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samedi 4 décembre 2010

L'autre histoire....


Patrice Emery Lumumba, figure emblématique du patriotisme congolais et africain, sera exécuté à Elisabethville [ex-Congo belge] le 17 janvier 1961, quelques mois après sa nomination au poste de premier ministre. Tous les pays Occidentaux présents au Congo, Belgique, USA via la CIA, France, l’Onu ont intérêt à éliminer physiquement un jeune homme au charisme irrésistible qui trimballe pour seul défaut, rédhibitoire, son amour immodéré pour son pays trop riche pour être indépendant, son refus de la domination post-coloniale et de l’injustice. Par dessus tout, Lumumba croit fermement en l’Afrique en sa victoire sur les forces liberticides.

Le temps passant ce leader associé aux grandes figures résistantes modernes des Nkrumah, Um Nyobe, Olympio, etc. est devenu une icône, une référence d’anticolonialisme, de cet engagement jusqu’au sacrifice de sa vie. Les politologues s’entretiennent désormais sur la dimension tacticienne du combat de Lumumba, déplorant pour certains, une précocité de son action anti-colonialiste, face à un rapport de force défavorable. Il est heureux que l’héritage de Lumumba serve non pas pour inaugurer les chrysanthèmes, mais fructifie un nouveau capital politique en formation.

Le discours d'indépendance de Lumumba Patrice Lumumba, 30 juin 1960

Le 30 juin 1960, lors de la cérémonie de l'indépendance du Congo, le roi Baudouin de Belgique prononce un discours paternaliste (1) et Kasavubu un discours d'allégeance, mais Lumumba avait préparé un discours qu'il prononcera lui aussi sans tenir compte du protocole qui ne l'avait pas prévu.
A la suite des révoltes populaires de janvier 1959, le roi Baudouin avait promis une indépendance rapide. Les élections auront lieu dès mai 1960. Bruxelles pensait pouvoir faire élire des politiciens congolais favorables au colonisateur mais l'alliance des partis nationalistes autour de Patrice Eméry Lumumba obtient la majorité à la Chambre (71 sièges sur 137). Au Sénat, par contre, l'alliance lumumbiste manque la majorité de 2 sièges car, selon la loi électorale, 23 des 84 sièges sont réservés aux chefs coutumiers qui restent en majorité favorables au colonisateur. Lumumba est donc obligé d'accepter un gouvernement de coalition. Son rival Kasavubu, qui dirige l'Abako devenue Alliance des Bakongo, devient Président tandis que Lumumba sera Premier ministre.
A l'heure de la commémoration des indépendances de 1960, il n'est pas inintéressant de revenir aux textes. Le discours de Lumumba a marqué l'Histoire.

- "Congolais et Congolaises, Combattants de la liberté aujourd'hui victorieux, je vous salue au nom du gouvernement congolais.
- À vous tous, nos amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants.
- Cette indépendance du Congo, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c'est par la lutte qu'elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle, nous n'avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.
- Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable, pour mettre fin à l'humiliant esclavage qui nous était imposé par la force.
- Ce fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste ; nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire, car nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers.
- Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des "nègres".
- Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même.
- Nous avons connu qu'il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des paillottes croulantes pour les Noirs,
- Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d'injustice, d'oppression et d'exploitation.
- Nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l'oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut : tout cela est désormais fini.
- La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants.
- Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur.
- Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail.
- Nous allons montrer au monde ce que peut faire l'homme noir lorsqu'il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l'Afrique toute entière.
- Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants.
- Nous allons revoir toutes les lois d'autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles.
- Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l'assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu'elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu'elle soit.
- Ainsi, le Congo nouveau que mon gouvernement va créer sera un pays riche, libre et prospère.
- Je vous demande à tous d'oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l'étranger.
- Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise.
- L'indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain.
- Notre gouvernement fort - national - populaire, sera le salut de ce pays.
- J'invite tous les citoyens congolais, hommes, femmes et enfants de se mettre résolument au travail, en vue de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique.
- Hommage aux combattants de la liberté nationale !
- Vive l'Indépendance et l'Unité africaine !
- Vive le Congo indépendant et souverain !"

Patrice Lumumba, 30 juin 1960

1. Le roi des Belges s'était exprimé en ces termes : "L'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'œuvre conçue par le génie du roi Léopold II. (…) L'Afrique et l'Europe se complètent mutuellement. Je souhaite que le peuple congolais conserve et développe le patrimoine des valeurs spirituelles, morales et religieuses qui nous est commun."

Testament politique et Adieu émouvant. La dernière lettre de Lumumba à sa femme Pauline, écrite en prison en décembre 1960, nous rapproche d’un leader terriblement humain, dans la pudique tendresse de ses mots à la mère de ses enfants, en même temps, d’une quintessence au dessus du commun des mortels. Celle de celui qui va vers le sacrifice de sa vie, avec dignité et cran, pour une cause qui dépasse les existences individuelles, la sienne au premier, et qu’il voit triompher un jour. Ce jour où l’histoire se souviendra de lui.

« Ma compagne chérie,

Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations-unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu. Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance.

Que pourrai je dire d’autre ?

Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir. Mais ma foi restera inébranlable. Je sais et je sens au fond de moi même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur.

Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. A mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité, et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres.

Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté.

Vive le Congo ! Vive l’Afrique !

Patrice Lumumba »

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