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samedi 14 mai 2011

10 Mai 81 : La victoire ....en pleurant

Nous avions 20 ans, et enfin la Gauche arrivait au pouvoir ce 10 mai 1981, absente depuis 23 ans. Nous en  avions rêver, avons lutté pour son arrivée, et beaucoup de copains se sont engagés en politique abandonnant la Société Civile et le monde associatif ou syndical. Du coup personne n’a poussé le gouvernement de gauche à tenir ses engagements. Deux ans après la trahison était consommée. Et les socialistes étaient les garants d’une bonne marche du capitalisme.
Quant bien même nous avons ce Dimanche 10 mai fait une fête avec plus de 400 personnes du Diois et Créstois : Pierre Garabiol à la Technique, Monique Grisal à l’accueil, Claude Veyret aux agneaux du méchoui, Jacques et Françoise Liottard  et Jean Designe pour les syndicats paysans en lutte, tous le monde associatif et syndical du Diois et Crestois était à la Ferme écolibertaire du Moulin de Menglon…Le troupeau de vaches n' a pas dormis de la nuit.
Claude Veyret
 «A l’époque, les idées comptaient plus que le look»
Julia Morandy-Serra, retraitée, et sa fille Elsa, bibliothécaire, retiennent la liesse de 1981.
Julia Morandy-Serra jubile encore lorsqu’elle raconte ce moment où le visage de François Mitterrand a envahi l’écran de sa télévision. La liesse qui s’était emparée du salon, ce 10 mai 1981. Elle avait 51 ans, l’âge de sa fille aujourd’hui. «On commençait à se dire qu’à notre âge on ne verrait jamais la gauche», dit-elle. Elle a désormais 81 ans, vit toujours à Marseille, est devenue conteuse pour occuper sa retraite. Infirmière de formation, elle était conseillère conjugale pour le Planning familial en 1981. Donnait des cours d’éducation sexuelle dans les lycées, votait à gauche «depuis toujours». D’abord extrême gauche, pour Arlette Laguiller par «réaction familiale» : son père, militaire corse, étant un grand adorateur du Général. «Mais, à la longue, elle répétait toujours la même chose pour assez peu de résultats.» Alors, en 1981, elle a voté PS dès le premier tour. Et, le 10 mai, elle a rejoint la Canebière pour y faire la fête.
«110 propositions». Le jour s’achève, une belle lumière entre dans son appartement. Elle est assise en tailleur, bien droite dans son canapé. Elégante, discrètement parfumée. Sa fille, Elsa Noble-Morandy, bibliothécaire, se tient à ses côtés. A l’époque, elle préparait un Capes de lettres modernes, votait pour la première fois. Elle se souvient des «110 propositions» de Mitterrand, preuve selon elle «que les idées comptaient alors plus que le look». Ce soir-là, elle a découvert que son futur mari était de droite. «On s’était rencontrés trois mois plus tôt, raconte-t-elle, et on n’avait pas trop parlé de politique. On était tous les deux dans mon studio et il faisait une tête pas possible. Il était furieux. J’étais déçue !» Trente ans plus tard, ils vivent toujours ensemble.
Romain, leur fils, est né deux ans après. Trop tard pour voter un jour Mitterrand, mais le personnage l’intéresse. «Un patriarche, avec un côté père de la France, décrit-il. Il se tenait toujours droit, semblait serein, n’élevait jamais la voix. Il ne ressemblait pas aux hommes politiques d’aujourd’hui.»
Sa mère et sa grand-mère retiennent l’abolition de la peine de mort, et aussi, pour Julia, ce moment où François Mitterrand et Helmut Kohl se tiennent par la main en 1984, à Verdun. Pour le reste, la déception domine, Julia a surtout détesté la cohabitation, aurait préféré que Mitterrand démissionne. Mais elle nuance : «Il était quand même très intelligent, ce qui manque un peu aujourd’hui, et cultivé, ce qui manque beaucoup.»
En 1988 et 1995, elles ont toutes les deux voté utile. Puis, en 2002, la grand-mère a continué. Mais on comprend que trop de votes utiles ont fini par installer une sorte de rancœur, d’amertume, vis-à-vis du PS. En 2002, Elsa a voté Besancenot, «et tant pis pour ce que cela a provoqué, on aurait dû le faire plus tôt, pour aider le PS à se réformer». Son fils Romain (28 ans désormais) votait pour la première fois. Il a choisi Chirac dès le premier tour. «J’étais plutôt influencé par mon père», raconte-t-il. Depuis, sa copine l’a fait évoluer, progressivement. «Elle avait compris plus vite que moi les injustices, le sort des immigrés, les inégalités sociales…» Ils se sont rencontrés à Gap, où il faisait ses études de commerce. Après deux ans de volontariat en Egypte, ils sont rentrés. Depuis, il cherche du travail, s’est résolu à quitter Marseille pour espérer en trouver. Sa mère dit que l’emploi doit être la priorité du prochain président, car «cela conditionne tout». Romain met plutôt l’éducation en tête, dit qu’il faudra «revenir en arrière», retrouver une partie des postes d’enseignants «démolis». Sa grand-mère cite plutôt «les discriminations».
Ecologistes. Désormais, ils votent tous les trois à gauche. Romain a pris le virage en 2007. «Je pensais encore voter à droite, raconte-t-il, mais j’ai changé d’avis en regardant Nicolas Sarkozy à la télé. Il avait une façon agressive de parler. Je me suis dit qu’il ne pouvait pas être président.» Il a fini par voter Ségolène Royal par peur du scénario de 2002. Sa grand-mère a fait de même, et même si elle doute à présent des qualités de Royal, elle reste indignée du traitement «dégueulasse» que lui ont réservé ses camarades socialistes. L’année prochaine, il se pourrait que plus personne dans la famille ne vote PS au premier tour. Seul Romain hésite un peu. Il penche pour les écologistes, mais trouve DSK «moins démagogique». Sa grand-mère votera Europe Ecologie au premier tour, «et, ensuite, on verra ce qui se passera». Elsa fera de même, mais préférerait retrouver DSK au second tour. Sa mère hausse les épaules : «Il se dit socialiste, mais il ne l’est pas. Il n’a qu’à rester où il est. En plus, quand il revient nous voir, c’est en Porsche !» Sa fille rigole, et lui fait remarquer que Mitterrand «ne se déplaçait pas en 2 CV»
- Olivier Bertrand :  «Comme si l’allégresse de 68 revenait»
Ils y ont cru. Jean-Luc et Catherine font partie de cette génération qui avait foi en l’action politique. Et ils s’en sont donné à cœur joie. Avant Mitterrand, déjà. Et surtout avec lui. En 1981. Ils ont connu l’«allégresse», et l’«enthousiasme». Leurs enfants, eux, nés en 1970 et 1977, n’ont pas cette chance. En trente ans, la confiance vis-à-vis du pouvoir politique s’est ratatinée.
C’est un couple d’intellectuels, complices, branchés sur le monde. Tous les deux sont au CNRS : lui en physique, elle en sociologie. Ils sont parisiens et habitent tout près de la rue Soufflot, qui vit remonter vers le Panthéon, le 21 mai 1981, jour de sa prise de fonction, le nouveau président, rose au poing.
- Jean-Luc et Catherine, chercheurs, se souviennent d’une époque optimiste.
En 1968, ils ont la vingtaine. Catherine, étudiante à Nanterre, savoure le «bouillonnement» d’alors, et s’implique dans les mouvements de femmes. Jean-Luc, lui, s’intéresse aux premières critiques contre la société de consommation. Au début des années 70, ils partent vivre dans le Chili d’Allende : Catherine travaille dans un bidonville jusqu’à leur départ, précipité par la chute du régime. A leur retour dans la France de Pompidou, ils ont eu l’impression de débarquer dans un pays «individualiste» «les idées généreuses perdaient de leur sens». Et où, ajoute Jean-Luc, «le spectacle de la gauche était lamentable». Ils se consolent dans leur ferme de l’Ariège où ils passent du temps en communauté, au milieu des chèvres.
Avec la montée en puissance de Mitterrand, l’espoir revient. «D’abord, avant 1981, tout le monde savait que ce serait lui le candidat, rappelle Jean-Luc. Au moins, la situation était claire.» Ce qui fait une grosse différence avec aujourd’hui. Et puis, poursuit-il, «il a su bâtir un véritable programme». «Il y avait enfin la possibilité de sortir du monopole politique de la droite et de l’immobilisme», se souvient en souriant Catherine. «On a voté Mitterrand sans états d’âme, avec l’impression très forte que le changement était possible», renchérit Jean-Luc. Epoque bénie… et lointaine.
Le 10 mai 1981, un quart d’heure avant l’annonce officielle, ils apprennent les résultats par une copine journaliste. La nouvelle fait le tour de leur zone pavillonnaire de l’Essonne. «Notre fils l’a même annoncé à des voisins de droite.» Quand ils voient qu’un rassemblement est prévu à la Bastille, ils y embarquent leurs enfants. «C’était la fête, tout le monde avait un grand sourire, ça dansait. On entendait : "On a gagné"», raconte Jean-Luc. «On sentait une joie collective, comme si cette allégresse qu’on avait vécue en Mai 68 revenait», analyse aussi Catherine.
Confiance. Sur le moment, ils n’attendent aucune mesure en particulier du nouveau gouvernement. Pas besoin de garanties. Ils le reconnaissent aujourd’hui : c’était un sacré signe de confiance. «Nos enfants peuvent nous trouver naïfs. C’est vrai qu’aujourd’hui les jeunes sont obligés d’avoir une vision d’un monde où les rapports sont plus durs.»
Dans un premier temps, leur enthousiasme n’est pas douché. Jean-Luc, impliqué dans les questions d’énergie, voit enfin «une dynamique lancée» sur cette question dans le milieu de la recherche. Catherine se réjouit de l’abolition de la peine de mort, de l’amélioration des conditions de travail et des nationalisations. De parents instituteurs ou médecin, de grands-parents agriculteurs, petits employés, leurs familles leur ont appris que «le changement, c’était le progrès, donc notre force motrice, c’était ça».
Avec les années, les déceptions sont venues : mauvaise gestion sur l’école, passage à la rigueur et «basculement dans le libéralisme en abandonnant les gens de peu», faiblesse d’anticipation sur l’écologie, impression que le pouvoir politique, «élitiste», reconstitue un «ghetto». En 1988, pour échapper à la droite, après la cohabitation, ils votent à nouveau Mitterrand : un vote «utile, sans euphorie». Mais le candidat Jospin aux échéances d’après (en 1995 et 2002) n’obtiendra pas leur suffrage au premier tour.
Jean-Luc et Catherine ont transmis un «sentiment de responsabilité» à leurs deux enfants (maître de conférence et médecin) qui votent l’un extrême gauche, l’autre à gauche. Le couple, lui, est séduit par les écologistes. «On y croit encore, glisse Catherine, mais…» A l’époque du 10 mai 1981, il n’y avait pas de si, pas de mais.
Présidentielle. Catherine souhaite la baisse des hauts revenus et la revalorisation des salaires de base, la lutte contre les modes de vie polluants, des places en crèche… Ils en parlent avec davantage d’intérêt que des différentes candidatures socialistes pour la prochaine présidentielle. «Il faut promouvoir ces changements sociétaux. Mitterrand a eu la force de construire un programme commun. Aujourd’hui, il faut que le PS et Europe Ecologie passent un contrat pour un gouvernement ultérieur», pense Jean-Luc. Alors, il se laisserait aller à parler d’«enthousiasme». A nouveau.
- Philippe Meirieu,
 "Le début d'une immense espérance"
"J'étais comme beaucoup de gens. J'avais 32 ans à l'époque et je n'imaginais pas que la gauche puisse arriver au pouvoir. Je n'avais jamais connu cela et je ne l'espérais même pas. Ça me paraissait tellement impossible. Et cette surprise extravagante de voir apparaitre le visage de François Mitterrand sur l'écran a été à la fois un choc et le début d'une immense espérance, qui, pour ma part a été déçue trois ans plus tard quand Alain Savary, ministre de l'Education nationale, a été limogé et remplacé par Jean-Pierre Chevènement. J'y ai vu le début d'une trahison forte au regard des idéaux qui étaient les miens dans le domaine éducatif". 
- Pascale Crozon
Ce 10 mai 1981 : "J'ai pleuré"
"A l'époque j'étais conseillère municipale déléguée à la petite enfance à Villeurbanne. Je me souviens qu'on avait beaucoup d'espoir, on avait fait une grosse campagne. Quand est apparu le portrait de François Mitterrand à la télé, j'ai pleuré, et n'étais pas la seule. Depuis 1958, il n'y avait jamais eu de gouvernement socialiste et pour nous c'était un grand espoir, une grande grande joie. Ça été vraiment un moment d'émotion formidable. Après l'annonce des résultats, nous sommes allés fêter ça à la fédération socialiste du Rhône, cours de la Liberté. J'avais peur que le plancher s'effondre tellement les gens étaient nombreux. On dansait. Je crois qu'on ne peut pas imaginer aujourd'hui l'espoir que cette victoire a offert à la France".
- Jean-Louis Touraine
"Cela faisait sept ans que j'espérais"
"Jusqu'à 20h, je n'étais pas totalement sûr et ce n'est qu'une fois que le visage de Mitterrand est apparu totalement sur mon écran que j'ai été soulagé. Cela faisait sept ans que j'espérais. Deux ans plus tôt, j'avais été nommé professeur à l'hôpital Edouard Herriot. Une bonne proportion des personnels étaient conservateurs. J'étais le seul à avoir soutenu publiquement François Mitterrand. Le lendemain du 10 mai, j'ai été surpris par l'ambiance de fin du monde qui y régnait. Ils étaient dans une paranoïa étrange. Les gens racontaient qu'on allait devoir s'expatrier en Argentine et dans d'autres pays d'Amérique latine. Peu d'entre-eux avaient lu le programme et croyaient que le programme du PS était proche de celui du parti bolchévique".
 « Ce 10 mai 81 a été pour moi une faille enfin ouverte dans une chape de plomb. Un espoir inimaginable, incroyable, au sens plein : impossible à croire. Une nouvelle ère s’ouvrait, que Barbara chantera quelques mois plus tard : « Regarde…- quelque chose a changé – l’air semble plus léger – c’est indéfinissable. Regarde… -un homme – une rose à la main – a ouvert le chemin- vers un autre demain. Regarde… – on en a tellement rêvé. » Alors ce qui me reste, c’est la foule amassée à la Bastille, sous une pluie battante, et qui scandait : « Mitterrand, du soleil ! ». Cela a été et reste le plus beau jour de ma vie. »
 « Le 10 mai. Pour un événement ce fut un Événement. Depuis le temps qu’on l’attendait. Effacés les désespoirs liés à chaque échec de chaque élection nationale. Enfin quelque chose qui ressemblait, même si cela semble pompeux,  à de l’honneur retrouvé avec l’alternance. Je votais depuis 12 ans et pour la première fois mon vote était majoritaire. Une majorité de Français et de Françaises faisait confiance à la gauche. Quelle attente toute la journée, quelle angoisse à 20h au moment du dévoilement du portrait du Président, quelle explosion de joie quand c’est le visage de François Mitterrand qui est apparu. La nuit fut blanche, il y avait des rassemblements improvisés partout à Voiron : à l’Hôtel de Ville, à la maison, chez les amis. On allait de l’un à l’autre en riant, en chantant. Le lendemain, une majorité des enfants de ma classe (8 ans) racontait la fête à la maison et déclaraient que quand ils seraient grands ils seraient eux aussi présidents. »
Apis

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