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lundi 11 juillet 2011

La création est impertinente...


"La véritable création est impertinente"
 N.T. : Quelle est la fonction de l'art et de la culture dans nos sociétés largement dominées par les industries culturelles ?
Stéphane Hessel : L'art, et singulièrement le théâtre, met le spectateur en contact avec le demos, le peuple, dont la démocratie est le régime favori.
La grande idée du fondateur du Festival d'Avignon, Jean Vilar (1912-1971), a consisté à mettre les grandes oeuvres de l'esprit à la portée du plus grand nombre. Il fit le choix d'une culture pour tous, et non pas uniquement réservée à quelques-uns. Il a su également insuffler un art créatif. Il a réussi à être à l'avant-garde, tout en restant populaire.
N.T. : Cette idée est-elle, selon vous, aujourd'hui menacée ?
Stéphane Hessel : Oui, par l'emprise croissante de l'argent, de l'évaluation à tous crins, de la promotion, de la communication, de la publicité qui domine surtout les médias télévisés. On ne cherche plus guère à éduquer le public ni à élever son esprit, mais à flatter ses goûts supposés. Cette idée est aussi menacée par le désengagement de l'Etat et des institutions dans le financement des secteurs non marchands, par le manque de crédits, de subventions pour les auteurs véritablement créatifs.
N.T. : Pourquoi soutenez-vous que "résister, c'est créer" ? Et en quel sens peut-on parler d'une résistance culturelle ?
Stéphane Hessel : Je crois que la véritable création est impertinente. Elle n'est pas la reproduction de l'esthétique ancienne ni la sanctuarisation de la culture patrimoniale. L'art authentique est une création formelle qui modifie nos perceptions, déplace les codes esthétiques, voire politiques. Prenez Rimbaud, Lautréamont ou Flaubert. Leurs oeuvres sont des inventions esthétiques extraordinaires autant que des actes de résistance au goût dépravé des bourgeois d'autrefois.
Regardez ou lisez Sophocle, et vous verrez comme il crève la moralité ambiante, avec ses héros et héroïnes à contre-courant, qui luttent contre la morale et l'esprit du temps. Dès qu'un dramaturge se révèle, il choque. Il faut être ouvert à l'invention de nouvelles formes artistiques. Sinon, la vie culturelle oscillera entre un art - même "vivant" - embaumé et un consumérisme effréné.
N.T. : Pourquoi les partis politiques semblent-ils considérer la culture comme une partie annexe de leur programme ?
Stéphane Hessel : C'est vrai que l'ambition manque. Mais la gauche a déjà su s'en saisir. Et beaucoup de régions essayent de maintenir le cap face aux coupes sévères du gouvernement et à une vision comptable de la culture. Après tout, André Malraux était avant tout un homme de gauche, même s'il a rejoint le gouvernement du général de Gaulle ! C'est pour ces raisons que je souhaite que nous retrouvions l'esprit du Conseil national de la résistance (CNR). Non pas afin d'appliquer les mêmes mesures, mais afin de relancer cet élan d'inventivité sociale et culturelle. Car dans un monde dominé par une oligarchie libérale, il est temps de rouvrir l'espace des possibles.
Les hommes ne peuvent être réduits à la survie. Ils ont besoin de quelque chose qui les transporte. Comme le dit le poète anglais John Keats (1795- 1821), dans son Ode sur une urne grecque : "La beauté est vérité, la vérité est beauté. C'est tout ce que l'on sait sur terre et c'est tout ce qu'il faut savoir." Oui, inventons une nouvelle politique de l'art !
Quelle politique pour l'art et la culture ? 
Stéphane Hessel, ancien diplomate et écrivain
Ouvrage : "Engagez-vous !" (L'Aube, 92 p., 7 €).

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