Grenelle 2 : retour d'une vision archaïque de la croissance
C'est un texte vidé de son sens qui est présenté depuis mardi aux députés Français. Le Grenelle 2 –dont l'examen ne devrait pas dépasser 30h- a raté l'occasion de faire de la France un exemple et s'est mué en texte anti-environnemental. Les lobbys ont gagné, pas les Français.
Avec le vote de la loi Grenelle 2 -au terme de débats qui ne devraient pas durer plus de 30h- c'est un espoir qui s'achève : celui d'imaginer que la France pouvait faire sa mue écologique, ou tout au moins celui d'un gouvernement a fortiori de droite, qui prenait la responsabilité historique de cette mue. Car le pouvoir en place a repris son visage habituel : celui d'une vision classique, voire archaïque de la croissance, appuyée sur le fleuron national qu'est le lobby nucléaire et décidé à donner satisfaction à ses ''clients'' électoraux habituels. Ce choix, qui a fait de nous une lanterne rouge en Europe de l'Ouest en matière d'application du droit communautaire de l'environnement, nous conduit aujourd'hui dans un mur économique et industriel, en même temps qu'il ne nous permettra même pas de rattraper notre retard alors que nous pouvions espérer devenir de ''bons élèves''.
En effet, le texte qui sort de la commission de l'Assemblée nationale, avec un vote négatif de l'opposition, non seulement comporte une série de régressions par rapport au Grenelle 1, mais a, au passage, hérité d'un certain nombre d'articles scélérats qui constituent des régressions par rapport au droit antérieur.
''Satisfaire les puissants lobbys du nucléaire ou des pesticides''
Entre la disposition qui supprime les enquêtes publiques en cas d'augmentation des risques ou des rejets des centrales nucléaires- cavalier législatif inconstitutionnel et à proprement parler scandaleux-, celle qui porte atteinte à la loi littoral (amendement Vial), celle qui interdit la commercialisation du purin d'ortie et autres produits naturels, il est malheureusement plusieurs exemples de recul évident du droit, destinés à satisfaire les puissants lobbys du nucléaire ou des pesticides. Ainsi, le texte phare qui devait faire de la France l'exemple s'est- il mué en texte anti-environnemental.
De plus, et pour les mêmes raisons, les dispositions contraignantes ou réellement innovantes en termes économique et industriel, en particulier en ce qui concerne l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, ont disparu. Feu la fiscalité écologique avec la disparition de la taxe carbone et de la taxe poids lourds. Il ne faut pas plaisanter avec une évolution vers une fiscalité verte.
Il ne faut pas davantage plaisanter avec la transparence et l'information des consommateurs : pas de bilan carbone pour les entreprises de plus de 500 salariés, pas d'obligation de certification des bilans environnementaux par des organismes tiers indépendants, pas d'information des consommateurs sur les nanotechnologies. Le greenwashing doit pouvoir prospérer.
Il ne faut toujours pas plaisanter avec les pesticides. Au passage, l'étude de la Mutualité sociale agricole (MSA) sur l'impact des ''amis des plantes'' sur la santé des agriculteurs est toujours en attente (depuis 2007…). Aussi, la réduction de 50 % des pesticides -si possible- fera-t-elle l'objet d'un rapport….
Enfin et surtout, tous ceux qui ont cru aux 23 % d'énergies renouvelables en 2020 peuvent rire ou pleurer au choix. Comment ont-ils un instant pu penser que le lobby nucléaire laisserait passer. Avec la loi Grenelle 2, pas de danger de parvenir au résultat : les éoliennes sont proscrites -rendant impossible le développement d'une filière en France-, le photovoltaïque moins avantagé au prétexte qu'il serait ''spéculatif '', la consommation énergétique est encouragée dans les bâtiments grâce aux dispositions favorisant le chauffage électrique et détruisant du même coup toute rentabilité aux systèmes et produits d'efficacité énergétique.
Ainsi, le gouvernement tourne le dos à l'avenir, à notre ré-industrialisation et rend impossible le développement des emplois verts dont il se gargarise pourtant. De qui se moque-t-on ?
Il faudra, probablement et comme d'habitude, attendre les condamnations pour non-respect du droit communautaire pour que les choses changent.
Certains lobbys ont gagné…mais les Français ont perdu.
Corinne LEPAGE
Avocate, ancien Ministre de l'Environnement, Présidente de Cap21.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire