Guerre commerciale autour du lithium
Téléphones, voitures électriques, ordinateurs portables, appareils photos, GPS... Les batteries « nouvelle génération » fonctionnent avec du lithium. Ce composant est également essentiel pour la voiture électrique. Multinationales et États se lancent dans la bataille de l’extraction de ce nouvel « or blanc ».
On la surnomme « l’Arabie Saoudite du lithium ». La Bolivie renfermerait dans son sous-sol 5,4 millions de tonnes de lithium soit près de 40 % des réserves mondiales selon l’Institut américain de veille géologique. D’autres pays de la Cordillère des Andes possèderaient également en grande quantité du lithium, composant essentiel pour la fabrication des batteries nouvelle génération. Les lacs salés du Chili et de l’Argentine concentreraient respectivement 20 et 13 % des réserves de lithium. Aux côtés du Chili, la Chine est devenue depuis 2008 l’un des premiers producteurs de lithium grâce aux réserves de sel tibétaines. De quoi bousculer les rapports de force et agacer sérieusement les États-Unis dont les réserves seraient de 410.000 tonnes. Les estimations restent néanmoins variables. Certaines compagnies comme Western Union se prévalent de pouvoir extraire 2 millions de tonnes dans le Nord du Nevada (États-Unis) et de devenir un des plus gros producteurs mondiaux de carbonate de lithium.
Batailles dans les déserts de sel
La concurrence ne s’en tient pas à une bataille chiffrée, elle se déploie dans les déserts de sel. Le groupe français Bolloré, les japonais Sumitomo et Mitsubishi, LG en Corée du Sud et Vale au Brésil sont dans la course pour extraire le carbonate de lithium bolivien. Evo Morales, le chef de l’État bolivien, a en effet besoin des compétences techniques de compagnies étrangères pour l’extraction. Le lithium est un métal léger contenu dans une matière brute, la saumure : la séparation du lithium de la saumure est préalable à l’obtention du carbonate de lithium.
En septembre 2009 c’est le groupe Bolloré, en partenariat avec le minier Eramet, qui a signé avec le ministère bolivien des Mines un partenariat technique. Il accorde un prélèvement de 15.000 litres de saumure en vue d’une analyse en France. Fort d’une Constitution adoptée en janvier 2009, Evo Morales précise que « les ressources naturelles sont consacrées propriété du peuple bolivien ». L’exploitation du lithium serait donc conditionnée à son industrialisation dans le pays et sous le contrôle de l’État. Afin de prendre les devants, la Bolivie a également investi 6 millions de dollars dans la construction d’une usine pilote près du désert de sel d’Uyuni, et de 150.000 m² de piscines d’évaporation. Pas d’inquiétude toutefois pour les groupes Bolloré - Eramet qui ont signé le 16 février 2010 « un contrat d’exploration assorti d’une option d’achat portant sur des gisements de lithium avec la société argentine Minera Santa Rita ».
Israël dans la course
« Géographie propice », « volonté politique », nul doute pour le groupe Renault-Nissan : « le premier marché à fort volume [est] Israël ». Dans une vidéo, Shimon Peres, président de l’État d’Israël, affirme voir dans le pétrole « le plus grand pollueur de notre temps [et] la plus grande source de financement du terrorisme ». Visant l’indépendance énergétique du pays, Israël cherche donc à déployer à grande échelle des voitures électriques d’ici 2011. Alors qu’un million de véhicules circulent aujourd’hui en Israël, le marché national est estimé à environ 30.000 véhicules électriques par an. Le gouvernement israélien s’est notamment engagé à ce que les taxes sur le véhicule électrique ne dépassent pas 10 % au lieu de 79 % pour les voitures à essence.
Israël a par ailleurs développé un partenariat avec le groupe Renault-Nissan. Son président, Carlos Ghosn, a lui-même passé un accord avec Shaï Agassi, le patron de Better Place, constructeur des bornes de recharge et de remplacement de batteries pour les véhicules électriques. Mi-février, un premier centre de démonstration de véhicules électriques s’est ouvert à Tel Aviv. D’ici à 2012, 500.000 points de charge devraient être installés sur le territoire ainsi que plusieurs centaines de stations d’échange des batteries. À ce jour, on compte un millier de bornes en Israël et une dizaine au Danemark, pays dans lequel Better Place met aussi son système à l’essai.
Brevets contre responsabilité
Dans le souci de ne pas être dépendant du lithium, certains constructeurs continuent à équiper les voitures avec des batteries à base de nickel. D’autres, comme l’Islande, l’Italie et la Californie, continuent de miser sur le lithium mais en exploitant les eaux chaudes de zones volcaniques en vue de produire de l’électricité. Une start up, Simbol Mining, affirme que les eaux à haute température chauffées par des réservoirs de lave contiendraient du carbonate de lithium. Brièvement, l’entreprise affirme sur la seule page que contient son site que ce type d’extraction « ne génèrerait ni déchets, ni gaz carbonique ». Dépositaire d’un brevet pour précipiter et extraire les silicates contenus dans les eaux géothermiques, Simbol Mining escompte avoir déniché un nouvel eldorado. La question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises dans l’extraction du lithium ne semble pas, elle, être à l’ordre du jour.
Sophie Chapelle, journaliste , animatrice de tables Rondes de Ecologie au Quotidien de Die.
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