REMOUS
Qualité de l’eau (4 et fin) Nage en eaux troubles. ( photo An.T. : Cascades au dessus de Clavans-le-Haut en montant aux Grandes Rousses dans l' Oisans)
A l’orée des années 2000, la Direction de l’eau du ministère de l’Environnement éprouve des difficultés croissantes à effectuer du « reporting » à Bruxelles, et à lui adresser des données consolidées relatives à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, qui devient un enjeu majeur, à raison des engagements communautaires que la France ne respecte pas : Directive Nitrates, Directive eaux résiduaires urbaines, Directive-cadre européenne sur l’eau... D’année en année la dégradation massive de la qualité des ressources en eau françaises se confirme et s’accroît de manière inexorable, comme l’établira sans conteste le rapport réalisé pour le compte du Museum d’histoire naturelle en mai 2005 par le professeur Jean-Claude Lefeuvre. Les origines en sont clairement identifiées : un modèle agricole productiviste qui a conduit la France à devenir, notamment, le troisième consommateur mondial de pesticides, dont plus de 80 000 tonnes sont encore utilisés chaque année. Ainsi que le retard apporté par la France, comme les autres Etat-membres, à remettre aux normes ses stations d’épuration, dont les effluents sont à l’origine d’une forte pollution en azote et en phosphore.
Acte 1 : En matière de production de données, le ministère de l’Environnement et la Direction de l’eau sont confrontés à la fin des années 90 à des stratégies d’acteurs qui menacent de faire exploser un système fragile, qui repose sur des dispositifs hétérogènes, héritage d’une histoire complexe. Les collectivités locales commencent dans le plus grand désordre à se doter de leurs propres réseaux de mesure, les Agences de l’eau, les préfectures et les DDASS procèdent pour leur part à des campagnes de mesure sans en référer aux services de l’Etat, contraints de quémander pour récupérer, partiellement, des données qu’il s’avère extrêmement difficile de consolider. Parallèlement le BRGM, historiquement en charge du contrôle des eaux souterraines, vit lui-même une grave crise interne.
Acte 2 : Dès les années 90 les Agences de l’eau, (sur la pression de la Direction de l’eau qui en est le véritable commanditaire), et plusieurs organismes de recherche avaient élaboré un nouvel instrument de mesure de la qualité des eaux souterraines : le « SEQ – Eaux souterraines », dont l’efficacité sera validée au terme d’un long programme de recherches. C’est sur ce dispositif que reposera dans une première période la production de données consolidées sur la qualité des eaux souterraines, en lien avec un autre SEQ – eaux, dédié, lui, à la qualité des eaux de surface.
Acte 3 : Jean-Luc Laurent, directeur de l’eau, entre en conflit avec les Agences et leur impose de manière autoritaire l’adoption d’un référentiel commun à tous les acteurs, faisant financer cette « normalisation » par les Agences, ce qui va entraîner un regain de tension entre les Agences, les Diren et les autres services de l’Etat concernés par la production de données.
Acte 4 : La Direction de l’eau augmente son personnel, contrairement aux autres directions du ministère, mais cela demeure insuffisant pour commander des études sur l’eau à des tiers et se passer du financement des Agences, qui commencent à trouver le ministère par trop « exigeant ». Jean-Luc Laurent, qui était passé par l’Inspection générale de l’environnement, souhaitait plus généralement, « professionnaliser » les comptes de l’environnement. C’est dans ce contexte que l’Institut français de l’environnement (IFEN), va voir le jour, et connaître plusieurs étapes de son développement, avant de quasiment disparaître en 2009.
Acte 5 : L’histoire de l’IFEN témoigne d’un véritable échec, qui renvoie à une interrogation de fond sur la gouvernance dans le domaine de l’eau. A l’origine les Diren, administrations de mission, avaient besoin de connaissances pour pouvoir faire de la prospective. Elles réussiront à en convaincre Huguette Bouchardeau, ministre de l’Environnement, qui demande dès lors d’établir des tableaux de bord de l’environnement, mais n’a pas de moyens à y consacrer. Ensuite, à son tour, Dominique Voynet sera aisément convaincue de la nécessité de développer un véritable outil statistique. Mais elle en confiera la direction à un journaliste spécialisé dans les questions environnementales, Vincent Jacques Le Seigneur, qui en fera un outil de combat, sans réussir à conduire à son terme la professionnalisation de l’IFEN. Par ailleurs les Diren avaient refusé la tutelle de l’Insee sur cet outil, considérant que cela conduirait à sa paralysie. Ne voulant pas davantage dépendre du ministère de l’Agriculture pour ce qui concerne les données sur l’eau, les Diren, proches des ministres, ont négocié d’intégrer des cadres en provenance de l’Insee à l’IFEN, afin d’asseoir sa crédibilité.
Acte 6 : L’Institut français de l’environnement (IFEN), qui était le « point focal » des données sur l’environnement en France, notamment vis-à-vis de l’Agence européenne de l’environnement, jouissait depuis sa création d’une indépendance découlant de son statut d’Etablissement public de l’Etat. Il y est brutalement mis fin en 2004. L’Institut devient un service du ministère. A dater de 2006, le personnel expert en charge du traitement des eaux de surface sera éliminé dans des conditions particulièrement brutales, qui seront dénoncées par les syndicats du ministère de l’Ecologie.
Acte 7 : En plusieurs étapes la Direction de l’eau met donc en place à partir du début des années 2000 un nouveau dispositif qui s’apparente à un découplage entre la production, locale, puis la consolidation des données sur la qualité de l’eau, qui reposent sur un grand nombre de réseaux historiquement implantés par différents organismes et services, et la consolidation de ces mêmes données aux fins de rapportage « réglementaire » à Bruxelles, conformément aux obligations découlant, notamment de la Directive-cadre européenne sur l’eau d’octobre 2000, et de la Directive « eaux résiduaires urbaines » de 1991.
Les Agences de l’eau se voient ainsi peu ou prou interdire à partir de 2003 l’utilisation du SEQ – Eaux souterraines qui leur donnait pourtant satisfaction. L’IFEN ne pourra pas davantage l’utiliser pour son bilan pesticides de 2004. Elles doivent donc officiellement utiliser le SEQ Eau potable, beaucoup moins performant, et inadapté pour évaluer la contamination d’une ressource patrimoniale.
Parallèlement la Direction de l’eau donne des recommandations d’ajustement des seuils de détection aux normes toxicologiques fixées par la Directive cadre européenne sur l’eau, si bien que beaucoup de ces seuils peuvent être relevés, allant dans le sens d’une dégradation de la qualité des données sur l’eau.
Acte 8 : Pourquoi ces décisions ? En éliminant le SEQ-Eaux l’Etat voulait « reprendre la main » sur les Agences, et témoigner que c’était à lui de donner le « là » en la matière. Idem pour les pesticides.
Pour ce qui concerne la définition des seuils, la position implicite de la haute administration revient à dire que « même avec des seuils modestes, on n’y arrivera pas. » Les anglo-saxons acceptent aisément d’engager des démarches de progrès continu, ça demeure très difficile en France. Et il ne faut donc pas « désespérer la FNSEA » si on souhaite parvenir à améliorer la qualité des milieux aquatiques.
De plus, de l’aveu même de plusieurs haut-fonctionnaires, la recherche privée a trente ans d’avance sur la police de l’eau. De nouvelles molécules sont en permanence mises sur le marché et demeurent indécelables. Il faudrait donc dépenser une fortune pour les détecter toutes… Comprendre que « le paquebot agricole ne peut pas faire du bio du jour au lendemain », et qu’il faut donc fixer des seuils suffisamment hauts afin que l’on puisse constater les progrès. Terrible aveu de renoncement ou d’impuissance…
Acte 9 : L’autonomie et la manne financière des Agences de l’eau exaspèrent depuis belle date, notamment à Bercy. Pour en finir avec cette insolente indépendance, et mettre la main sur le pactole, qui représente aujourd’hui 2 milliards d’euros par an, prélevés sur les factures d’eau des usagers, l’idée jaillit de créer une « 7ème Agence » : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Sa création va permettre « d’externaliser » la Direction de l’eau du ministère de l’Ecologie, de reprendre définitivement la main sur les Agences, et de créer un appareil de pilotage qui récupérera et centralisera l’intégralité des données afférentes à l’eau, tout en réduisant au passage le nombre de fonctionnaires précédemment affectés à cette tâche. L’Onema sera dans un premier temps présidé par M. Pascal Berteaud, Directeur de l’eau du MEDD jusqu’en 2007, qui présidera également le Comité de pilotage de l’Observatoire des résidus de pesticides...
La création de l’Onema vise aussi à apaiser les tensions permanentes entre les agents de la Police de l’eau et les Agences, dans la mesure où les porteurs de bâton sont totalement démunis, lors même que les Agences ne respectent même pas les clauses de conditionnalité…
Car, en dépit des déclarations officielles, la France ne possède pas véritablement de police de l’eau. Elle était officiellement répartie entre les agents des ex-DDA du ministère de l’Agriculture, peu enclins à entrer en conflit ouvert avec le monde agricole, et le Conseil supérieur de la pêche (CSP) et son corps de 800 garde-pêche assermentés, les seuls à effectuer véritablement une mission de police de l’eau sur le terrain Comme les préfets se plaignaient de ne pas avoir la main sur ce corps, la solution choisie « pour faire propre » fut donc de créer une 7ème Agence pour gérer les données sur l’eau, et reclasser les 800 gardes-pêche de l’ex-CSP, qui était par ailleurs virtuellement en faillite, à raison de la diminution de l’encaissement des taxes sur les cartes de pêche…
Acte 10 : L’élaboration du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) va être l’occasion, à partir de 2004, de mettre en musique et de peaufiner ces plans de « re-verticalisation » échafaudés par la Direction de l’eau, en convainquant notamment de leur bien fondé le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, le député du Pas-de-Calais (UMP), M. André Flajolet, qui deviendra ultérieurement le président du Comité national de l’eau en 2008.
Acte 11 : L’Onema a donc aussi été créé pour accueillir les 800 fonctionnaires de l’ex-Conseil supérieur de la pêche (CSP), qui était en faillite, soit 800 gardes-pêche, tout à fait compétents dans leur domaine, mais qui ne disposent absolument pas de l’expertise nécessaire à la mise en œuvre du rapportage réglementaire des données à Bruxelles. L’Onema annonce dès lors au début de l’année 2008 l’ouverture de près de 70 recrutements de nouveaux personnels pour pallier cette carence criante. Mais ces nouveaux postes vont pour l’essentiel être affectés à l’encadrement des nouvelles directions déconcentrées de l’Onema, dont l’articulation avec les services de police de l’eau traditionnels ne tardent pas à susciter des tensions.
Acte 12 : L’Onema va aussi orienter et soutenir les actions de l’AQUAREF, un consortium présenté comme le nouveau laboratoire de référence dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. Il réunit le Laboratoire national de métrologie et d’essai (LNE), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), spécialisé dans les eaux souterraines, le CEMAGREF (hydrobiologie, eaux de surface et milieux aquatiques), l’IFREMER (hydrobiologie, eaux côtières, eaux de transition et milieux marins) et l’INERIS (chimie et écotoxicologie). Tous ces organismes, hormis le LNE, sont sous tutelle ou partenaires du ministère de l’Ecologie. Le LNE est dirigé, depuis janvier 2006, par M. Jean-Luc Laurent, ancien Directeur de l’eau. C’est donc l’AQUAREF qui a désormais pour mission d’améliorer la surveillance : "Les nouvelles directives européennes, en particulier la Directive Cadre sur l’Eau du Conseil et du Parlement Européen du 23 octobre 2000 (DCE), imposent la mise en place d’une surveillance fiable des milieux aquatiques". Comme l’AQUAREF n’a pas de directeur, c’est donc l’ONEMA qui va piloter le consortium. On peut noter que le CEMAGREF n’est ni pionnier, ni le plus pointu en ce qui concerne l’analyse ou l’échantillonnage des données de l’environnement, y compris sur l’eau. Ce sont l’Université et le CNRS qui ont donc été « oubliés » dans la constitution de ce consortium. Problème de culture, d’indépendance ?
Acte 13 : L’ONEMA, dont la dotation budgétaire annuelle est plafonnée à 108 millions d’euros prélevés sur la trésorerie des Agences de l’eau, annonce en rafale à partir de février 2008 la signature d’accords-cadres et de partenariats avec l’INERIS, le BRGM, le CEMAGREF, l’OIEeau, l’Agence de l’eau Adour-Garonne...
Acte 14 : C’est désormais l’ONEMA qui est en charge de la gestion nationale des données sur l’eau, et qui va donc assurer le pilotage fonctionnel du Système d’information sur l’eau (SIE), qui relevait auparavant de la Direction de l’eau du ministère de l’Ecologie. Pour ses responsables, il s’agit « d’assurer la transparence et l’homogénéité des données sur l’eau. » Le SIE devrait donc voir ses moyens renforcés, avec pour objectif d’intégrer les différentes bases de données informatiques de tous les acteurs : agences de l’eau, DIREN, BRGM, IFREMER, etc. L’établissement suivra sur un tableau de bord la mise en œuvre des Schémas directeurs de données sur l’eau (SDDE) et mettra en place le système européen d’information sur l’eau (WISE), à partir du service d’administration national des données et référentiels sur l’eau (SANDRE).
Acte 15 : En 2004, deux organismes français, L’Office international de l’eau (OIEau) et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) sont choisis pour apporter pendant trois ans (2005-2008) une assistance technique à l’unité Eau de la DG Environnement de l’Union européenne. Mission qui doit conduire à une révision de la liste des « substances prioritaires » de la Directive-Cadre sur l’eau (DCE). En 2007, l’OIEau a ainsi été chargé de collecter les données récentes sur les concentrations dans l’eau de toutes les substances chimiques potentiellement dangereuses, disponibles dans les 27 Etats-membres de l’Union européenne. Ces données permettent de sélectionner les substances qu’il est urgent d’inscrire sur une liste de substances à traiter en priorité pour assurer la protection des eaux et des usagers. Dans ce but l’OIEau a développé un outil électronique de collecte « garantissant la qualité de la donnée », qui a été fourni aux Etats-membres. Cette collecte « permettra d’appuyer la Commission européenne dans ses discussions avec le Parlement pour la deuxième lecture de la proposition de Directive fille « substances prioritaires. » Dans le courant de l’été 2008, l’OIEau et l’INERIS, verront renouveler pour une seconde période de 3 ans (2009-2011) cette mission d’assistance technique. L’OIEau a ainsi déjà réalisé une première collecte de données de suivi des substances dangereuses dans les milieux, en rassemblant près de 6 millions d’analyses officielles sur les substances chimiques, ou « potentiellement problématiques », trouvées dans l’eau des différents bassins européens entre 2000 et 2006. La base de données qui a été créée couvre 26 pays, dont 24 états-membres, et concerne près de 900 substances. Elle est conçue de manière à ce que chaque analyse puisse être localisée sur une carte par la position du point de mesure. La collecte doit se poursuivre dans les prochaines années pour « permettre d’adapter la liste aux évolutions constatées dans les milieux ». Cette base préfigure aussi ce qui sera inclus dans le système d’information européen WISE.
Acte 16 : Un arrêté du 5 septembre, publié le 8 octobre 2008, modifie l’arrêté du 29 novembre 2006 portant modalités d’agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques au titre du Code de l’environnement. En vertu de l’article R. 214-50 du Code de l’environnement, le ministre de l’Environnement peut procéder à l’agrément des laboratoires ou organismes effectuant des analyses et contrôles dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. L’arrêté du 5 septembre 2008 donne compétence à l’ONEMA pour instruire les dossiers d’agrément des laboratoires effectuant ces analyses.
Acte 17 : Dans le cadre de la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP), l’Etat annonce au printemps 2008 un redéploiement des DDE-DDA, au motif que l’échelon régional devient le cadre d’intervention des services déconcentrés de l’Etat, notamment dans le domaine de l’environnement. Une circulaire de M. François Fillon précise que « l’ingénierie publique n’a plus vocation à se substituer à l’ingénierie privée ». Le rôle majeur que jouaient les DDE et DDA en matière de police de l’eau au sein des Missions interservices de l’eau (MISE), créées en 1992, va donc nécessairement devoir évoluer.
Acte 18 : Un arrêté d’application en date du 17 décembre 2008, qui établit les critères d’évaluation et les modalités de détermination de l’état des eaux souterraines et des tendances significatives et durables de dégradation de l’état chimique des eaux souterraines, est publié au JO le 7 janvier 2009. L’annexe I de l’arrêté fixe des normes de qualité pour les eaux souterraines à 50 milligrammes par litre pour les nitrates, et à 0,5 µg/l pour la somme des substances actives des pesticides ainsi que les métabolites et produits de dégradation et de réaction pertinents (0,1 µg/l par substance). L’annexe II définit, au niveau national, des « valeurs-seuils » pour l’arsenic, le cadmium, le plomb, le mercure, le trichloréthylène et l’ammonium. Les « valeurs-seuils » des sulfates et chlorures sont à définir localement. Le préfet coordonnateur de bassin devait fixer ces valeurs seuils avant le 22 décembre 2008. Elles devront être actualisées ultérieurement dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Cet arrêté confirme le processus en cours depuis plusieurs années et conduit donc à s’interroger sur la pertinence et la fiabilité des données sur la qualité de l’eau qui vont être produites dans ce nouveau contexte réglementaire.
Acte 19 : « Verrouillage » de l’accès aux données publiques sur la qualité de l’eau.
C’est en fait un véritable « verrouillage » de l’accès aux données publiques sur la qualité de l’eau, qui se met en place au début de l’année 2009. La proposition de mise en place du Comité permanent des usagers du futur Système d’information sur l’eau (SIEau),, qui sera piloté par l’ONEMA, ne prévoyait aucun représentant d’association de protection de l’environnement, quand elle a été présentée au Comité national de l’eau, lors de sa séance du 16 décembre 2008 !
La liste des membres dudit Comité permanent des usagers, fixée par arrêté du 25 février 2009 est significative :
- aucune association de protection de l’environnement !
- au titre de représentant des associations de consommateurs, c’est l’Union nationale des associations familiales (UNAF) qui été préférée à l’UFC-Que Choisir ou à la Confédération du Logement et du cadre de Vie (CLCV), réputées plus critiques sur la gestion de l’eau en France.
- les entreprises privées du secteur de l’eau sont représentées par 2 membres : la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), qui regroupe Veolia, Suez et Saur, et Suez, au titre de sa filiale Electrabel, qui intervient dans le secteur de l’hydroélectricité…
- la quasi totalité des sept élus désignés ne sauraient exciper de connaissances particulières en la matière. En fait aucun élu connu pour ses compétences et son engagement dans le domaine de l’eau ne sera présent au sein du futur Comité permanent des usagers du futur SIEau…
France Nature Environnement s’était élevée, sans succès, contre l’absence de représentant d’association de défense de l’environnement au sein du Comité permanent des usagers à l’occasion du Comité national de l’eau du 16 décembre 2008.
L’UFC-Que Choisir a contesté le 22 avril 2009 lors de la tenue du Comité national de l’eau, et la composition du Comité des usagers, et certaines dispositions des projets de décret et d’arrêté relatifs au futur Système national de données sur l’eau (SNDE) .
Mais s’est vu opposer « qu’on ne pouvait pas accorder un droit d’accès aux données publiques brutes sur la qualité de l’eau à des gens qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, ne sauraient pas les interpréter, et répandraient des informations erronées… »
Acte 20 : Modification du contenu.des SDAGE.
Un arrêté du 29 janvier 2009, publié au Journal officiel du 14 février 2009 complète le contenu des Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), et modifie certains articles de l’arrêté du 17 mars 2006.
Ainsi le SDAGE comporte-t-il la liste des valeurs seuils retenues pour l’évaluation de l’état chimique des eaux souterraines, et est accompagné d’un rapport de synthèse relatif aux eaux souterraines.
La nouvelle rédaction de l’article 7 de l’arrêté du 17 mars 2006 précise le contenu de ce rapport de synthèse relatif aux eaux souterraines, qui doit notamment résumer la manière dont les valeurs seuils sont établies au niveau local.
Acte 21 : La direction de l’eau et de la biodiversité du MEDDAAT présentait au Comité national de l’eau le 22 avril 2009 deux projets de décret et d’arrêté relatifs au Schéma national des données sur l’eau (SNDE), qui devaient être promulgués à l’automne 2009. La LEMA du 30 décembre 2006 a introduit dans le Code de l’environnement l’existence d’un Système d’information sur l’eau (SIEau), et en a confié la mise en place et la coordination à l’ONEMA, qui doit définir et mettre à disposition le référentiel technique de ce système dans des conditions fixées par décret. Ce système d’information s’inscrit dans la lignée du « Réseau national des données sur l’eau » (RNDE), dispositif partenarial créé à la suite de la loi sur l’eau de 1992, qui a réuni de 1992 à 2002 les principaux producteurs de données publiques relatives à l’eau, « pour faciliter le partage et la mise à disposition de ces données, nécessaires en particulier à l’élaboration des premiers schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ».
Acte 22 : L’ensemble de la chaîne technique du rapportage de données réglementaires à Bruxelles a donc été reconfigurée et est désormais totalement sous contrôle de l’ONEMA. Mais, sur le terrain, le personnel risque de faire défaut pour ces missions. La police de l’eau et les anciens personnels du CSP, désormais intégrés à l’ONEMA, outre que leurs implantations locales vont doublonner, ont désormais pour mission d’inciter les collectivités à renseigner directement le futur SISPEA, qui va recueillir, lui, les données relatives au fonctionnement des services d’eau et d’assainissement, en régie ou délégués au privé.
Pour ce qui concerne spécifiquement le « rapportage DCE », désormais, dans chaque direction interrégionale, l’unité « connaissance des usages de l’eau et de l’état des milieux aquatiques » reprend les données existantes du réseau hydrobiologique et piscicole (RHP) du CSP, mais dans la logique de la DCE. L’ONEMA va apporter les données biologiques sur les populations piscicoles issues des pêches électriques.
Trois nouveaux réseaux vont être constitués, puisque la DCE impose aux districts hydrographiques de mettre en place des programmes de surveillance de leurs eaux incluant notamment l’instauration de réseaux de contrôle de surveillance (RCS) et la mise en œuvre de réseaux de contrôle opérationnel (RCO). Le RCO devra mesurer l’impact des politiques mises en œuvre pour répondre à la DCE. Le réseau de température permettra d’avoir un état initial de la température des rivières, et s’inscrit dans la perspective du changement climatique.
Mais il risque de devenir de plus en plus difficile de transmettre des données consolidées à Bruxelles. Les modifications d’indicateurs successives accentuent cette perte en ligne : ils sont peu pertinents, trop généraux ou trop difficiles à renseigner.
Acte 23 : Un climat délétère règne en 2009 au siège historique de l’IFEN à Orléans, désormais placé sous la tutelle brutale du nouveau Service de l’observation et des statistiques (SOeS) créé en 2008, lui-même piloté par le nouveau Commissariat Général du Développement Durable de « l’hyper-ministère » de l’Ecologie. La quasi-totalité de son personnel technique a été muté, et les rares rescapés ont changé d’affectation. Les personnels spécialisés dans la connaissance environnementale y sont désormais supplantés par ceux de l’INSEE ou de l’Equipement. Plus « d’environnement », et bientôt plus d’information environnementale, puisque le site de l’ex-IFEN devrait aussi disparaître en tant que tel pour être intégré dans celui du SOeS.
Le cabinet de Jean-Louis Borloo confondrait-il volontairement « communication » et « information » ? La direction de la communication du ministère de l’Ecologie est donc désormais en mesure de censurer tous les rapports techniques susceptibles d’évoquer les sujets qui fâchent. Les traditionnels « 4 pages » de l’IFEN, devenus « Le point sur » ne sont quasiment plus adressés aux journalistes, histoire d’éviter toute enquête qu’ils pourraient susciter… L’IFEN n’est plus habilité à diffuser des communiqués, comme il le faisait régulièrement dans le passé. Bientôt l’information sera uniquement disponible sur le site du ministère, et se résumera donc aux inaugurations et aux cocoricos post-Grenelle.
Acte 24 : Dans le courant de l’été 2009, le SOeS publie le n° 18 de la collection « Le point sur », intitulé « La qualité des rivières s’améliore pour plusieurs polluants à l’exception des nitrates ». Ce document affirme que « la pollution des cours d’eau par les matières organiques et phosphorées, issues des rejets urbains et industriels, a nettement diminué depuis une dizaine d’années, tandis que celle due aux nitrates, majoritairement d’origine agricole, a plutôt tendance à se stabiliser, voire à augmenter encore localement. » L’analyse technique de la méthodologie de ce document témoigne que le « lissage » et la « normalisation » des données dépassent cette fois tout ce qui a pu être déjà constaté précédemment, ce qui induit un sérieux doute sur la pertinence des résultats.
Dans le même temps, plusieurs sources au sein des Agences de l’eau, de l’IFEN, de l’OIEau, attestent d’une crise sans précédent : la fiabilité du fameux SEQ-eau, le logiciel qui est la pierre angulaire de tout le système de production de données, a été mise en cause, ce qui conduirait à « recalculer » toutes les données officielles récemment produites en matière de pollution de l’eau !
L’IFEN annonce conjointement sur son site en juillet 2009 que la partie « Eaux » de son dernier rapport « L’environnement en France », datant de 2006, n’est plus disponible…
Acte 25 : On apprendra le 22 juillet 2009 que le Ministre en charge du développement durable M. Jean-Louis Borloo et la Secrétaire d’Etat à l’Ecologie Mme Chantal Jouanno ont signé le 23 juin ’’l’avenant Grenelle’’ du contrat d’objectifs 2006-2010 de l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (INERIS).
Créé en 1990, placé sous la tutelle du Ministère en charge du développement durable, l’INERIS a pour mission de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, et sur l’environnement. Dans le cadre de cet avenant à son contrat d’objectifs, l’Institut voir renforcer son rôle dans l’ensemble des domaines touchant aux risques et pollutions industriels et aux produits chimiques. L’Institut indique qu’il mettra en place un centre de tests sur les technologies, produits et procédés éco-innovants. L’INERIS a également pour mission de développer en Picardie le pôle national applicatif en toxicologie et écotoxicologie, centre national de référence sur les méthodes alternatives en expérimentation animale. Par ailleurs, l’INERIS entend mettre en œuvre une politique globale (environnemental, social, économique) fondée sur le référentiel SD2 1000.
Enfin, dans le cadre du Plan National Santé Environnement, l’Institut est en outre chargé de la coordination d’AQUAREF, laboratoire de référence dans le domaine de l’eau.
Ce même laboratoire qui a été créé après l’adoption de la Loi sur l’eau du 30 décembre 2006, et qui était jusqu’alors sous la tutelle de l’ONEMA…
Seules de mauvaises langues s’aventureraient à augurer que cette nouvelle configuration institutionnelle éclaire d’un jour singulier le « bug » du SEQ-eau, étrangement révélé dans le courant de l’année 2009, et qui a fortement agité les Agences de l’eau, l’OIEau, l’ONEMA et l’IFEN-SOeS depuis le début de l’année 2009…
Acte 26 (à venir) : Bruxelles pourrait réagir et mettre en lumière des incohérences croissantes. De nouvelles sanctions être annoncées pour les collectivités ne renseignant pas les bases de données. Un décalage croissant va se faire jour entre les situations (mauvaises) constatées sur le terrain, et certains indicateurs affichés officiellement. La Police de l’eau pourrait se voir enjoindre de se mobiliser exclusivement sur la DERU 91 et le rapportage de données réglementaires à Bruxelles. De nouveaux ajustements des indicateurs intervenir dans l’urgence.
Acte 27 (à venir) : Sur le terrain le risque est désormais réel de voir apparaître des politiques de l’eau à plusieurs vitesses suivant les actions de l’Etat, et l’investissement ou non des collectivités. L’amélioration de la qualité des eaux risque donc bien de demeurer longtemps encore un vœu pieux. En outre d’autres périls guettent désormais à l’horizon. La Commission européenne ne verrait pas d’un mauvais œil qu’à l’avenir tous les services valorisant les données collectées par les services publics puissent être monétisés par des bureaux d’étude privés, ce qui porterait un coup fatal à l’ingénierie et au savoir-faire public. L’enjeu de la maîtrise de la production et de la diffusion des données publiques environnementales, ici dans le secteur de l’eau, apparaît donc plus que jamais crucial, à la lumière des régressions constantes intervenues en moins d’une dizaine d’années.
Acte 28 : Quelle alternative ?
L’une des issues envisageables pour sortir par le haut de cette véritable crise serait de favoriser la montée en puissance des autorités publiques locales, du type intercommunalités, syndicats d’eau, structures porteuses de Sage…, dans le dispositif global de production des données publiques sur la qualité de l’eau, en leur fixant des objectifs crédibles accessibles, tout en garantissant la présence de l’Etat dans le dispositif, avec pour objectif la constitution d’un réseau de laboratoires de référence, mais il sera difficile de passer outre aux intérêts des acteurs déjà en place pour arriver à cet « aggiornamento »…
Marc Laimé, lundi 25 juillet 2011
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