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samedi 15 mai 2010

Débat : Quelle richesse ? avec Didier Jouve

"Ce que nous faisons, nos enfants ne pourront plus le défaire"
Après les 5es assises nationales du développement durable qui se sont ouvertes à Lyon.
Pendant trois jours, il s’agissait de faire l'état des lieux de la planète et de l'humanité.
Fervent lecteur de feu La gueule ouverte, manifestant antinucléaire à Creys-Malville en 1977, Didier Jouve est un fin connaisseur du développement durable, au sens premier du terme lorsqu'il fut évoqué pour la première fois par le rapport Bruntland en 1987.
Aujourd'hui président de la Commission des Finances de la région Rhône-Alpes, il accueillait les 5es Assises nationales du développement durable à Lyon durant trois jours. Plus qu'ambitieuses, ces Assises ont tenté de faire l'état des lieux de la planète et de l'humanité, d'ouvrir d'autres voies et d'élaborer des propositions.
- Les Assises du développement durable visent à redéfinir la richesse. Pourquoi ?
Cette année, les Assises visent à re-questionner la priorité de l'avoir. La crise est une vraie opportunité pour la remettre en cause. La crise, on l'a vue venir. Elle était tendancielle, elle est désormais tangible. André Gorz, Ivan Illitch, de nombreux penseurs ont écrit sur cette crise écologique, sociale, économique, à venir. Aujourd'hui, il faut veiller à ce que la société ne pourrisse pas le concept de développement durable, concept qui mérite d'être sauvagement défendu alors que certains s'en contenteraient bien pour vendre à peu de frais, avec une peinture verte toute fraîche, ce qui a été vendu dans le passé.
- Quelle est votre analyse de la situation actuelle ?
Trois pilotes automatiques sont grippés. Le premier pilote automatique, c'était la croissance. Et toute une génération de responsables, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont cru qu'il s'agissait d'une potion magique, d'un médicament général qui répondait à tout. Le pilote automatique numéro 2, c'était le marché et nombreux étaient ceux qui pensaient que tout ce qui avait attrait au public était inefficace. Le pilote numéro 3, et on n'en parle pas assez, c'était et c'est encore la religion technologique.
- C'est-à-dire ?
Au XVIIIe siècle, la science nous sort de l'obscurantisme. Au XIXe siècle, la science est rachetée par l'industrie, principal mécène de l'époque. Chemin faisant, le capitalisme s'est organisé sur la prédation des ressources des autres. Et la société s'est articulée autour d'une équation quasi-religieuse : la croissance + le progrès scientifique = le bonheur.
- Pourquoi cette équation a-t-elle échoué ?
La création d'une véritable religion matérialiste a conduit à une déconnexion totale entre les avancées des sciences dures, les technologies, et les sciences humaines ainsi que tout ce qui permet d'absorber les progrès scientifiques. Aujourd'hui, on manque d'argent pour développer l'épidémiologie, regardez l'état de nos botanistes en France, etc. La société n'arrive plus à suivre, ni à digérer les progrès et créations technologiques qui nous inondent. Le XXe siècle est donc le siècle de l'irresponsabilité technologique. Et on doit gérer cet héritage : celui des PCB déversés dans le Rhône, des déchets radioactifs, des 400000 substances chimiques présentes dans notre environnement et notre quotidien. Et demain, nous devrons gérer des objets dont nous n'avons pas la maîtrise : OGM, nanotechnologies etc.
Nous avons franchi une étape, et nous ne savons plus gérer la réversibilité de nos actes. Ce que nous faisons aujourd'hui, nos enfants ne pourront plus le défaire. D'après moi, la question de la réversibilité est plus importante que le principe de précaution.
- Comment cela s'organise–t-il au niveau politique ?
Au niveau de la région, il faut faire entrer le développement durable dans toutes les politiques territoriales et régionales. Pour la région Rhône-Alpes, cela se traduit par plus de 200 actions dans ce sens : réformes des aides à l'habitat ou à l'énergie, priorité donnée aux circuits courts en agriculture, prise en charge à 50% de la certification bio des agriculteurs etc.
- Cela nécessite des moyens que la région ne détient pas forcément…
Contrairement à ce que l'on croit, je pense qu'il ne s'agit pas de dépenser plus mais autrement. Mais aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Je ne sais pas ce que Sarkozy envisage de faire en matière de collectivités locales. Par exemple, en ce qui concerne le Grenelle de l'environnement, on a déchargé pas mal de directives sur les autres mais personne n'a répondu à la question cruciale suivante : qui va prendre en charge le chantier ? J'attends de voir ce qu'il y aura dans la refonte fiscale, elle n'a pas encore eu lieu. Pour l'instant, les régions sont chargées de beaucoup de devoirs, sans en avoir forcément les droits.
- En septembre 2003, la municipalité de Lyon accueillait un colloque sur la décroissance volontaire. Aujourd'hui, le terme est devenu tabou. Pourquoi ?
Sur le fond, nous sommes d'accord avec les défenseurs de la décroissance sur les changements à opérer, mais il existe une divergence tactique. Au moment où la crise va frapper de nombreuses personnes dans leur vie quotidienne, il est difficile de demander à ces personnes de devenir décroissantes. Le mot même de décroissance marque le repli, la descente. C'est la structure même du mot qui pose problème, pas son sens.
- Quel mot vous conviendrait ?
Sobriété, simplicité volontaire, ou même décroissance de la prédation des ressources, croissance de l'accès à l'eau pour tous, de l'accès à l'éducation. Comme il faut agréger la population autour de perspectives positives, le vocabulaire a son importance. Mais sur le fond, comme je me bats contre le mot «croissance» qui est un mot indistinct, quasi-religieux, je n'ai pas envie à l'inverse d'utiliser le mot tout aussi indistinct qui est celui de «décroissance».
Laure Noualhat

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