Incinérateur de Gilly-sur-Isère : un tribunal transformé en théâtre de l'absurde Avant l’ouverture du procès lié à l’incinérateur le 29 novembre, le Cniid demandait dans un communiqué de presse qu’un procès « juste et équitable » ait enfin lieu pour faire la lumière sur les responsabilités qui ont amené à cette pollution majeure en dehors de tout respect de la réglementation.
Malgré la faiblesse des enjeux au regard de la catastrophe sanitaire provoquée, les associations attendaient à minima que la justice se prononce sur la chaîne des responsabilités entre exploitant, syndicat et administration. Ce ne sera même pas le cas : face au refus d’entendre comme témoins l’ancien préfet et l’ancien président du syndicat de traitement (sans parler de l’avalanche d’attaques personnelles et de bassesses en tous genres entendues lundi de la part des avocats des prévenus), les parties civiles et leur avocat Maître Thierry Billet ont quitté la salle du tribunal après moins de trois heures d’un procès qui devait durer deux jours.
L’industriel Novergie qui a continué à exploiter cette usine en dehors de toute considération environnementale sera peut-être condamné (notamment pour dissimulation d’une analyse, découverte plus d’un an après la fermeture de l’usine, dépassant 13 000 fois la norme actuelle) mais il manquera définitivement d’autres personnes dans le box des accusés. Une simple amende de 200 000 euros a été requise contre la filiale de Suez.
La farce ubuesque aura été jusqu’à son épilogue.
Pour les victimes, ce n'est pas "le passé"
Le 29 et 30 novembre a lieu, au Tribunal correctionnel d’Albertville, le procès lié à la plus importante pollution connue en Europe liée au fonctionnement d’un incinérateur de déchets : l’affaire de Gillysur-
Isère. Le syndicat local de traitement et l’exploitant de l’époque (Novergie, filiale de Suez) sont visés dans ce procès.
Le Cniid sera présent à Albertville pour apporter son soutien aux victimes de cette pollution associée jusqu’à ce jour à l’impunité dont ont bénéficié les responsables..
Dans ce feuilleton « politico-judico-sanitaire » qui dure depuis la fermeture de l’incinérateur en 2001, les entraves au bon déroulement de la procédure ont été nombreuses. S’y est ajoutée la prise en compte d’études sanitaires locales sujettes à caution pour conclure en 2007 à l’absence de mise en danger de la vie d’autrui. Alors que la vaste étude épidémiologique nationale de l’Institut de veille sanitaire (InVS) sur les cancers a conclu à un lien statistique entre cancers et incinérateurs
et à « la plausibilité » d’un lien de cause à effet, le plus polluant des incinérateurs, celui de Gilly-sur-Isère, n’est ainsi curieusement responsable de rien.
L’année 2011 va correspondre au dixième anniversaire de la fermeture l’incinérateur.
Incinérateur Cette durée de 10 ans correspond à la période de latence choisie par l’InVS entre l’exposition des populations autour des incinérateurs et l’apparition d’éventuels cancers : il est donc à craindre que de nouveaux cas apparaissent dans les années à venir pour toutes les personnes exposées aux fumées des incinérateurs, à Gilly-sur-Isère ou ailleurs. L’InVS a même précisé dans son étude que cette période pourrait être plus longue, sous-estimant ainsi les résultats obtenus sur les cancers.
Comme le déclare Sébastien Lapeyre, directeur du Cniid, « les industriels du déchet et les décideurs ne cessent depuis des années de vouloir améliorer coûte que coûte l’image de l’incinération en prétendant que « Gilly, c’est du passé » : personne n’a intérêt à ce que les victimes aient gain de cause ». Le Cniid attend qu’un procès juste et équitable ait enfin
lieu et que toute la lumière soit faite sur la chaîne de responsabilités.
Contact :
Sébastien Lapeyre - directeur du Cniid
01 55 78 28 65
sebastien@cniid.org
Plus d’infos sur le procès : lire le blog de l’Acalp – Association citoyenne active de lutte contre les pollutions
Le Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid)
Le Cniid est une association loi 1901 agréée pour la protection de l'environnement. Organisation indépendante, spécialisée dans la problématique
des déchets municipaux, elle mène campagne en faveur d'une gestion écologique de ces derniers, notamment par leur réduction à la source (en
quantité et en toxicité) et au détournement de l'incinération et de la mise en décharge
Plus d'infos sur www.cniid.org
Contact :
Cniid Centre national d'information indépendante sur les déchets - 21, rue Alexandre Dumas 75011 - Paris
Tél. : 01 55 78 28 60 –
Fax : 01 55 78 28 61 –
E-mail : info@cniid.org
200.000 euros requis dans l'affaire de la dioxine
Une amende de 200.000 euros a été requise mardi à l'encontre de la société Novergie Centre-Est, jugée depuis lundi devant le tribunal correctionnel d'Albertville dans le cadre du procès dit "de la dioxine".
Le jugement a été mis en délibéré au 23 mai 2011.
Poursuivie pour "non respect des normes environnementales" cette filiale de Suez Environnement exploitait l'incinérateur de Gilly-sur-Isère (Savoie) qui rejetait, jusqu'en octobre 2001, date de sa fermeture administrative, des concentrations de dioxine plus de 700 fois supérieures aux normes européennes en vigueur.
Dans son réquisitoire, le représentant du parquet, Patrick Quincy, a dénoncé l'exploitant de cette usine qui, a-t-il dit, a continué pendant des mois à fonctionner et à empoisonner l'environnement pour des raisons purement économiques.
Les parties civiles, représentées par Me Thierry Billet, qui avait claqué la porte de l'audience lundi pour dénoncer "une mascarade de procès", ont accueilli ce réquisitoire avec scepticisme.
"Le parquet essaie aujourd'hui de se rattraper avec ce réquisitoire, mais il n'a aucun sens", a dit l'avocat, joint par téléphone.
"200.000 euros d'amende, c'est reconnaître qu'il y a une catastrophe sanitaire alors que le lien avec les cancers et la pollution à la dioxine n'a jamais été reconnu", a-t-il souligné.
Il a considéré que ce réquisitoire était une façon, pour le parquet, "de se racheter une virginité à bon compte" tout en pariant "qu'il ne sera pas suivi par le tribunal".
La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusco-Morizet, a considéré de son côté mardi qu'une telle affaire ne pourrait plus avoir lieu aujourd'hui.
"Un scandale comme celui de Gilly-sur-Isère ne peut plus arriver aujourd'hui", a dit la ministre, interrogée sur le sujet au salon Pollutec à Lyon, rappelant que les normes en vigueur aujourd'hui sont 100 fois inférieures à celles de l'époque.
Deux cents riverains avaient choisi de déposer plainte après le recensement de 80 cas de cancer répertoriés dans la seule rue Louis Berthet, à proximité de l'incinérateur.
Les expertises n'ont toutefois reconnu leur lien avec les pollutions rejetées par l'incinérateur.
La filiale de Suez Environnement était seule à être poursuivie dans ce procès qui s'est déroulé sans aucun responsable politique. Le maire de la
commune ainsi que deux préfets avaient été dans un premier temps mis en examen.
Catherine Lagrange
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