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dimanche 30 mai 2010

La Roche sur Grâne : Jean Marie Pelt debout pour l' écologie

Hier Aux Amanins de la Roche sur Grâne, l’écologiste continuait de battre la campagne drômoise pour communiquer ses convictions. (photo : J.M.Pelt , Isabelle Peloux et Edgard Morin) .

Chemise blanche, col ouvert et chapeau de paille, lunettes à verres épais voilant ses yeux étirés, Jean-Marie Pelt fête devant 700 personnes les 5 ans du Site agro-écologique des Amanins. Non pas dans sa petite maison d’Altroff, entourée d’un verger et d’un potager que cultive sa voisine Sabine « sans pesticide aucun », où il vit avec sa gouvernante allemande depuis près de vingt ans. Mais dans mais dans un centre fondé par Michel Valentin et Pierre Rabhi il y a 5 ans et qui se veut exemplaire en matière d’environnement. Le Lorrain né en 1933 à Thionville (Moselle), est comme un poisson dans l’eau.
Nous sommes là au cœur de la philosophie de Jean-Marie Pelt. Pourquoi faire compliqué et cher, quand on peut se contenter du simple, de l’efficace, du « durable » et du bon marché ? Fils unique d’un artisan électricien, petit-fils d’un jardinier qui s’occupait des parterres de fleurs et des fruitiers en espaliers de la famille Wendel au Luxembourg à deux pas de son village d’enfance de Rodemack, et petit-neveu de l’évêque de Metz, Jean-Marie Pelt fait ses études au lycée public de Thionville. « Je suis issu d’une famille très modeste, dont la branche maternelle était aussi pragmatique que celle de mon père était mystique et religieuse », dit-il.

Chimie et botanique le passionnent

Passionné par les étoiles mais n’aimant pas les maths, il hésite à faire l’ENA, puis, sur les conseils de ses parents qui aspirent à son autonomie financière, se lance dans la pharmacie. Chimie et botanique le passionnent. En revanche, il abhorre la dissection des animaux, même les petits, et « apprend la zoologie dans les livres ».
Dans sa thèse sur les plantes médicinales, il s’intéresse notamment à l’huile de chaulmoogra, extraite de graines d’arbres, qui possède des vertus antibactériennes et anti-inflammatoires utilisées en Afrique, au Vietnam ou au Brésil pour lutter contre la lèpre. « Malheureusement, aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique produit le principe actif par synthèse chimique et le vend plus cher, maugrée le pharmacien. Pourtant, parfois l’expérience nous montre que la molécule synthétisée n’est pas aussi efficace que le mélange de substances extraites, car il existe une espèce d’émulation entre les différents produits. En plus, elle risque d’entraîner une résistance des bactéries, alors qu’un assemblage de produits naturels n’en engendre pas. »
L’homme se dit déçu que la Sécurité sociale ne rembourse plus ou très peu ces médicaments, ainsi que les produits homéopathiques avec lesquels il se soigne. Nommé professeur de biologie végétale à l’université de Nancy, il fait plusieurs séjours en Afghanistan, où il enseigne grâce à l’un de ses étudiants francophones, Chafique Younos (aujourd’hui professeur d’ethnopharmacologie à l’université de Metz), et herborise dans les montagnes. « C’est un pays extraordinaire aux paysages sublimes et à la population accueillante », dit-il.

« Ecologie urbaine »

De retour à Metz, il commence à se faire connaître par ses livres et son combat pour promouvoir une « écologie urbaine » au sein de l’équipe municipale de Jean-Marie Rausch (divers droite), la précédente ayant voulu « moderniser la ville à coups de doubles voies et de tours ». Pendant 60 ans, Metz ne savait pas que l’ on pouvait voter à Gauche. Surnommé « le Konrad Lorenz du monde végétal », il totalise aujourd’hui une quarantaine de livres. « En 2009 pour l’année Darwin, j’ai écrit un ouvrage où je parle plus de la coopération et de l’entraide entre les êtres vivants que de la sélection naturelle, « Je suis un Darwinien doux » avoue t il.
Après ses séries télévisées, L’Aventure des plantes et Des plantes et des hommes, qui connaîtront un succès mondial, il collabore avec France Inter et les journalistes de l’émission « L’oreille en coin ». Notamment Denis Cheissoux pour qui, depuis dix-huit ans, chaque samedi à 14 heures, il fait une chronique « nature ».

«Le réchauffement climatique est maintenant indéniable»

Cette boulimie de vulgarisation ne trahit pas une volonté d’être médiatique. Au contraire. « Certains me suggéraient de porter un bonnet vert. Mais je n’aime pas le pouvoir. J’avais même la hantise qu’on me reconnaisse dans la rue », confie-t-il humblement. Aujourd’hui, bien sûr, sa hantise, c’est plutôt l’avenir de la planète. « Le réchauffement climatique est maintenant indéniable. Quand on pense que, même haut placés, certains en doutent encore… + 0,6 °C en moyenne dans le monde. Tous les êtres vivants, du plus petit au plus grand, sont soumis à des lois naturelles, universelles. Y compris l’homme qui, par son arrogance, voudrait bien prendre la direction des opérations, maîtriser la nature, se croire Dieu. »
Ses craintes ont été en partie contrebalancées par le «début du Grenelle de l’environnement », à l’automne 2007. « Pour la première fois, hommes politiques, scientifiques, associations, patrons, syndicats… se sont mis autour d’une table. C’était incroyable. Les automatismes égoïstes n’ont pas fonctionné, c’était une école de démocratie. Les dégâts causés par les pesticides, par exemple, c’était difficile à entendre pour les agriculteurs de la FNSEA. Mais, au moment du déjeuner, les gens ont discuté de façon digne, voire amicale. La sénatrice Verte Christine Blandin a été remarquable. »
Jean-Marie Pelt, déçu, s’interroge sur la suite de ce Grenelle de l’environnement. « Je pense que Jean-Louis Borloo y croit. Les décisions à prendre sont simples : diminuer les pesticides, soutenir l’agriculture biologique et les énergies renouvelables, limiter les OGM au strict nécessaire à condition qu’ils ne nuisent ni à la santé ni à l’environnement et en veillant à ce que l’agrochimiste Monsanto et les autres ne déposent pas de brevets sur le vivant. Cependant, non seulement le président de la République a exclu le nucléaire du Grenelle, mais il a opté pour l’ultra-nucléaire, sans débat aucun, alors que c’est ce qui touche le plus les générations futures. »

"Je suis pour un marché régulé par l’État"

« Je suis pour un marché régulé par l’État. Je ne pense pas qu’il faille relancer l’économie comme avant. L’acte de vendre est devenu dans notre société un véritable acte fondateur… c’est signe que ça ne tourne pas rond. »
De la rondeur, il en a, Jean-Marie Pelt. Mais il sait aussi faire preuve de ténacité. « C’est un arbre », dit de lui Denis Cheissoux. Un être qui, à la fois, voit loin devant et reste bien enraciné en terre. Un homme capable de regarder la société de près, tout en pouvant prendre du recul. Une personne qui apprécie les relations humaines et la bonne chère, qui n’aime ni les contraintes ni les conflits, qui se moque des modes et se contente de peu.
Un adepte de « l’abondance frugale » chère à l’inspecteur des finances Jean-Baptiste de Foucauld, en quelque sorte. Un homme de mélange, curieux de connaissances scientifiques, qui regrette le rôle étriqué qu’a joué la religion catholique vis-à-vis de l’écologie, à la différence du protestantisme porté par les Théodore Monod, Denis de Rougemont, Solange Fernex, Jacques Ellul. Heureusement, depuis quelques années, le monde catholique se réveille.
Son métier aujourd’hui est de raccommoder l’homme avec la nature. Exactement à l’envers de ce qu’a fait Descartes au XVIe siècle en plaçant l’homme au-dessus de tout et en ravalant l’animal à l’état de machine.

Une vision biologique du monde

Plus que jamais, Jean-Marie Pelt joint le geste à la parole : l’homme doit vivre avec la nature et non pas hors sol. Il doit faire passer l’être avant l’avoir ; tout ne peut pas se décider à l’aune de l’économie. Il aime bien les Verts, tout en étant un proche de l’agriculteur ardéchois Pierre Rahbi.
Doté d’une vision globale, holistique du monde, il prend encore son bâton de pèlerin, aussi bien pour faire des conférences dans tous les coins de France que pour semer des « graines écologiques » auprès de certaines grandes entreprises de l’environnement qui s’intéressent à l’écologie industrielle et à la valorisation des déchets. Oscillant finalement entre un pessimisme joyeux et méthodique, il sait être à la fois contemplatif, lanceur d’alerte et porteur d’espérance et sait égailler ses interventions d’humour, ce qui sauve toujours ses interventions. Humour appris auprès des fourmis et des canards sans doute.

Claude Veyret


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