Le logement est un des grands scandales français.
Nous sommes dans une situation aussi paradoxale que scandaleuse.
Il manque 3 millions de logements selon la Fondation Abbé Pierre.
18 Millions de français sont en dessous du « seuil de pauvreté ».
Le paradoxe est qu’alors que la puissance publique consacre des sommes gigantesques au financement des aides personnelles au logement - 14,7 milliards d’euros en 2008, soit 6% des recettes fiscales nettes de l’Etat- qui vont directement dans les poches des propriétaires.
Alors que le pays continue à s’enrichir, les classes populaires et moyennes doivent consacrer une part toujours croissante de leur revenu à ce besoin élémentaire, dont le prix devient prohibitif sous l’effet de la spéculation immobilière. L’accès au logement, en particulier dans les grandes villes, ne cesse de se dégrader. Ceux qui, parmi les classes populaires, n’ont pas accès au parc social, connaissent la précarité des mal-logés. Les classes moyennes sont chassées des centres-villes. Une fraction croissante des étudiants vit dans la pauvreté. Et partout, la ségrégation sociale et l’exclusion urbaine progressent.
Pour comprendre ce paradoxe, il est bon de revenir à un raisonnement économique élémentaire. Dans une ville comme Paris et d’ autres villes, l’offre de logements locatifs est rigide et quasi insensible aux variations du prix des loyers. Dans une situation extrême d’offre complètement rigide, le seul effet des aides aux logements est d’accroître le prix des loyers et les profits de propriétaire sans aucun bénéfice pour le pouvoir d’achat des locataires. Dans ce cas, les subventions publiques sont versées en pure perte.
Alors même que l’insuffisance de l’offre est la cause majeure de la crise du logement, les financements publics sont complètement déséquilibrés au bénéfice des aides personnelles au logement. La subvention publique à la construction de logements HLM n’est que de 500 millions d’euros, soit seulement 3,6 % du financement des aides personnelles au logement. L’efficacité de l’action publique imposerait de rediriger les financements en faveur de l’accroissement du parc social, soit par la construction, soit par l’achat de logements et leur conversion en logements sociaux. La combinaison de l’accroissement de l’offre et de la réduction de l’effet de subvention au prix des loyers du système actuel devrait entraîner une baisse des loyers du parc privé et une réduction de la ségrégation urbaine.
Pourquoi une telle inflexion de la politique du logement n’est-elle pas davantage débattue ? La lecture des rapports successifs de la Cour des comptes sur les aides au logement permet d’en comprendre une partie des raisons. Dans ses rapports, la Cour est très préoccupée de savoir si les aides sont bien allouées en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, par exemple aux étudiants boursiers. En revanche, l’effet des aides sur le prix des loyers n’est jamais discuté comme si la fluctuation des prix était insensible aux aides publiques. Quand 20 % de la population française bénéficient des aides personnelles au logement et que les rigidités d’offres dans les grandes villes sont patentes, l’hypothèse d’absence d’effet sur les prix des loyers semble difficile à justifier. Et même sans décotiquer les incidences, une simple enquête permettrait de se convaincre que les propriétaires répercutent bien l’aide personnelle au logement quand ils fixent loyers.
En ville, l’insuffisance de l’offre est également liée à l’existence d’un stock important de logements vides. Les outils de taxations disponibles sont bien trop timorés pour attaquer ce problème. La taxe sur les logements vacants est fixée plus ou moins au niveau de la taxe d’habitation si bien que l’effet dissuasif est quasiment nul. Pour un particulier qui accepte le coût d’opportunité d’avoir un logement vide pendant toute ou presque toute l’année, le coût de la taxe sur les logements vacants est simplement négligeable.
Pour avoir un effet véritablement dissuasif, deux mesures seraient nécessaires. La première serait de taxer les détenteurs de logement vacant sur la base de la valeur locative théorique de leur logement. (Un propriétaire d’un appartement vide de 80m2 à Paris, louable pour 2 500 euros, ben oui, serait taxé sur une base de revenus annuels de 30 000 euros). La deuxième serait l’instauration d’un taux de plus-value nettement plus élevé lors de la revente d’appartements vacants.
La crise du logement en France n’est pas une fatalité. La politique actuelle tout entière tournée vers le soutien de la demande, alors que le véritable problème se situe du côté de l’offre, est largement inefficace. Son effet principal est de supporter les hausses de loyers et d’enrichir les propriétaires. En revanche, la redirection des mêmes moyens budgétaires en faveur de l’extension du parc social et l’introduction d’outils fiscaux véritablement incitatifs pour réduire le nombre de logements vacants sont en mesure de régler une bonne partie de la crise du logement.
Les grandes villes sont le lieu d’un mécanisme d’exclusion silencieux et implacable, qui chasse toujours plus loin les citoyens les moins favorisés, condamnés à passer des heures dans les transports, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur la pollution et les émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère, du temps perdu et des réduction des temps de loisir, éducatifs. De s’occuper des vieux et des voisins...de s’engager dans le tissu associatif voire politique. La dépossession de tout pouvoir de gérer sa vie simplement. Ceux qui s’en échappent vont bientôt se faire cueillir par la lio LLOPSI 2 et les préfets aux ordres.
Les béats du laissez-faire libéral comptent que l’augmentation des prix engendrera une offre plus abondante qui permettra d' assouplir (?) le marché. De laisser la libre spéculation. Mais dans les centres villes où la construction est par nature limitée, la régulation par le marché n’est qu’une chimère destinée avant tout à protéger les intérêts des propriétaires et des professionnels de l’immobilier. Sans intervention vigoureuse de la puissance publique, l’apartheid urbain continuera de se développer. Taxation des logements vides, blocage de certains loyers (pour les petites surfaces, par exemple), programmes volontaristes de construction,… on doit discuter de toutes les possibilités avec les habitantes et les habitants. Mais face à un marché défaillant ou trop injuste, l’abstention de la collectivité s’apparenterait à un abandon. Ou à une désertion. Seul une démocratie participative peut permettre de toucher du doigt les vrais problèmes de la population, de contourner les lobbies du BTP, et de satisfaire les besoins élémentaires d’un nombre croissant de personnes, sachant qu il s’agit aussi d’un des droits fondamentaux des Droits de l’Homme.
Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme
(10 décembre 1948)
1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.
Claude Veyret pour APIS
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