Les circuits courts passent aussi par les collectivités
Victimes de leur succès, les circuits courts ont besoin d'être mieux structurés. Les chambres d'agriculture organisaient une journée d'échanges, mercredi 7 avril, pour trouver des solutions. De nombreuses collectivités ont pris les devants.
- Vendre directement au consommateur ou en passant par un intermédiaire unique : à l'échelle de l'agriculture française, les circuits courts sont souvent considérés comme des niches. "Peut-être, mais alors ce sont des niches à doberman plutôt qu'à chinchilla ", a souligné le vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), Jean-Louis Cazaubon, en ouvrant le 7 avril une journée d'échanges sur ces modes de commercialisation. Destinés aux conseillers des chambres d'agriculture, les débats à l'APCA ont permis de le confirmer : les circuits courts attirent des acteurs de plus en plus nombreux. Et les collectivités territoriales elles-mêmes peuvent y tenir un rôle crucial…
Ventes à la ferme, magasins de producteurs ou associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap), ces circuits courts sont d'une ampleur méconnue. D'après l'enquête sur la structure des exploitations agricoles menée en 2005, 16% des exploitations pratiquaient alors la simple vente directe. Le recensement général agricole de 2010 devrait permettre d'affiner les connaissances, notamment sur la vente avec intermédiaire unique.
En attendant, le président de la chambre d'agriculture de la Gironde, Bernard Artigue, peut en témoigner : dans son département les viticulteurs pratiquant les circuits courts sont "les seuls à s'en sortir !" Selon lui, ces commercialisations alternatives permettent notamment aux producteurs de gagner "un contre-pouvoir face à la grande distribution et au grand négoce". Elles peuvent même améliorer leurs revenus… Jean-Louis Cazaubon estime pour sa part que "30% des exploitations en France n'ont pas d'autre avenir que de s'engager dans les circuits courts".
Mais produire, vendre et gérer tout à la fois peut nécessiter des investissements, des formations, ainsi que des accompagnements. Les chambres d'agriculture s'y emploient : elles y consacrent en moyenne 1,7 équivalent temps plein dans chaque département, selon une enquête de 2009. Françoise Chancel a par exemple pu souligner l'engagement des chambres d'agriculture d'Ile-de-France, aux côtés de la SNCF, pour que des petits producteurs viennent vendre leurs "Paniers fraîcheur" à la sortie de gares de la région (?). L'APCA est elle-même propriétaire de la marque "Bienvenue à la ferme", qui rassemble 5.800 adhérents autour de la vente de produits fermiers, notamment.
Mais une centaine d' associations d' agriculteurs bio de 100 départements , s' y emploit aussi depuis 20 ans , avant que le Bio devienne une mode. Comme des centaines d' AMAP depuis 10 ans.
Courage politique
Les collectivités locales peuvent également favoriser ces modes de distribution de plus en plus prisés des consommateurs. "Des villes comme Lorient, Brest ou Aubagne ont fait repasser des terres dédiées à l'urbanisation en terres agricoles, pour installer des producteurs", relève ainsi Yuna Chiffoleau, chercheuse à l'Inra, engagée dans le Réseau rural français. Pour autant, "prendre des décisions fortes par rapport au foncier demande du courage politique", face aux pressions des riverains ou des spéculateurs immobiliers, tout particulièrement en périphérie des villes…
Les collectivités peuvent aussi accueillir des marchés en circuit court en mettant des terrains à disposition et en participant au financement de "l'animation et du travail en amont pour rassembler les producteurs", ajoute Bernard Artigue. Ainsi, "les marchés des producteurs de pays", créés par la chambre d'agriculture de l'Aveyron, "animent les cités et font vivre généralement des producteurs de proximité, qui font à leur tour vivre le milieu rural…" Et comme beaucoup l'ont souligné ce 7 avril, circuits courts et longs ne doivent pas être mis en opposition ; ils paraissent au contraire complémentaires, pour les agriculteurs comme pour les commerçants.
Les cantines scolaires constituent un autre levier utile aux producteurs locaux. Conseillère à la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle, Nicole Le Brun a ainsi détaillé l'exemple de Vandoeuvre-lès-Nancy, qui a introduit parmi les critères d'attribution de son marché public la quantité de produits frais achetés auprès des fournisseurs régionaux. Le financement d'abattoirs de proximité, enfin, peut être salutaire pour les éleveurs… Les circuits courts s'apparentent à un commerce équitable, créateur de lien social et moins gourmand en transport et en CO2 : les collectivités locales semblent en être de plus en plus convaincues…
Produire local, manger local : ces exemples qui essaiment
Echange de bonnes pratiques. L'association "Terres en villes" est un réseau réunissant des élus et des représentants des chambres d'agriculture d'une vingtaine d'agglomérations françaises. Ensemble, ils mettent en place des politiques locales en faveur de l'agriculture péri urbaine. Chaque année, des séminaires sont l'occasion d'échanger sur les problèmes rencontrés. L'an dernier, une rencontre s'est tenue à Saint-Étienne sur le thème des circuits courts en milieu urbain.
Une alternative à la grande distribution. Né de la rencontre entre l'association Echoppe, acteur du commerce équitable, et d'un groupe d'agriculteurs souhaitant valoriser les productions locales, "Terre et Terroirs", supermarché de 300 m2, a ouvert ses portes en septembre 2007 aux Ponts-de-Cé, dans l'agglomération d'Angers (49).
Cantines scolaires. Depuis douze ans la communauté de communes du Séronais, en Ariège,
sert des produits locaux dans les cantines de ses six écoles : plus de 300 repas sont ainsi servis chaque jour. Elle s'est appuyée sur la Fédération régionale des Civam.
Une parade à la déprise agricole. En 2005 la communauté d'agglomération du Grand Besançon a monté un projet baptisé Sauge dans le cadre d'un appel d'offres européen sur l'agriculture périrubaine. L'objectif : soutenir les exploitations fragilisées. Un marché fermier a ainsi été créé à Pugey, une commune de l'est de Besançon. Un "Guide des produits fermiers près de chez vous" a été édité. Une Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanne), système d'abonnement à des paniers frais produits par des maraîchers de proximité, a été créée.
Favoriser l'installation de jeunes agriculteurs. Dans le Queyras, la réintroduction de la pomme de terre, à l'initiative du parc naturel régional, permet à une poignée d'agriculteurs de produire 20 tonnes de pommes de terre chaque année, l'équivalent de ce qui était importé chaque année.
A Abriès, l'Association foncière pastorale résoud le problème du foncier en mettant dans un pot commun toutes les terres : surfaces cultivées et alpages. C'est la seule AFP des Alpes à procéder de la sorte. Elle les gère ensuite pour le compte des propriétaires, répartit les surfaces et signe les baux avec les agriculteurs. Ce modèle a vocationà être étendu à toutes les AFP du parc, dans le cadre de la nouvelle charte. Par ailleurs, en partenariat avec la chambre d'agriculture des Hautes-Alpes, le parc met des bâtiments aux normes à disposition des jeunes agriculteurs. Il favorise l'écoulement des produits sur le marché local.
Force de propositions. Les parcs naturels régionaux ont été chargés par le gouvernement de faire des propositions sur les circuits courts dans les cadre des Assises des territoires ruraux. Elles seront présentées à l'occasion du Ciadt, le mois prochain. Parallèlement, 8 parcs ont été retenus par le ministère de l'Agriculture pour mesurer les impacts de ces circuits sur trois ans (2010-2012), et trouver des solutions innovantes. Un colloque national se tiendra au printemps 2010.
M.T.
Ecologie au Quotidien
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