Philippe Meirieu : "Il faut réfléchir à la dé-professionnalisation de la politique"
- Une semaine après le lancement de la campagne d'adhésion à Europe Ecologie, et alors que doivent se tenir ce week-end les conventions régionales de l'écologie politique, le pédagogue et vice-président de la Région Rhône-Alpes Philippe Meirieu revient sur sa volonté de transformer le mouvement écologiste en véritable parti. Il a co-signé avec deux autres élus français une lettre ouverte à Cécile Duflot et Daniel Cohn-Bendit appelant à cette mutation.
Vous proposez qu’Europe Ecologie, qui était jusqu’ici un "rassemblement" devienne un véritable "parti". Pourquoi ?
Je ne sais pas s’il faut ou non utiliser le mot "parti". L’urgence, pour nous, est de se mettre d’accord sur une forme cohérente, que nous ayons des adhérents, qui forment un peuple et qui décident comment nous allons structurer ce mouvement qu’est pour l’instant Europe Ecologie. Moi je penche effectivement pour une structure de type paritaire, qui me semble la plus adaptée au système politique français.
En même temps, n’est-ce pas justement ce qui a fait le succès d’Europe Ecologie que ne pas être un parti ? Si, bien sûr. Mais nous pourrions justement imaginer construire un parti différent. Je crois que l’essentiel est de pouvoir garder nos spécificités. Cette spécificité réside, à mon sens, dans l’éthique de ses membres qu’il faut promouvoir. Je suis personnellement très attaché à la non professionnalisation des élus, au non-cumul des mandats, à l’exercice provisoire des mandats politiques...
Il faudra pour cela se donner une charte éthique, ce sur quoi nous travaillons avec Eva Joly. Il y a une défiance incroyable des Français face à la politique. Si je me suis engagé pour la première fois à 60 ans, c’est justement parce que je suis sidéré par cette défiance et que je crois qu’on peut y remédier.
Très concrètement, comment un parti peut-il proposer une autre manière de faire de la politique ?
Ce que les Français n’aiment pas dans les partis, c’est qu’ils sont devenus des outils pour fabriquer des carrières. Où l’on est dans la chasse aux places permanente. Il faut réfléchir à la dé-professionnalisation de la politique sans lui enlever sa compétence. Il faut par exemple que les élus puissent retrouver leur emploi après leur mandat même s’ils ne sont pas fonctionnaires. Il faut - et je parle avec mon expérience personnelle aux régionales - avoir les moyens de faire campagne, donc pouvoir s’arrêter de travailler durant la campagne lorsque l’on se présente comme tête de liste.
Il faut que les élus n’aient pas besoin de cumuler plusieurs mandats pour vivre. Il faut une adéquation, une cohérence entre les convictions, les trajets personnels, les compétences et les mandats. Je suis choqué que les hommes politiques passent d’un ministère à un autre sans que l’on tienne compte de leurs compétences. Il faut au contraire se servir des compétences et des expériences spécifiques de chacun.
Vous êtes élu à la Région Rhône-Alpes depuis deux mois. Est-ce que vous sentez les mécanismes et les pièges qui mènent aux dérives que vous dénoncez chez les autres ?
Evidemment. Les pièges sont là : s’approprier les privilèges du pouvoir, être en permanence en représentation, préférer anticiper les coups politiques plutôt que de régler les vrais problèmes… Il y a dans tous les cabinets politiques une sorte de surexcitation permanente, d’apesanteur sociale.
C’est un milieu où l’on vit dans une bulle. Une bulle où la sortie de Libé ou du Monde est attendue comme quelque chose de central, où l’on trouve simple et donc finalement normal de se faire conduire en permanence par un chauffeur. Où l’on finit déconnecté des réalités. Et c’est très difficile d’échapper à cela. Il faut donc que l’on invente le contre-poison à ces dérives.
Alice Géraud
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