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vendredi 20 mai 2011

Resistance citoyenne aux Glières...

La résistance citoyenne mobilise aux Glières
Stéphane Hessel mais aussi des caissières en grève ou l’avocate tunisienne Radhia Nasraoui : grands Résistants d’hier et citoyens militants d’aujourd’hui, ils étaient plusieurs milliers réunis samedi 14 et dimanche 15 mai sur le plateau des Glières, en Haute-Savoie. Comme chaque année depuis 2007, ils ont défendu les principes fondateurs du Conseil national de la Résistance.
Evidemment, il y avait la possibilité de rebrousser chemin, de ne pas monter, dimanche, dans la fraîcheur et les flocons de neige, à 1400 mètres d’altitude sur le majestueux plateau des Glières, en Haute-Savoie, pour écouter des paroles de Résistants d’hier et de militants d’aujourd’hui. De quel poids médiatique pouvaient bien peser les caissières d’Ed d’Albertville, en grève contre le travail le dimanche, ou même les souvenirs émus de Pierre Pranchère, résistant communiste à quinze ans dans le maquis corrézien, face à la déferlante DSK qui arrivait comme une onde de choc de New York ? Dès l’aube, France 2 avait déjà choisi : elle rapatriait son équipe des Glières vers Lyon « au cas où » le maire strauss-kahnien Gérard Collomb ferait une déclaration à mettre en boite pour le « 20 heures »… Ce qu’il ne fit pas. Résultat, pas de plateau des Glières, hier, pour le « 20 heures ».
Comme chaque année depuis 2007, une petite association savoyarde, aussi têtue en cette Savoie UMP qu’un village d’Asterix, résiste pourtant, avec ses maigres moyens et l’énergie de ses cinquante bénévoles, à la « récupération » par Nicolas Sarkozy du plateau des Glières, symbole de la résistance des maquisards en 1944. Le président de la République en a fait son lieu de pèlerinage annuel. Chaque printemps, avant ou après sa visite, l’association Citoyens Résistants d'hier et d'aujourd'hui convie donc de grands Résistants d’hier et des citoyens militants d’aujourd’hui à se retrouver autour des Jours heureux, titre romantique du prophétique programme du Conseil national de la Résistance (CNR) de mars 1944. Un programme très à gauche, adoubé par la droite républicaine et gaulliste comme par les communistes, qui dessinait les contours de la France d’après-guerre. Celle de la sécurité sociale, des nationalisations et des grands services publics.
Samedi 14 mai, à l’occasion de ce rassemblement des Glières, Stéphane Hessel (l’auteur d’Indignez-vous !), Raymond Aubrac, Daniel Cordier (l’ancien secrétaire de Jean Moulin), le syndicaliste Georges Séguy et encore une douzaine d’anciens grands Résistants et Résistantes ont publié un appel tourné résolument vers l’avenir : à l’orée des élections présidentielles et législatives de 2012, ces grands anciens demandent aux candidats de ne pas oublier les acquis du programme du CNR, « qui constitue toujours un repère essentiel de l'identité républicaine française ». Le texte exhorte notamment les candidats à « reconstituer les services publics et institutions créés à la Libération pour aller vers une véritable démocratie économique et sociale », à « renforcer la démocratie parlementaire au détriment de notre régime présidentiel personnalisé » et à « assurer à nouveau la séparation des médias et des puissances d’argent ».
Dans l’assistance, un Nantais de 51 ans, Luc Douillard, mesurait le chemin parcouru. L’histoire est peu connue mais c’est ce prof d’histoire dans un lycée professionnel et ses quelques copains libertaires de l’association « Nantes est une fête » qui ont remis dans le débat public, en 2004, le programme du CNR. Avec le concours de l’association altermondialiste Attac, ils ont organisé un colloque pour le 60e anniversaire du programme et fabriqué, avec treize Résistants, cette vidéo qui a circulé depuis sur le net.
Luc Douillard, l’auteur de cet appel boudé en 2004 par Le Monde comme par Libération, savoure sa revanche, sans se départir de son humour critique : « C’est pas si bien écrit, ce sont des phrases un peu longues… » Trois ans après ce premier appel, l’association Citoyens Résistants d’hier et d’aujourd’hui a donc pris le relais avec l’idée du rassemblement au plateau des Glières. Puis est né un film,Walter , « retour en résistance » un portrait du résistant Walter Bassan réalisé par Gilles Péret, tous deux animateurs du rassemblement des Glières. Puis encore un livre, tiré à plus de 17 000 exemplaires, Les Jours heureux (1). Le succès phénoménal d’Indignez-vous ! (2,2 millions d’exemplaires) a pris sa source lui aussi en Haute-Savoie puisque les éditeurs d’Indigène, Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou, ont eu l’idée de ce livre après avoir eu vent de l’intervention de Stéphane Hessel, en 2009, sur le plateau des Glières.
« Les idées sont faites pour être reprises », se réjouit sincèrement Luc Douillard, qui a largement contribué à lancer le mouvement, même si son association nantaise, méconnue, est un peu « le passager clandestin » de cette aventure qui a remis sur le devant de la scène les principes fondateurs de la France de l’après-guerre.
Construire un « nouveau programme de la Résistance pour notre siècle », comme essaient de s’y atteler depuis quelques mois les Citoyens Résistants d’hier et d’aujourd’hui est en revanche une autre histoire. La question de l’Europe et bien d’autres lignes de fracture divisent cette mouvance militante des Glières, qui va du centre gauche à la gauche radicale. En conférence de presse, les grandes figures de la Résistance se sont d’ailleurs un peu écharpé, samedi 14 mai, sur l’Europe, l’euro et la nécessité – ou non – d’en sortir.
Mais dimanche 15 mai, les flocons de neige n’ont pas fait fondre l’enthousiasme. Les papys de la résistance et leur inaltérable soif d’idéal ont une fois encore remonté le moral des jeunes générations. « On me dit souvent, de votre temps, c’était simple, on savait contre qui résister. Mais aujourd’hui ? » rapporte Stéphane Hessel, par ailleurs titillé par le public pour son engagement en faveur de Nicolas Hulot. « Résister contre quoi ? C’est moins compliqué qu’on ne le croit. Le programme de 1944 se battait avec clarté contre les féodalités économiques, pour la liberté de la presse, etc. Ces valeurs du CNR ne sont toujours pas respectées aujourd’hui. Ajoutez à cela la dégradation de la planète et les injustices dont sont responsables les grandes puissances économiques, qui ne recherchent que le profit, et vous retombez aujourd’hui sur les mêmes valeurs fondamentales que celles pour lesquelles nous nous sommes battus. »
Thierry Leclère
(1) Les Jours heureux (le programme du Conseil National de la Résistance de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition), un livre de l’association Citoyens Résistants d’hier et d’aujourd’hui, éd. La Découverte, qui vient de sortir en poche.

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