RSA, aides sociales: Wauquiez contre «l'assistanat»
Le ministre des Affaires européennes dénonce «les dérives de l'assistanat» et demande aux bénéficiaires du RSA d'assurer un «service social».
L'objectif est, d'après M. Wauquiez, que ces propositions soient expérimentées avant la présidentielle de 2012, et puissent nourrir le débat de la campagne. A propos du Revenu de solidarité active (RSA), il a réaffirmé qu'en contrepartie «il faut que chacun assume chaque semaine cinq heures de service social». Cela ne représente «pas grand-chose» mais montre que, «en face des droits (...), pour vous il y a des devoirs».
«Nous plaidons pour que ce soit une obligation, et on déposera dans les 10 jours qui viennent une proposition de loi en ce sens», a-t-il indiqué.
Il a évoqué comme possibles missions les sorties d'école, les travaux de nettoyage ou encore «l'accueil de service public».
L'idée trotte depuis quelque temps dans la tête de Wauquiez.Il y a un mois déjà le ministre évoquait déjà l'idée d'expérimenter ce «service social» de 5 heures «dans les départements». «Nous devons prendre garde à ce que le RSA ne se transforme pas en nouvelle prestation d'assistanat», déclarait-il. «Ce n'est évidemment pas une sanction mais un marchepied vers l'emploi», défendait-il encore, appelant à ne pas avoir «la contrepartie honteuse».
«Fausse bonne idée»
La proposition fait bondir, à gauche et dans le milieu associatif.
Présidente de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale, Nicole Maestracci, contactée, dénonce «les arrière-pensées» qui se cachent derrière ces propositions. «Cela stigmatise des gens qui n'ont qu'une envie: retrouver du travail», s'insurge-t-elle.
Au lieu de «dresser une population contre une autre, les classes moyennes contre les plus pauvres», il faudrait, défend-elle, «mettre en place un véritable accompagnement des demandeurs d'emploi, parmi lesquels figurent les bénéficiaires des minimas sociaux».
C'est ce qu'ambitionnait le RSA, «mais la crise est passée par là et Pôle emploi s'est avéré incapable de faire face, note Nicole Maestracci. En guise d'accompagnement renforcé, on a des rendez-vous une fois par mois avec des conseillers débordés», critique-t-elle.
Martin Hirsch, le créateur de ce dispositif, n'a pas souhaité réagir aujourd'hui. Mais dénonçait, mi-avril, une «fausse bonne idée». L'ancien secrétaire d'Etat aux Solidarités actives fulmine : «La dénonciation de l'assistanat, mise en sourdine par la crise, a repris de la vigueur ces dernières semaines. La menace électorale du Front national risque de favoriser une course tête baissée vers des propositions démagogiques, dangereuses parce qu'inefficaces.»
L'ancien Haut commissaire aux Solidarités actives s'élève contre le principe du travail gratuit et craint qu'elle n'instaure une «concurrence déloyale» dans les entreprises. Martin Hirsch estimait aussi, à l'occasion du Forum de Rennes, que «tout travail mérite salaire».
C'est ce qu'il préconise, notamment, dans le courrier qu'il a envoyé à Marc-Philippe Daubresse. Le secrétaire général adjoint de l'UMP a été chargé d'une mission d'évaluation sur le RSA. Une convention de l'UMP sur la justice sociale, doit se tenir début juin. Martin Hirsch espère bien y être invité. Voici son texte :
« Assassinat de L'Assistanat ? Ou Destruction de L'Emploi ?
La dénonciation de l’assistanat, mise en sourdine par la crise, a repris de la vigueur ces dernières semaines. La menace électorale du Front national risque de favoriser une course tête baissée vers des propositions démagogiques, dangereuses parce qu’inefficaces. Elles commencent à fleurir avec le printemps pré-électoral : couper les aides de ceux qui ne travaillent pas, pour les plus radicaux, ou demander une contrepartie sous forme d’intérêt général, mais sans salaire, pour les plus insidieux.
Subit-on une recrudescence de l’assistanat, depuis le début de la crise et l’instauration, concomitante, du RSA ? Non. Certes le nombre de personnes qui ont pour tout revenu le RSA a augmenté pendant la crise de 10%. Mais il est redescendu et, fin 2010, le nombre d’allocataires n’était pas supérieur à ce qu’il était fin 2007. Rappelons que le nombre d’allocataires du RMI, lui, avait augmenté de près de 30% entre 2001 et 2005. Il n’y a donc pas aujourd’hui d’épidémie d’assistanat, qui justifierait une vaccination massive. Ces données sont cohérentes avec la démonstration faite, avant la crise, que dans les territoires où le RSA était expérimenté, la reprise d’emploi était plus fréquente qu’avec le RMI.
Et si le revenu minimum était un facteur important poussant vers l’inactivité, le taux de chômage devrait être nettement inférieur chez les moins de 25 ans, qui n’y ont accès que très marginalement. Or c’est l’inverse que l’on observe. Le fonctionnement du marché de l’emploi est un facteur d’explication bien plus important que l’existence d’un revenu minimum.
Faut-il donc exiger une contrepartie d’intérêt général à ceux qui ont un minimum social ? A première vue, elle semblerait de bon sens. Tant pour des raisons morales (pas de droit sans contrepartie) que pour des raisons humaines, (on est mieux à se sentir utile qu’à n’avoir rien à faire). On comprend qu’elle puisse séduire, et faire son petit effet dans les meetings. Mais, dit comme ça, c’est une fausse bonne idée. Admettons que deux tiers des allocataires du RSA effectuent des taches d’intérêt général, sans salaire, mais en contrepartie de leur allocation. Ils ne coûteraient rien à leur employeur, qui s’empresserait de substituer cette main d’œuvre gratuite aux salariés. Aussi bien dans les collectivités locales, dans les services de l’Etat que dans les associations. Voilà six cent mille personnes qui n’auraient plus d’emploi, pour percevoir le RSA… une vis sans fin, au bout de laquelle on serait tous au RSA. Cette concurrence déloyale serait destructrice d’emploi et aboutirait à ce que les personnes concernées n’acquièrent jamais de véritables droits à la retraite.
Est-ce que cela signifie qu’il n’y a rien à faire ? Non, mais à la condition de respecter un principe simple : tout travail justifie salaire. Rappelons d’abord que désormais, contrairement au RMI les allocataires du RSA sont obligés, sauf problème de santé grave, de rechercher un emploi et d’être inscrit à pôle emploi. C’est une condition que, paradoxalement, nous avons eu du mal à imposer dans un gouvernement de droite…par crainte d’un effet sur les statistiques du chômage. Résultat, alors qu’à peine un tiers des allocataires du RMI étaient inscrits pour chercher du travail, ils sont 97%, selon les dernières statistiques de la CNAF, à être orientés vers pôle emploi.
Les allocataires du RSA, sont aussi, comme les autres demandeurs d’emplois, soumis à l’obligation d’accepter deux offres raisonnables d’emploi. Cette disposition, en vigueur depuis plus de deux ans, a été peu actionnée. Pourquoi ? D’abord, parce que il est rare que deux offres valables d’emplois soient faites à des allocataires du RSA et encore plus rare que ceux-ci les refusent.
Il n’en reste pas moins que certains rétorqueront connaître un voisin, un cousin, un administré, qui semble vivre aux crochets de la société, qui travaille au noir ou qui ne fait aucun effort particulier pour trouver un emploi et qui aurait besoin qu’on l’y incite forcément.
Récapitulons : le nombre d’allocataires du RSA sans activité n’a pas sensiblement augmenté en trois ans. Le taux de chômage n’est pas plus faible avant vingt-cinq ans, à un âge où l’accès au RSA est très restrictif. Les allocataires du RSA, pris en « flagrant délit » d’avoir refusé deux offres raisonnables d’emploi est proche de zéro, alors que 97% des allocataires sont soumis à la règle des droits et devoirs. Et pourtant la situation n’est pas satisfaisante.
Que faire ?
D’abord, sans céder à la tentation, par sincère générosité ou par piètre arrière calcul politicien d’imposer une tache d’intérêt général contre une allocation, il est possible d’utiliser plus largement l’outil conçu pour cela : le contrat unique d’insertion, qui correspond à un vrai contrat de travail, subventionné par la collectivité. Prenons un allocataire du RSA, qui perçoit 440 euros par mois. S’il bénéficie d’un contrat d’insertion à 26 heures, il percevra un salaire de 750 euros auquel s’ajoutent 200 euros de RSA. Le coût de son heure travaillée pour la collectivité sera donc de 5 euros par heure. La logique serait donc, si l’on s’oriente vers les activités d’intérêt général, d’être en mesure le plus souvent possible, de proposer un contrat unique d’insertion. C’est d’ailleurs le sens de la proposition que Xavier Bertrand a eu raison de faire aux conseils généraux. On pourrait tout à fait concevoir de sanctionner les allocataires du RSA qui refuseraient un contrat unique d’insertion, à condition d’avoir respecté le principe du contradictoire, pour ne pas punir à l’aveugle celles et ceux qui auraient de véritables motifs les empêchant de prendre l’un de ces emplois. Ce coût supplémentaire pourrait être transitoirement financé par les excédents du Fonds RSA
Ensuite, il est impératif de réaliser la seconde étape de la construction d’un RSA que nous savons inachevé. Conformément à ce que recommande la Cour des comptes dans son dernier rapport, et qui correspondait à nos intentions initiales, contrecarrées par des oppositions émanant aussi bien de la gauche que de la droite, il faudrait désormais intégrer la prime pour l’emploi dans le RSA et une partie des aides au logement. Co-existent en effet aujourd’hui trois mécanismes de soutien aux bas revenus, qui obéissent à des règles différentes. Le RSA est calculé en fonction des revenus du trimestre précédent, la prime pour l’emploi sur ceux de l’année précédente et les aides au logement sur les revenus de l’année N-2. Ceci rend difficile pour l’allocataire de prévoir les conséquences financières de la reprise d’activité et aboutit parfois encore à des situations inacceptables où les revenus du travail sont annulés par les diminutions de ces aides mal combinées. C’est une réforme qui n’est pas très « sexy » à faire, parce qu’elle concerne des aides peu connues, complexes, mais elle est essentielle si l’on veut sincèrement réhabiliter la valeur travail. Mensualiser le calcul de cette prestation unique serait également une amélioration sensible. Les données 2010 révèlent un phénomène important et méconnu. Si, au 31 décembre, ils étaient 600 000 à percevoir le RSA en complément d’un salaire, plus d’un million de personnes avait au cours de l’année transitoirement bénéficié du RSA avec un revenu. Ceci montre l’intérêt du rsa pour atténuer les conséquences de trajectoires précaires entre le travail et le non emploi.
Enfin, il faut bien évidemment améliorer le suivi des allocataires du RSA. C’est là probablement son talon d’Achille. Auparavant, le service public de l’emploi ne s’occupait que très peu des allocataires du RMI. La plupart des départements avaient mis en place des politiques d’accompagnement vers l’emploi. En obligeant le service public de l’emploi à prendre en charge les allocataires nous pensions améliorer leur lien à l’emploi. Ceci a été contrarié par deux phénomènes. D’un côté, cette réforme est intervenue au moment où Pôle emploi devait à la fois gérer sa fusion et faire face à une violente montée du chômage, saturant ses capacités d’accompagnement. De l’autre, les départements ont souvent profité de cette réforme pour se désengager des actions qu’ils avaient conduites, pour récupérer des marges financières pour faire face à d’autres dépenses sociales en forte expansion, comme l’allocation pour personnes âgées, considérant que l’Etat avait transféré sur eux depuis plusieurs années des charges mal compensées. Le résultat est que les allocataires ne sont pas autant accompagnés vers l’emploi qu’ils devraient l’être si l’Etat et les départements, ainsi que les régions pour la formation professionnelles, conjuguaient mieux leurs efforts.
Nul ne souhaite une société d’assistés, c'est-à-dire de personnes qui renoncent à travailler parce qu’elles dépendent d’aides sociales qui se substituent au travail. Mais les solutions simplistes, qu’elles relèvent du slogan facile ou qu’elles s’appuient sur de bonnes intentions, aggraveraient les problèmes. Qu’en revanche on propose un contrat unique d’insertion, aux allocataires du RSA en mesure de travailler et qu’on sanctionne les refus non justifiés. Si ces refus sont nombreux, il sera alors temps de faire le procès de l’assistanat, avec de vrais arguments. »
Martin Hirsch
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