Cantona, Assange, Thoreau et la désobéissance civile.
La désobéissance civile est née d’un acte isolé : celui de l’Américain Henry David Thoreau décidant, en 1846, de ne pas payer ses impôts pour signifier qu’il retirait son adhésion à un Etat qui tolérait l’esclavagisme et menait une guerre à ses yeux injuste contre le Mexique.
( photo : le démontage de caméras de surveillance à Grenoble lors d' une manifestation publique)
En 1879, une avocate française et militante féministe, Hubertine Auclert, utilisa le même moyen pour marquer son refus de l’inégalité faite aux femmes et obtenir leur droit de vote. Depuis lors, la désobéissance est devenue une forme d’action politique défendant le principe même la démocratie : le respect de la voix de chaque citoyen et de son droit à exercer son contrôle sur l’action des gouvernants. Mais ce qui la rend suspecte est le mode un peu sauvage sur lequel elle revendique ce respect et ce droit.
Aujourd’hui, cette revendication sauvage dénonce la confiscation du pouvoir par une élite méprisante et appelle les citoyens à le récupérer. Elle est portée par deux individus, dont les initiatives intempestives suscitent plus de sarcasmes et de condamnations que d’éloges : Julian Assange et Eric Cantona. Ces initiatives ne se présentent pas comme des actes de désobéissance civile. Pas plus qu’elles ne sont le fait d’une personne isolée.
WikiLeaks est une organisation qui a inventé une nouvelle forme de vigilance en ouvrant ses réseaux afin de lever le secret dans lequel les puissants prennent des décisions qui déterminent la vie des citoyens du monde. ulien Assange en est le porte-parole. Et si Eric Cantona a émis l’idée de retirer massivement l’argent déposé dans les banques, l’écho que ses propos ont rencontré tient au fait qu’ils ont été repris et diffusés par des individus qui ont monté un réseau Internet relayant une «initiative citoyenne» de niveau mondial.
Il n’est pas question de comparer Assange et Cantona à Thoreau, Gandhi, Martin Luther King ou Nelson Mandela. Mais comment nier que leurs initiatives ont cela de commun avec la désobéissance civile qu’elles montrent qu’on peut rompre avec un ordre institué qui dépossède le citoyen de sa capacité à peser sur la définition de son destin.
Certes, retirer son argent des banques n’est pas une solution ; certes le rêve de la transparence absolue est un cauchemar totalitaire ; certes une partie de la politique et de la diplomatie requiert le secret ; certes les mensonges des dirigeants font partie de la règle du jeu. Mais contre ces évidences dictées par le conformisme, l’appel sauvage de la désobéissance affirme que rien ne permet de justifier le fait de mettre les gens à l’écart des choses qui les concernent.
Et cette voix indocile redit obstinément que le politique est l’affaire de tous et pas uniquement celle des gouvernants. La démocratie est certainement plus menacée lorsque ceux-ci réclament des «droits fondamentaux de l’Etat» que lorsque les citoyens exigent celui de s’occuper de ce qui les regarde.
ALBERT OGIEN, Sociologue, directeur de recherche au CNRS
Auteur, avec Sandra Laugier, de «Pourquoi désobéir en démocratie ?» La Découverte, 2010.
____________________________________
RépondreSupprimer☮ 911 La Super Boum à €5.
On January 9, 2011.
Cantona UN Jour, Cantona Toujours.
____________________________________