Toxicité du bisphénol A : Malgré les preuves l'Autorité européenne de sécurité des aliments n'est pas convaincue.
Alors que le bisphénol A vient d'être interdit dans les biberons par le parlement français, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de rendre son avis sur la possible toxicité de ce composant incorporé à faibles doses dans un certain nombre de récipients notamment en plastique.
Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), le Bisphénol A (BPA) est utilisé depuis plus de 40 ans, dans de très nombreuses applications dont des matériaux au contact des aliments et de l'eau. Il est utilisé dans la fabrication de plastiques polycarbonates potentiellement présents dans des produits comme des bouteilles réutilisables pour les boissons, des biberons pour les bébés et des réservoirs de stockage ; il est aussi employé dans le revêtement de certaines canettes ou boîtes de conserve.
En raison de l'association du BPA à des effets nocifs pour la santé, cette substance active sur le système endocrinien a fait l'objet d'une attention considérable dans le monde entier. En effet, le Bisphénol A est massivement produit et dispersé dans l'environnement et se retrouve dans l'organisme d'une large majorité de la population, quel que soit l'âge. Selon un certain nombre d'études, le BPA aurait des conséquences multiples : troubles de la sexualité, cancers de la prostate ou du sein, obésité, diabète, dysfonctionnements thyroïdiens, troubles du comportement et de la reproduction, augmentation du risque d'inflammations intestinales sévères, maladies coronariennes... Il aurait également des effets néfastes sur le développement du cerveau des foetus et des nouveau-nés.
C'est pourquoi, en octobre 2009, la Commission européenne invitait l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à évaluer l'intérêt d'une nouvelle étude sur les effets neurodéveloppementaux possibles du BPA et, le cas échéant, à mettre à jour la dose journalière tolérable (DJT) en conséquence. En France, fin janvier 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) rendait un avis mitigé sur les effets toxiques du Bisphénol A.
Pourtant, fin juin 2010, l'Assemblée nationale adoptait définitivement une proposition de loi du Sénat visant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A sur le territoire français : "La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A sont suspendues jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations."
Mais, le 30 septembre 2010, l'EFSA concluait à l'absence d'éléments pertinents permettant de prouver leur toxicité aux faibles doses actuellement admises...
L'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments
"À la suite d'un examen détaillé et exhaustif de la littérature scientifique récente et d'études sur la toxicité du bisphénol A à faibles doses, les scientifiques du groupe CEF (1) de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont conclu qu'ils n'avaient pu identifier aucune nouvelle preuve qui les amènerait à reconsidérer la dose journalière tolérable(2) (DJT) existante pour le BPA, fixée par l'EFSA à 0,05 mg/kg de poids corporel(3) dans son avis scientifique de 2006 et reconfirmée dans son avis de 2008(4) . Le groupe a également déclaré que les données actuellement disponibles n'apportaient pas d'éléments probants concernant une toxicité neurocomportementale du BPA.
Un membre du groupe scientifique a exprimé un avis minoritaire (5) mentionnant que certaines études récentes font état d'incertitudes en ce qui concerne des effets indésirables sur la santé à un niveau inférieur à celui utilisé pour établir la DJT actuelle. Bien que le membre du groupe scientifique soit en accord avec l'opinion générale des autres membres sur le fait qu'on ne puisse pas se baser sur ces études pour établir une DJT inférieure, cet expert recommande cependant que la DJT actuelle soit transformée en DJT temporaire.
Les membres du groupe scientifique reconnaissent que certaines études récentes font état d'effets indésirables chez les animaux exposés au BPA pendant leur développement, à des doses bien inférieures à celles utilisées pour déterminer l'actuelle DJT. Ces études font apparaître des modifications biochimiques au niveau du système nerveux central, des effets sur le système immunitaire et une sensibilité accrue au cancer du sein. Ces études présentent néanmoins plusieurs lacunes. Actuellement, la pertinence de ces résultats par rapport à la santé humaine ne peut être évaluée ; cependant, si de nouvelles données utiles sont rendues disponibles dans le futur (6) , le groupe scientifique reconsidèrera l'avis actuel."
Une "décision ubuesque" selon le Réseau Environnement Santé
Selon le Réseau Environnement Santé, "l'EFSA arrive à cette conclusion en écartant 95 % de la littérature, dont les conclusions devraient en toute logique conduire à une remise en cause de cette DJA, car des dizaines d'études mettent en évidence une grande variété d'effets à des doses même très inférieures à la DJA : cancer du sein et de la prostate, atteinte de la reproduction, diabète et obésité, troubles du comportement... Tous ces effets sont généralement consécutifs à une exposition maternelle pendant la grossesse, qui peut se manifester sur la descendance, voir même sur plusieurs générations.
Par exemple, 34 études expérimentales ont été publiées sur les troubles du comportement chez l'enfant après exposition pendant la gestation sur plusieurs espèces : souris, rat et singe. 32 concluent à un effet, la quasi-totalité à des doses inférieures à la DJA. Une première étude chez l'homme a retrouvé ces effets chez l'enfant de 2 ans en corrélation avec l'imprégnation maternelle en BPA.
Mais l'EFSA se débarrasse de ces preuves scientifiques indiscutables en invoquant des problèmes de méthodologie. Ces fameux problèmes de méthodologie correspondent au fait que l'EFSA ne reconnaît que les études menées selon un protocole obsolète mis au point dans les années 70, incapable de voir des effets comme les troubles du comportements, mais qui a l'avantage d'être le protocole que suit l'industrie chimique et elle seule.
La force de lobbies de l’industrie chimique.
L'EFSA fait ainsi le choix de s'appuyer sur une poignée d'études issues de l'industrie chimique au mépris de toutes les règles de déontologie de l'expertise qui consiste à prendre en considération toutes les études publiées. Ce comportement de l'EFSA sur le BPA est exactement de même nature que celui qu'elle a sur la question des OGM. La nomination d'une ancienne lobbyiste pro-OGM ayant dissimulé ses liens d'intérêts à la présidence du CA de l'EFSA montre que l'EFSA est aujourd'hui plus un lieu de lobbying qu'une agence en charge de la protection de la santé des européens."
Le Réseau Environnement Santé conclut en indiquant qu'il va "agir avec ses partenaires européens regroupés dans le réseau HEAL (Health Environment Alliance) pour continuer à mobiliser tous les citoyens européens afin que chaque pays prenne une décision d'interdiction dans les contenants alimentaires. Le RES demande que le Parlement Européen forme une Commission d'enquête sur la déontologie de l'EFSA. Le RES va agir également auprès de la nouvelle agence en charge du dossier BPA en France, l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) afin qu'elle rende un avis conforme aux règles de déontologie.
"Le plus simple" reste encore d'éviter le BPA.
Malheureusement, ce composé chimique est présent dans de nombreux récipients : boîtes de conserve, canettes de boisson (résines époxy utilisées comme couche protectrice à l'intérieur), films alimentaires, bouteilles d'eau... Certains des plastiques qui ont été fabriqués grâce au BPA peuvent être repérés par le chiffre 3 (PVC), 7 (other) ou PC (polycarbonate) au centre ou en dessous du symbole de recyclage.
De plus, certains fabricants n'hésitent pas à mentionner clairement sur leurs biberons l'absence de bisphénol A.
Enfin, notons une nouvelle fois que le verre demeure un matériau en théorie recyclable à l'infini avec une chaîne de production et de recyclage qui présente de nombreux bénéfices pour l'environnement. Certes, le verre c'est plus lourd mais là aussi les fabricants diminuent progressivement le poids de leurs récipients.
Notes
CEF = groupe scientifique sur les matériaux en contact avec les aliments, les enzymes, les arômes et les auxiliaires technologiques
La DJT est une estimation de la quantité d'une substance, exprimée par rapport au poids corporel, qui peut être ingérée pendant toute la durée d'une vie sans risque appréciable pour la santé.
DJT basée sur une dose sans effet nocif observé ou NOAEL (no-observed-adverse-effect-level) de 5 mg/kg de poids corporel par jour, issue d'une étude multi-générationnelle sur la toxicité pour la reproduction chez le rat, dans laquelle les effets clés observés étaient des modifications du poids du corps et des organes chez les adultes et leur descendance, ainsi que des effets sur le foie chez des souris adultes. Un facteur de sécurité de 100 a été appliqué pour prendre en compte les différences intra-espèces et inter-espèces.
Avis du groupe scientifique sur les additifs alimentaires, les arômes, les auxiliaires technologiques et les matériaux en contact avec les aliments [AFC] relative au 2,2-BIS(4-HYDROXYPHÉNYL) PROPANE (Bisphénol A) et Toxicocinétique du bisphénol A - Avis du groupe scientifique sur les additifs alimentaires, les arômes, les auxiliaires technologiques et les matériaux en contact avec les aliments (AFC)
L'EFSA considère qu'il est important que les scientifiques puissent exprimer un avis qui diverge d'un avis unanime : c'est ce qui définit un avis minoritaire. Parmi les critères prioritaires utilisés pour sélectionner les experts figurent non seulement leurs compétences scientifiques et leur expérience scientifique avérée dans un ou, de préférence, plusieurs domaines relevant du mandat de l'EFSA mais aussi leur indépendance.
L'EFSA a mis en place un système qui lui permet de contrôler en permanence les nouvelles études relatives au BPA.
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