Comment ne pas voir que notre société traverse une crise économique et sociale majeure ? Le constat est là : le chômage persiste et l'inégalité est criante entre ceux qui ont un emploi stable et ceux à qui sont réservés les emplois précaires et sous-rémunérés, en particulier les jeunes.
Nous sommes incapables d'intégrer les enfants des cités où nous avions installé leurs parents qui ont été si utiles à notre économie.
Nous le sommes tout autant à affronter la mondialisation autrement que par la pression exercée sur les salariés aujourd'hui transformés en simple variable d'ajustement.
Nous nous soumettons à la financiarisation d'une économie qui exige des résultats à deux chiffres, alors que la croissance connaît une quasi-stagnation.
Nous fermons les yeux sur l'échec d'un système éducatif qui renforce les inégalités dues à la naissance plus qu'il ne les corrige.
Nous ne nous insurgeons pas lorsque les prix de l'immobilier interdisent à des familles de se loger décemment…
Comment ne pas voir que notre société traverse une crise politique grave ? Une crise liée à la perte progressive des repères de nos concitoyens. Une crise marquée par l'incapacité de nos dirigeants à concevoir notre système social et nos services publics autrement qu'au travers d'une logique comptable, uniquement destinée à redresser nos finances publiques.
Cela, tandis que nous attendons toujours plus de l'Etat, en refusant chacun de payer plus.
Une crise qui fait de l'Europe un problème au lieu d'en faire un espace d'élaboration commune. Une crise qui se traduit par la place démesurée accordée par les médias aux stratégies de conquête du pouvoir au détriment du débat sur les enjeux. Un terreau sur lequel prospèrent les discours truffés de solutions simplistes, alors même que nous devons faire face à la complexité.
Comment, enfin, ne pas voir que notre société traverse une crise morale profonde ? Des hommes perçoivent des rémunérations qui n'ont plus rien à voir avec la richesse qu'ils auraient contribué à créer, alors que le blocage des salaires ne permet pas de faire face à l'inflation et crée des bataillons de travailleurs pauvres. Nous voulons une planète propre, mais nous ne sommes pas pour autant prêts à renoncer à un mode de vie et de consommation qui détruit à petit feu celle que nous laisserons à nos enfants et nos petits-enfants.
De plus en plus de nos concitoyens sont marginalisés, inquiets, découragés.
Cependant des résistances s'organisent, les initiatives se multiplient, des utopies créatrices ouvrent de nouvelles voies. Et lorsque des hommes aspirant à la liberté se lèvent au-delà de la Méditerranée, ils rencontrent notre soutien. Et ils nous amènent à nous reposer la question de l'avenir et de l'exemplarité de nos démocraties.
Dans un an, se déroulera l'élection présidentielle. Elle donnera lieu à de nombreux débats. C'est l'occasion d'aborder, en citoyen responsable, les défis auxquels nous sommes confrontés.
Relever ces défis nécessite une autre vision de l'économie, un autre regard sur la société et ses acteurs, une autre manière de faire la politique, une autre éthique de la responsabilité, mais aussi un autre comportement de notre part.
INVENTER AVEC TOUS UN FUTUR DÉSIRABLE PAR TOUS
C'est parce que nous avons la conviction que la société civile peut et doit faire entendre sa voix en se rassemblant, que nous lançons aujourd'hui un appel à tous ceux qui souhaitent résister aux dérives de notre société, que nous les invitons à inventer ensemble une démocratie qui privilégie le civisme, c'est-à-dire le respect et l'attachement citoyen à la collectivité et au bien commun. Nous les invitons à inventer avec tous un futur désirable par tous.
Nous savons que ce futur sera exigeant et que les recettes appliquées d'en haut ne suffiront pas. Elles n'aboutiront à rien si elles ne s'accompagnent d'un triple changement de comportement : celui de nos dirigeants politiques et de leurs pratiques institutionnelles, sans aucun doute ; mais le nôtre également, celui de chacun d'entre nous ; et enfin, celui des organisations dont le fonctionnement se déshumanise progressivement.
Il est grand temps de se mobiliser pour un pacte civique fondé sur les impératifs de créativité, sobriété, justice et fraternité. Nous y sommes prêts, car nous croyons qu'il y a urgence.
Et à cette fin, nous convions les citoyens et les hommes politiques, et en particulier ceux qui aspirent aux plus hautes fonctions, les chefs d'entreprise et les syndicalistes à réfléchir avec nous aux 32 engagements du pacte civique.
Claude Alphandéry, Dounia Bouzar, François Chérèque, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delors, Jean-Baptiste de Foucauld, Patrick Viveret
Claude Alphandéry, président du Conseil national de l'insertion par l'activité économique ;
Dounia Bouzar, anthropologue ;
François Chérèque, secrétaire général de la CFDT ;
Jean-Paul Delevoye, ancien Médiateur de la République ;
Jacques Delors, ancien ministre de l'économie et des finances ;
Jean-Baptiste de Foucauld, haut fonctionnaire ;
Patrick Viveret, philosophe.
Les 32 engagements sont consultables sur www.pacte-civique.org
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