L'eau, noyée dans les changements climatiques
Il y a un an, l'attention internationale s'est focalisée sur la conférence de Copenhague. Les chefs d'Etat étaient censés atteindre un accord global sur le climat. Bien que cette rencontre n'ait pas rempli toutes les attentes, elle a au moins eu le mérite d'offrir un cadre politique aux négociations qui ont continué tout au long de l'année. Des décisions devront être prises à Cancún, pour préparer la voie au cadre climatique de l'après 2012.Le changement climatique est souvent synonyme de réchauffement. Pourtant, ses conséquences les plus sévères portent sur les cycles naturels de l'eau. Selon l'IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change), l'eau est le premier élément des mutations climatiques ressenti par les populations et l'environnement. Les cycles de précipitations sont perturbés : les périodes de sécheresse prolongées assèchent les sols, entraînant inexorablement dégradation des terres et désertification. La fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes et des catastrophes naturelles liées à l'eau, inondations ou glissements de terrain, augmente. L'état des océans est également préoccupant. Bref, le changement climatique peut se résumer en un mot : l'eau.
L'eau est indispensable à la survie et à la santé des êtres vivants, à la préservation des écosystèmes et au développement économique et social. Il est par conséquent impératif de reconnaître l'accès à l'eau potable et à l'assainissement comme un droit humain. C'est une ressource renouvelable, mais limitée. L'eau douce représente moins de 3 % de l'eau sur terre.
En outre, comme les pays du Green Group en sont l'illustration, les ressources aquatiques sont inégalement reparties à travers la planète. Le Costa Rica, l'Islande et la Slovénie en possèdent en abondance, tandis que le Cap Vert et les Emirats arabes unis font face à la pénurie et que Singapour dispose de surfaces de réserve limitées, malgré la pluie abondante qu'il reçoit.
Il y a peu de chose au monde qui soit plus précieux que l'approvisionnement suffisant en eau potable. Hélas, les perspectives sont sombres ; selon l'ONU, plus de 2,8 milliards d'humains seront soumis au stress hydrique en 2025. Evidemment, cette situation n'est pas due au seul climat mais aussi aux pressions, démographiques ou économiques, de l'homme. Du côté de l'approvisionnement, les ressources aquatiques disponibles diminuent du fait de pollution, de la dégradation des écosystèmes d'eau douce, de l'urbanisation incontrôlée et du changement d'affectation des terres.
Comprendre le lien entre l'eau et le climat est décisif pour mener une adaptation efficace. L'évolution climatique pèsera surtout sur les pays et les communautés déjà soumis au stress hydrique. La vulnérabilité n'est pas prédéterminée par les différences économiques ou régionales comme la division Nord-Sud. La résilience sociale n'est qu'un autre terme pour désigner l'imagination et la créativité humaines infinies qui ont développé les systèmes d'irrigation et les politiques d'économie d'eau.
L'eau a en outre la capacité d'atténuer le réchauffement. Source d'énergie propre, l'hydro-électricité peut remplacer les carburants fossiles pour réduire l'émission des gaz à effet de serre. De plus, les écosystèmes aquatiques, notamment les zones humides, fonctionnent comme des puits de carbone, tout comme les forêts.
L'EAU NÉGLIGÉE
Malgré tout cela, les pourparlers sur le climat donnent parfois l'impression de négliger son importance. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ne se réfère qu'une seule fois à la gestion de l'eau dans le cadre de l'adaptation aux changements climatiques. De même, le Bali Action Plan ne mentionne sa gestion qu'implicitement. L'eau est également absente de l'accord de Copenhague.
Traditionnellement, c'est autour de la fontaine que les gens se réunissent ; elle encourage dialogue, réconciliation et vie commune. Alors que les pourparlers en cours devraient consacrer plus d'attention au lien complexe entre l'eau et les mutations du climat, notre action ne devrait pas s'arrêter à la table de négociation. Passé et présent, local et global sont inextricablement liés. La gestion de l'eau devrait être au cœur des actions climatiques et les pays encouragés à prendre des mesures ambitieuses pour préserver et gérer les ressources aquatiques, pour les intégrer pleinement dans leurs plans nationaux. De même, il faut agir à plus large échelle : les stratégies régionales sont importantes du point de vue politique, économique et environnemental, surtout au sein des bassins fluviaux transfrontaliers.
La question de l'eau figure bien sur l'agenda international, mais elle est souvent noyée dans sa complexité. Il est de notre responsabilité collective de la mettre en évidence. Les forums comme celui du secrétaire général de l'ONU – High Level Panel on Global Sustainability – ont un rôle à jouer. Mais les pourparlers climatiques pourraient se concentrer plus sur les possibilités qu'offre une meilleure gestion de l'eau. En pleine conférence de Cancun, les pays du Green Group souhaitent attirer l'attention sur cette ressource essentielle entre le progrès économique et la durabilité environnementale. L'eau coule à travers les vases communicants du développement humain, c'est l'élément crucial de toute action sur le climat.
Jose Brito, ministre des affaires étrangères (Cap Vert) ;
René Castro Salazar, ministre des affaires étrangères et de la Religion (Costa Rica) ;
Össur Skarphéðinsson, ministre des affaires étrangères et du Commerce extérieur (Islande) ;
George Yeo, ministre des affaires étrangères (Singapour) ;
Samuel Žbogar, ministre des affaires étrangères (Slovénie) ;
H. H. Sheikh Abdullah bin Zayed Al Nahyan, ministre des affaires étrangères (Emirats arabes unis).
six ministres des affaires étrangères (Cap Vert, Costa Rica, Islande, Singapour, Slovénie, EAU)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire