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mercredi 16 juin 2010

Rencontre avec Patrick Viveret à la Roche sur Grane


Qualité démocratique et construction des désaccords

Patrick Viveret est philosophe, magistrat à la Cour des comptes, auteur de Reconsidérer la richesse (éd. de l’Aube) et de Pourquoi çà ne va pas plus mal ? (Fayard) intervenait ce samedi à La Roche sur Grâne .

Bien sur nous revenons sur l’intervention de Patrick Viveret à la Roche sur Grâne, sa réflexion étant au Cœur des questionnements des acteurs de la Biovallée en ce moment.
L’approfondissement citoyen de la démocratie
ne passe pas seulement par son extension quantitative (la démocratie participative) mais aussi par son amélioration qualitative (démocratie délibérative) afin de changer la posture même du rapport au pouvoir : passer d’un pouvoir conçu comme un droit de domination (pouvoir sur) à un pouvoir catalyseur de créations coopératives (pouvoir de). Il y a en effet des intoxiqués du pouvoir comme il y a des intoxiqués de la richesse et c’est sur cette difficulté-là qu’ont buté la plupart des tentatives alternatives au capitalisme quand elles ont basculé dans des formes despotiques, autoritaires, voire totalitaires. Changer le rapport au pouvoir, c’est aussi sortir des logiques de violence, y compris dans la manière de traiter les conflits et les désaccords, afin d’échapper aux amalgames émotionnels qui transforment des débats en agressions interpersonnelles et/ou en affrontements de croyances simplificatrices. Cette approche a conduit plusieurs mouvements de citoyenneté à adopter cette méthode dont on trouvera des éléments plus détaillés en consultant le site collaboratif www.voter-y.net ou le site d’accueil général www.dossier 2007.org. Un mouvement d’éducation populaire peut utiliser des méthodes de ce type tant pour faire progresser la qualité démocratique et participative d’ensemble face aux logiques de confiscation du pouvoir par les classes dirigeantes que pour sa propre qualité démocratique interne.

De même que ce n’est pas le conflit qui est dangereux mais la violence, ce n’est pas le désaccord ou le dissensus qui mine un débat mais le procès d’intention, le malentendu, le soupçon, etc. Quand on s’est suffisamment écoutés pour se mettre d’accord sur les objets de désaccord, on constate une progression qualitative du débat. Cette qualité démocratique est aussi une qualité relationnelle qui renforce la force mutuelle des participants. Même si elle ne débouche pas forcément sur un dépassement dynamique du désaccord, elle l’enrichit de telle manière que le «désaccord de sortie» est infiniment plus riche que le «désaccord d’entrée».

Trois temps sont à respecter dans cette construction des désaccords :

Réduire l’opacité : il s’agit d’abord de s’assurer que tous les protagonistes du débat, intervenants porteurs de thèses ou de propositions différentes mais, plus encore, l’assemblée démocratique qui va jouer un rôle actif, disposent des éléments d’information et de compréhension suffisants pour éviter des malentendus ou des incompréhensions qui créent d’emblée de l’opacité dans le débat. Pour faciliter cette phase, on peut distribuer aux participants des cartons qui leur permettront de se signaler. Dans cette première phase, un carton marqué d’un point d’interrogation (ou un carton blanc) signale un manque d’information ou une incompréhension. On ne démarre la seconde phase que lorsque l’objet du débat et ses conditions minimales de clarté sont établis.

Construire les désaccords : il s’agit de «dégager la pépite du désaccord de la gangue du malentendu et du procès d’intention». Le ou les désaccords sont en effet de vrais atouts dans l’enrichissement du débat. Cette phase très interactive suppose que l’on se mette d’accord sur les objets de désaccord. Quant aux soupçons ou aux procès d’intention, ils perdent leur nocivité s’ils sont eux aussi formulés sous la forme suivante (par exemple) : «je crains que derrière cette position se profile telle ou telle attitude ou autre position dangereuse». Cette explicitation permet la prise en compte des craintes et leur traitement. Pendant cette phase, des cartons de couleur peuvent être utilisés pour signifier l’existence d’accords (cartons verts), de désaccords (cartons rouges) ou de désaccords partiels (cartons jaunes). Il n’est pas inutile de se mettre aussi d’accord sur le choix des couleurs ou d’autres signalétiques afin d’éviter là aussi malentendus ou procès d’intention. Par exemple, avec des cartes de jeu, ce peut être le pique pour le désaccord, le cœur pour l’accord, le carreau pour des idées nouvelles, le trèfle pour un point d’ordre ou une idée «décalée».
Les traiter : les désaccords étant construits et formulés clairement (par exemple en les écrivant sur un paperboard), il s’agit de voir soit s’ils peuvent être dépassés soit s’ils peuvent être enrichis. L’une des questions importantes à poser alors est : «Qu’est-ce qui vous semble le (ou les points) le(s) plus fort(s) et/ou le(s) plus recevable(s) dans la position que vous ne partagez pas ? » L’assemblée moins impliquée émotionnellement dans la défense d’une position peut souvent faire plus facilement cet exercice que les protagonistes du débat. Mais il est utile de leur demander à eux aussi d’aller au bout de l’exercice.
Cette méthode peut être aussi bien mise en œuvre dans une réunion physique que dans un forum de discussion sur Internet.

Claude Veyret

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