La Hongrie déclare l’état d’alerte à la pollution
- Un accident dans l’usine d’aluminium de la ville d’Ajka provoque une vague de boue toxique qui a ravagé trois villages et menace le Danube
- La « catastrophe écologique » est d’une ampleur inédite en Hongrie, s’est alarmé mardi 5 octobre le secrétaire d’État à l’environnement Zoltán Illés. Le pays déplorait quatre décès, 6 disparus et 117 blessés souffrant de brûlures et d’irritations, dont 62 hospitalisés et 8 dans un état grave, dans les villages de Devecser, Kolontár et Somlóvásárhely, à l’ouest du pays. Des villages couverts d’une boue rouge où les services d’eau, de gaz et d’électricité ont été endommagés.
- La veille, deux réservoirs à ciel ouvert de l’usine d’aluminium de la ville d’Ajka, à 165 km à l’ouest de Budapest, se sont rompus, déversant une immense vague d’une boue toxique évaluée à plus d’un million de mètres cubes.
- À la suite de cette catastrophe, « le gouvernement a proclamé l’état d’alerte dans les départements de Veszprém, Györ-Moson-Sopron et Vas (trois des 19 départements du pays) à cause de l’inondation de boue rouge », a annoncé le ministère de l’intérieur.
Les réservoirs auraient cédé sous le poids de la boue
Cette boue relativement liquide issue de la production d’aluminium, probablement chargée en métaux lourds, acide et corrosive, a déjà gagné le cours d’eau Marcal, les autorités redoutant qu’elle ne gagne la rivière Ráab, affluent du Danube.
- La police locale a ouvert mardi 5 octobre une enquête pour expliquer les causes de l’accident survenu dans l’imposante usine de la société hongroise de production et de commerce d’aluminium Mal (1 200 salariés) qui produit 300 000 tonnes d’aluminium par an, destiné pour les trois-quart de la production au marché de l’Union européenne. L’entreprise affirme avoir respecté les règles de sécurité.
- Mais pour Zoltán Illés, qui a ordonné l’arrêt de l’usine alors que celle-ci continuait à fonctionner après l’accident, les réservoirs auraient cédé sous le poids de la boue. L’entreprise aurait continué sa production en dépit du fait que ses réservoirs étaient pleins.
- Or la production d’une tonne d’aluminium génère environ trois tonnes de boue. D’autres hypothèses étaient avancées, notamment un vent fort qui aurait provoqué des vagues percutant violemment les parois des bassins de stockage.
La vague de boue menace de gagner le Danube
Quant aux conséquences sanitaires et environnementales de cette vague de boue, les spécialistes n’en sont encore qu’à formuler des hypothèses faute de connaître précisément la teneur des éléments présents dans ces boues. Et faute de précédents.
- Le Bureau français d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi), rattaché au ministère de l’écologie, a recensé deux ruptures de bassins de stockage de boues, le 25 avril 1998 à Aznalcóllar (Espagne) et le 30 janvier 2000 à Baia Mare (Roumanie), mais il ne s’agissait pas des mêmes produits chimiques.
- L’aluminium est obtenu à partir de gisements de bauxite, donc le risque est élevé. « Son extraction par électrochimie génère des résidus de fluorure », explique le toxicologue André Picot, expert en risques chimiques. Or, en excès, « les plantes et les animaux ne le supportent pas », poursuit le spécialiste.
- Le problème est que la vague de boue menace de gagner le Danube, d’ici quatre à cinq jours, selon la Société de gestion des eaux de l’ouest de la Hongrie. Seule action entreprise : étendre de la chaux pour réduire l’acidité de la boue et ainsi tenter d’éviter qu’elle ne rende stérile les 40 kilomètres carrés de sols déjà contaminés.
La dernière grande catastrophe du genre a eu lieu il y a dix ans, en Roumanie, qualifiée à l'époque de «deuxième Tchernobyl». Plus de 100.000 mètres cubes d'eau mélangée à du cyanure s'étaient déversés d'un lac de décantation d'une mine d'or de Baia-Mare, dans le nord du pays, et le Danube avait été gravement pollué. Cependant, «il y en a bien d’autres, régulièrement, moins médiatisées».
Marie VERDIER
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