. Gaëlle-Marie Zimmermann de ZoneZeroGene.com explique : « Une opinion qui contient des propos du type “vous êtes des blondasses mal baisées”, oui, c'est à la limite de l'injure. Mais si l'internaute explique cela clairement, est calme et ouvert à la discussion, on laisse. »
Signe d'un lectorat qui s'agrandit, certaines préfèrent des opinions divergentes à l'absence même de débat.
Tes militantes virtuelles, ça va deux minutes
Commentaires et sexisme mis à part, peut-on vraiment faire du militantisme féministe seulement sur Internet ? Caroline de Haas d'Osez le féminisme ! explique : « Internet est très important pour déclencher l'intérêt, permettre un premier contact avec les gens. Mais ça n'ira pas plus loin. Personnellement, je ne crois pas aux personnes qui militent seules chez elles, devant Internet. Il manque ce côté collectif du militantisme. »
Pour Chloe Angyal aussi, « bloguer est un complément au militantisme ». Alors que Feministing.com s'impose aujourd'hui comme l'un des blogs féministes les plus influents aux Etats-Unis, la jeune fille reconnaît une limite à l'usage d'Internet : « Il n'y a rien de tel que l'énergie et l'efficacité d'une foule de personnes qui manifestent ensemble dans la rue. »
Valentine Pasquesoone | Etudiante en journalisme
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