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mardi 1 juin 2010

La journée de la Femme c'est tous les jours

Dieu est aussi une femme
« Je parle de toutes celles qui trouvent normal d’être fortes, de serrer les dents, de taire des besoins pourtant légitimes. De toutes celles qui n’osent pas se montrer vulnérables. De peur qu’on les traite de femmes. » Ainsi parle Valérie Colin Simard, auteur de Quand les femmes s’éveilleront (Albin Michel et Club Nouvelles Clés), dont le titre initial, du moins dans l’esprit de celle qui nous livre ainsi à la fois ses confidences et les fruits d’une enquête, était : Dieu est aussi une femme. Aujourd’hui psychothérapeutique, Valérie Colin Simard a été journaliste pendant plus de vingt ans. Elle a démarré à Canal + en présentant la revue de presse puis les flashs d’informations. Elle a ensuite travaillé à TF1 et M6 avant de rejoindre Le Point, Elle et Psychologies magazine. Elle est l’auteur de six ouvrages, mais Quand les femmes s’éveilleront est son premier livre basé sur son expérience de psychothérapeute et c’est une réussite.
Sans du tout nier les innombrables acquis du féminisme, qui devraient encore s’imposer dans bien des pays du tiers-monde et se développer davantage dans le monde du travail, Valérie Colin Simard plaide pour un retour des « valeurs féminines essentielles ». Elle nous dit que la femme d’aujourd’hui, pour fêtée qu’elle soit sur les affiches publicitaires, perd une partie de son âme à vouloir singer l’homme dans ses prérogatives masculines. Et qu’à force de vouloir jouer tous les rôles à la fois, elle peut en arriver à détruire son potentiel de créativité, de vie, de joie et jusqu’à ses capacités de ressourcement. La femme s’est aujourd’hui subrepticement créé de nouvelles chaînes, invisibles, mais bien prégnantes. Valérie Colin Simard démonte avec efficacité le mécanisme subtil qui fait que les femmes, tout en se libérant par ailleurs, se sont aussi mises au service d’un système pervers qui conduit le monde à sa ruine. Pour elle, oser le féminin, c’est oser être soi, vulnérable, ouvert aux autres. C’est oser le lien et choisir d’aimer. Ces valeurs féminines - qui existent aussi bien chez les hommes que chez les femmes - méritent que nous nous battions pour elles. Leur oubli tue notre humanité.
Valérie Colin Simard secoue beaucoup d’idées reçues et cela fait du bien. Ci-dessous un extrait de Quand les femmes s’éveilleront.
« D’une certaine manière, mes parents étaient en avance sur leur temps. Ma mère travaillait, mon père pas. C’était lui qui venait me chercher à l’école et assistait aux réunions de parents d’élèves. Ma mère, elle, rentrait tard le soir. J’avais un père à la fois présent et absent. Il avait eu un accident cérébral. J’ai été élevée dans le secret espoir que je puisse un jour prendre sa relève. Le message de ma mère était : “Tu seras un homme, ma fille”. Il fallait donc - et c’était bien le moindre - que je sois indépendante financièrement. Et que je réussisse. À une époque où les femmes travaillaient peu, c’était ma mère qui rapportait l’argent du ménage. Je me souviens qu’elle regardait avec la plus grande condescendance ses amies femmes au foyer. Elle était passée de l’autre côté du miroir, elle se sentait supérieure, elle avait rejoint le clan des hommes. Son entourage l’admirait pour son courage et pour sa force.
« Pendant longtemps, moi aussi j’ai admiré ma mère. Elle m’a ainsi transmis tout naturellement son mépris de ce qui, à l’intérieur de moi, ressemblait de près ou de loin à une femme. Ma douceur ? De la mollesse. Mon corps ? Seul l’intellect avait de l’importance. Mon besoin de donner et de recevoir de la tendresse ? Réservé aux enfants et surtout sans trop de contact physique. Ma beauté ? Un pouvoir sur les hommes. L’amour ? Ma mère m’a appris à aimer d’un amour fusionnel. Pour elle, 1+1=1. J’étais le prolongement d’elle-même. Sinon je la trahissais. J’avais le droit d’être comme elle. De travailler et encore travailler. De réussir professionnellement, d’être forte. Surtout ne rien ressentir. Me blinder. Comme elle. Dois-je vous dire que ma mère pesait 40 kilos de trop ? Elle vivait sous antidépresseurs. Elle a subi cinq infarctus et un cancer. Son corps ne mentait pas. Il portait ses blessures, sa vulnérabilité, son désarroi, tout ce qu’elle ne s’était jamais autorisée à exprimer.
« J’aurais pu suivre exactement le même chemin. Aujourd’hui, je la remercie. Quand les femmes s’éveilleront lui est dédié. Elle m’a appris à lutter, à me battre. Elle m’a appris le courage. Elle m’a montré ce que pouvait être la force et la puissance d’une femme. Grâce à elle, j’ai aujourd’hui la liberté de choisir si oui ou non je veux me réconcilier avec l’autre partie de mon être. Avec ma féminité.
« Depuis que j’ai entamé ce chemin, j’ai découvert sur ma route bien d’autres femmes semblables à elle, à moi. Elles luttent, elles se battent, elles se coupent de ce qu’elles ressentent. Pour rester à flots. Pour exister socialement. Pour pouvoir continuer d’avancer. Jasmine, 21 ans, vit à Paris éloignée des siens. Pour fuir un sentiment de solitude qu’elle trouve “bête” et “ridicule”, elle devient boulimique. Astride, 35 ans, directeur général d’entreprise, prend conscience qu’à force de ne pas exprimer ce qu’elle ressent, elle se fait maltraiter par son compagnon. Judith, 29 ans, est pour les mêmes raisons, harcelée par son patron. Je pourrais ici multiplier les exemples ; ils sont développés au fil de mon livre. De femmes qui, parce qu’elles méconnaissent la part féminine de leur être, la bafouent, en général par personnes interposées.
« Je ne parle pas ici de cas pathologiques, de femmes abusées ou battues qui sont des cas extrêmes. Je parle de femmes que j’ai rencontrées au quotidien dans mon travail, dans mon entourage ou lors de mon enquête. Je parle de vous, je parle de nous. Je parle de toutes celles qui trouvent normal d’être fortes, de serrer les dents, de taire des besoins pourtant légitimes. De toutes celles qui n’osent pas se montrer vulnérables. De peur qu’on les traite de femmes. »
Valérie Colin-Simard

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