A Grenoble, le remue-méninges de «Libé»
Les trois jours de débats des Etats généraux du renouveau, organisés en partenariat avec «le Nouvel Observateur», débutent aujourd’hui.
Faut-il laisser aux formations politiques le monopole de l’avenir ? Les chefs de file de droite et de gauche bénéficient bien sûr de la légitimité de l’élection. Il leur revient, une fois aux affaires, de décider. Mais qu’en est-il de l’imagination, de la protestation, de l’expertise et de la proposition ? Ce serait une conception bien passéiste que de les déléguer passivement aux partis. Surtout quand une crise majeure, qui n’est pas seulement économique, mais qui met en jeu une certaine idée de l’homme en société, impose à chacun de rompre avec les vieux dogmes et les anciennes pratiques.
Il s’agit cette fois, constatant l’échec d’une morale individualiste et mercantile, de réinventer la vie en commun. C’est la raison pour laquelle Libération et le Nouvel Observateur ont organisé à Grenoble ces Etats généraux du renouveau. Trois jours durant, une centaine d’associations, de groupes de réflexion, d’organisations non gouvernementales de toutes sensibilités, ainsi que les politiques les plus éclairés, animeront de leurs débats la ville de Michel Destot. Depuis un mois, les prises de parole se sont multipliées dans Libé et dans l’Obs, montrant la richesse d’un débat d’idées plus que jamais nécessaire pour redonner espoir à une société inquiète.
Urgence. Les enjeux sont décisifs. L’économie est trop dure aux hommes, le travail qui devrait libérer crée l’angoisse, l’incertitude des marchés finit par répandre partout précarité et relégation ; il s’agit de trouver les voies d’une politique économique nouvelle, qui ménage la planète et restaure l’emploi, alors même que le boulet de la dette entrave la production et l’action publique. L’effacement des frontières physiques et culturelles crée le vertige de l’après-nation tout en lançant les communautés les unes contre les autres et en faisant du populisme identitaire une des grandes forces politiques en Europe. La protection sociale doit être revue à l’aune des nouveaux défis de la démographie, des inégalités modernes et du vieillissement. L’industrie et la ville doivent être repensées en fonction des impératifs du développement soutenable. Il y a urgence : les débats qui ont déjà eu lieu pour préparer ces rencontres révèlent une société tendue, inquiète, qui craint la persistance de la crise et cherche un nouveau cap.
Laboratoire. Pour cette première édition, difficile de trouver un lieu plus approprié que Grenoble. La ville de Mendès France et Dubedout est un laboratoire social et une cité d’histoire. C’est là qu’eut lieu la Journée des tuiles qui constitua, en juin 1788, le lever de rideau de la Révolution française. Et aussi, il faut le rappeler en cet anniversaire du 18 juin, dans un journal qui a repris le titre de l’un des organes les plus importants de la Résistance, qu’eurent lieu, entre Vercors et Chartreuse, les plus rudes combats de la Libération. Les Etats généraux du renouveau ne s’arrêteront pas là. Rendez-vous est déjà pris pour construire ensemble une deuxième édition. Au final, seule l’interpellation constructive du politique par la société peut rénover le débat public et construire un avenir commun.
Etats générauxde Grenoble : la voix est libre
Pourquoi le renouveau est-il nécessaire ? En ouverture du forum, des politiques de tous bords répondent.
Plus d’une soixantaine d’associations nationales et locales, des syndicats, tous les think-tanks progressistes, des femmes et des hommes politiques de tous horizons : ils seront à partir d’aujourd’hui et jusqu’à dimanche à Grenoble pour participer aux Etats généraux du renouveau, organisés par Libération en collaboration avec le Nouvel Observateur.
La crise, les dégâts du libre marché et autres catastrophes écologiques sont venus bousculer les certitudes et doucher les plus folles espérances : cette société civile qui va s’exprimer à Grenoble, à travers des dizaines de débats, parviendra-t-elle à renouveler le genre du Forum social mondial, qui, il y a dix ans, a ouvert la voie à une nouvelle ère de la contestation ? Poser la question peut paraître osé. Telle est pourtant depuis trois ans l’ambition de Libération, qui, de forums en Etats généraux, se veut et se vit comme un carrefour du renouveau politique, social, et culturel.
La séance d’ouverture réunit aujourd’hui des politiques de tous bords, Michel Destot (maire PS de Grenoble), Chantal Jouanno (secrétaire d’Etat UMP), Jean-Paul Delevoye (médiateur de la République) et Dominique Voynet (maire verte de Montreuil). Ils soulignent tous la nécessité d’ouvrir de nouvelles perspectives à une société frappée par la crise et de plus en plus dubitative sur l’offre politique.
Anastasia Vécrin
«La confiance passera par le débat et par le savoir»
Et si l’environnement était le miroir le plus aigu de la nécessité du renouveau ? Et si l’écologie était la voie de sa construction ? Les faits, nous les connaissons. Nous les ressassons contre les sceptiques alors qu’ils s’aggravent : changements climatiques, épuisement de nos ressources naturelles, menaces sur la biodiversité, pollutions… Le dire n’est pas être millénariste ou catastrophiste, c’est se donner les moyens de construire lucidement un avenir. Un avenir réconcilié.
Car regarder le monde en écologiste, c’est regarder nos communautés humaines, aussi fatiguées que notre Terre. C’est regarder nos sociétés, inquiètes, désabusées, et pourtant en attente. Regarder le monde en écologiste, c’est admettre que les cadres de pensée du XXe siècle ne pourront être ceux du XXIe, ce siècle de la rareté. Et sans renouveau, nous ne relèverons pas le défi qui nous est lancé, ce défi environnemental, qui est surtout politique, social et, au fond, philosophique. Nous avons notamment besoin d’une boussole économique repensée, corrigeant notre PIB, dont la forme croît avec le nombre d’accidents de la route ou de sites dépollués. A la suspicion à l’égard du pouvoir et de la science, nous devons faire succéder une confiance renouvelée. Elle passera par le débat, par la concertation et le savoir.
Au creusement des inégalités, à des sociétés où les plus fragiles sont également les plus menacés par la crise environnementale, nous devons faire succéder des solidarités neuves. A toutes les échelles : en France, avec les plus démunis ; dans le monde, avec les nations les plus pauvres et tous les réfugiés climatiques. Le renouveau est là : dans ce surcroît d’humanité qu’appelle l’écologie.
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