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samedi 22 mai 2010

La journée de la Femme c'est tous les jours

Peut-on être amoureux pour la vie ? Nous vivons à une époque où le bonheur dépend en grande partie de la réussite conjugale. Or, celle-ci repose sur deux forces souvent antagoniques : la bonne entente et l’érotisme. Savoir les concilier devient la clé de l’art de vivre.
Connaissez-vous la « hot monogamy » ? C’est un feu brûlant au milieu d’un subtil jeu d’ombres et de voiles. Rester avec le même partenaire amoureux, tout en cultivant à son égard un mystère non feint - et en l’observant chaque matin avec un regard renouvelé - serait la meilleure façon d’échapper aux malédictions de la solitude et de la promiscuité domestique. Telle est l’opinion d’Esther Perel, une amoureuse passionnée qui a décidé de partager son art du bonheur avec la terre entière.
Esther Perel est une femme très maline. Cette psychothérapeute conjugale belge de New-York, a provoqué une onde de choc dans l’ensemble de la presse féminine et des chaînes de télé américaines, en publiant Mating in captivity (littéralement « s’accoupler en captivité »), aussitôt traduit dans une vingtaine de langues. Les médias US se sont rués sur ce livre qui étrille la mentalité du couple américain « post-féministe » idéal, où l’homme et la femme tentent de vivre une fraternelle égalité, dans une transparence et un partage émotionnel pleins d’harmonie. « Oui mais, désolée, s’exclame la trublionne, quand on se retrouve au lit, ces belles vertus démocratiques font un bide ! » Et de rapporter les témoignages d’innombrables couples de ses patients, qui ont bravement travaillé à tout se dire sur le plan amoureux, dans une recherche sincère de paix conjugale... pour finalement s’ennuyer à mourir et ne plus jamais faire l’amour - ou alors si peu, et « fraternellement » ! En Europe, explique la psy aux Yankees, les couples sont plus raffinés et savent que l’amour érotique est inséparable d’une certaine ambiguïté. Seulement voilà, son livre vient de paraître en France, sous le titre L’intelligence érotique - Faire vivre le désir dans le couple, et il faut se rendre à l’évidence : il nous concerne aussi.
Les couples, des deux côtés de l’Atlantique, parviennent de moins en moins à durer, et parmi ceux qui traversent le temps, énormément tendent vers l’état « frère et sœur ». Est-ce parce que nous nous américanisons inéluctablement ? Ou parce que l’amour romantique n’est qu’un rêve, particulièrement incompatible avec les nouvelles (très longues) espérances de vie ? Ou encore parce que la question traitée relève de la nature même du désir - dont beaucoup de philosophes, depuis Platon, disent qu’il ne peut par définition jamais atteindre son but, sinon en s’éteignant, car il n’existe que par le manque ? Toujours est-il que chacun de nous vit, d’une façon ou d’une autre, le paradoxe soulevé par Esther Perel. D’un côté, nous avons besoin d’une sécurité affective, d’une relation amoureuse stable, sûre, confirmante et reposante. Mais c’est au prix d’un attiédissement de la passion et de l’érotisme. De l’autre, la soif de passion, d’aventure, de nouveautés excitantes ne nous lâche jamais. Mais nous ne l’assouvissons qu’avec culpabilité et finissons par la refouler, estimant qu’elle coûte trop cher en aveuglement, en jalousie et en tourments. Résultat : les couples qui se stabilisent le font, au mieux, dans une tendresse tiédasse. C’est un parfait système de double contrainte : la fidélité affective apporte la sécurité, mais aussi la routine et l’ennui ; la nouveauté amoureuse apporte l’érotisme, mais aussi la fébrilité et l’angoisse.
Trois femmes nous parlent d’amour
Il est vital de savoir nous arracher à cet étau, affirme la psy américano-belge, car si nous osons une véritable introspection, nous sommes obligés de reconnaître que l’aventure érotique et son incandescence sont irremplaçables pour nous pousser aux limites de nous-mêmes, là où la condition humaine vaut vraiment la peine d’être vécue. Jusqu’à la transcendance.
Mais comment faire ?
Ce qui est amusant, c’est qu’à l’instar de deux autres femmes francophones qui viennent d’écrire sur le sujet - la Québécoise Marie-Lise Labonté, auteur de Vers l’amour vrai - Se libérer de la dépendance affective ( Elle était à Romans sur Isère hier soir vendredi 21 mai ) , et la Française Paule Salomon, auteur de Gourmande sérénité -, Esther Perel, tout en flirtant avec l’idée de polyfidélité et d’amour parta avec un (ou des) tiers, se focalise finalement sur un but, un seul : apprendre à maintenir la tension érotique dans la longue durée du couple - à la limite, éternellement avec la même personne. Le romantisme n’est pas mort ! Mais ces femmes l’étayent de façon pragmatique - même si, comme l’affirme Perel à son public américain : « N’allez pas croire que ce soit là un problème, que l’on pourrait résoudre en appliquant un de vos fameux know how (savoir faire). Ça n’est pas un problème, c’est un mystère. Et il faut l’intégrer à sa vie. »
L’art du bonheur, dit-elle, se cultive comme un jardin chinois. Avec des recoins d’ombre, des labyrinthes, des trompe-l’œil, des silences... « Tout dire » à son partenaire est d’autant plus idiot qu’on ne se connaît pas soi-même : d’où l’effondrement quand l’autre, qu’on croyait si proche, s’en va soudain. Censés s’adresser à des Américaines engoncées dans leur incorrigible puritanisme, les conseils d’Esther Perel peuvent aider même des Latin(e)s. Toujours garder une certaine distance, pour permettre qu’existent deux sujets libres. Jouer du « désir mimétique », qui réveille brusquement le désir de l’autre à l’approche d’un tiers, potentiellement rival. Et puis surtout apprendre à résister à l’invasion des « tue-l’amour » que sont : les bébés qui occupent 100% du temps (question cruciale pour toute mère), les copains qui ne décollent plus, l’envahissement du stress professionnel...
L’excitation sexuelle est politiquement incorrecte
La psy européenne n’hésite pas à évoquer la « beauté du diable », en pointant l’attirance qu’exercent sur nous la transgression, l’interdit et mille fantasmes d’ascendance ou de domination, politiquement très incorrects, surtout chez les hétérosexuels nord-américains. On pourrait évidemment s’amuser à contredire tout cela point par point. Quelle femme (mais aussi quel homme) ne reconnaîtra pas que les plus beaux sommets érotiques de sa vie n’ont été possibles que parce que régnait une absolue confiance dans l’autre - une assurance qui n’avait rien de diabolique, bien au contraire ! Mais l’essentiel se joue ailleurs. Dans une jubilation passionnée, qu’Esther Perel dit avoir tirée de ceux de ses parents et proches qui ont voulu « adorer la vie » après avoir réchappé des camps nazis - par contraste avec tous ceux qui, trop abattus, se sont contentés de « tièdement survivre ». Mais il ne faut pas confondre passion et hystérie. Pour elle, le secret du bonheur tient dans cette phrase de Marcel Proust : « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » Marie-Lise Labonté : « Acceptons d’être vulnérable »
Celle que nous avons admirée pour son courage, quand elle sut se guérir seule d’une maladie que la faculté disait mortelle, nous dit aujourd’hui : « Nous souffrons tous d’une maladie d’amour. » D’abord parce que nous sommes modelés, depuis le ventre de notre mère, par l’image du couple de nos parents et par les croyances de notre milieu. Les deux modèles amoureux les plus répandus sont les deux faces d’une même peur : soit l’amour fusionnel (peur de l’abandon), soit l’amour carapace (chacun garde ses distances), mais la peur est toujours là. La jalousie, le ressentiment, la culpabilité, le désir d’enfermer l’autre dans du connu, sont les prisons du cœur. « Au contraire, si nous permettons à l’autre d’être lui-même, éventuellement d’aimer aussi quelqu’un d’autre, quelle initiation pour nous-même ! »
Ayant bien connu la dépendance amoureuse et ayant eu à en “décrocher” comme d’une drogue, Marie-Lise - qui confie ses trucs parfois très pragmatiques (se coucher par terre, fermer les yeux, respirer, écouter venir...) -, nous dit comment elle s’en est sortie : en cessant de se protéger. On ne peut aimer, dit-elle, si l’on refuse d’être vulnérable.
Le résultat est que l’on finit par accepter de perdre l’illusion de connaître l’autre et que l’on vit, du dedans, l’équation 1+1=3, sans forcément la comprendre, mais le bonheur ne se comprend pas comme une connaissance. « L’amour consiste-t-il à aimer l’autre ? Non, car dans l’amour l’autre n’est plus, il devient une part de nous. Consiste-t-il à s’aimer soi ? Non, car dans l’amour nous ne sommes plus, devenus une part de l’autre. »
À lire : Vers l’amour vrai, éd. Albin Michel.
Paule Salomon : « Même seuls, érotisons notre vie ! »
Grande lectrice de Nietzsche, Paule Salomon a toujours ressenti le besoin de résister à la morbidité des civilisations qui bloquent l’épanouissement sexuel des hommes - et encore plus des femmes -, au nom d’une prétendue pureté. Pour elle, c’est au contraire l’idée même d’une impureté de l’amour physique, qui constitue un péché contre l’Esprit. Paule a participé en guerrière de l’amour à toutes les utopies qui, depuis 1968, ont tenté de nous « libérer » sexuellement. Dans son dernier livre, elle raconte surtout comment elle a fini par trouver la sérénité, et comment elle aide les autres à la découvrir. Par exemple en couple - éventuellement même dans une fidélité classique, vision étonnante chez cette championne de la « polyfidélité ». Mais la sérénité sensuelle et incarnée (« le paradis n’est pas à chercher dans un autre monde ! ») peut aussi nous venir dans la solitude, par extension à tout l’être - et à son environnement - de l’érotisme que notre société restreint misérablement à certaines parties de notre corps. Comme Esther Perel et Marie-Lise Labonté, Paule Salomon propose des exercices pratiques pour atteindre les états qu’elle décrit. Seul ou à deux, respiration, soin des sens, apaisement, jubilation, musique, danse... « Un jour sans danser ni rire est un jour perdu, ose-t-elle écrire. Une vérité qui n’est pas drôle porte l’erreur ». Mais foin de la frénésie, Zarathoustra sait aussi les vertus de la patience : « Qui veut apprendre à voler un jour doit apprendre à se tenir debout, à marcher, à courir ; à grimper et à danser : on n’apprend pas à voler du premier coup ! »
Sanafraj Bey
À lire : Gourmande sérénité, éd. Albin Michel

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