Liberté de la presse : une journée mondiale entre répression et revendication
La Journée mondiale de la liberté de la presse 2011 intervient dans un climat international marqué par le cycle révolution-répression dans le monde arabe. Pourtant, le Maghreb et le Proche-Orient ne sont pas les seuls endroits où l’information est menacée. Dans son dernier rapport, Reporters sans frontières soulignait le recul de nombreux pays européens et les mauvais résultats récurrents de plusieurs Etats africains.
Chaque année, le 3 mai, la Journée mondiale de la liberté de la presse vient nous rappeler que des journalistes risquent la mort ou la prison pour informer le public. Et c’est souvent en puisant dans l’actualité la plus fraîche que les atteintes à cette liberté s’avèrent les plus criantes. En ce 3 mai 2011, un hommage était rendu aux journalistes français Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, otages en Afghanistan depuis le 29 décembre 2009, dans la salle de presse de la Commission européenne, à Bruxelles. La veille, la télévision qatarie Al-Jazira annonçait que sa journaliste Dorothy Parvaz était portée disparue depuis vendredi 29 avril en Syrie. La chaîne est critiquée pour sa couverture des protestations populaires dans ce pays.
La France 44e au palmarès de RSF
Au-delà de cette actualité brûlante, la Journée mondiale de la liberté de la presse est encore une occasion de ressortir un sinistre palmarès, celui des pays où il ne fait pas bon être journaliste. D’après le dernier classement du genre publié par Reporters sans frontières (RSF), seuls six pays, la plupart d’Europe du Nord, présentent en 2010 un bilan sans faute : Finlande, Islande, Norvège, Pays-Bas, Suède et Suisse. En revanche, RSF souligne la dégradation de la situation de la liberté de la presse dans l’Union européenne. Quatorze des vingt-sept membres de l’UE se trouvant au-delà de la vingtième place, précisément occupée par les Etats-Unis. La France n’est quant à elle qu’à la 44e place, entourée de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Chypre. La situation européenne démontre que situation économique et liberté de la presse ne vont pas nécessairement de pair. Un enseignement largement confirmé quand on regarde les classements des puissances actuellement émergentes. Si le Brésil (58e) progresse de 13 places, l’Inde (122e) chute de 17. De son côté, la Russie se trouve en 140e position alors que la Chine pointe à la 171e place. Premier pays africain du classement, la Namibie occupe le 21e rang, devant le Cap-Vert, le Ghana et le Mali (26e ex aequo). La Côte d’Ivoire (118e) et le Cameroun (129e) sont de leur côté en recul. Et c’est un pays africain, l’Erythrée, qui ferme la marche pour la quatrième année consécutive, devant la Corée du Nord.
Pays arabes : de la « prédation » à l’espoir
A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de presse 2011, RSF a actualisé ses données en publiant une liste de 38 chefs d’Etat ou chefs de guerre qui « sèment la terreur parmi les journalistes ». Pour l’organisation, « c’est dans le monde arabe que des changements importants ont marqué la liste des prédateurs 2011 ». Si d’un côté on notait le départ des présidents tunisien et égyptien, dans « quatre pays (Syrie, Libye, Bahreïn, Yémen), le travail d’obstruction de l’information a été jusqu’au meurtre ». Pour protester contre cette situation, mardi 3 mai, une trentaine de militants de RSF ont lancé de la peinture sur les murs de l’ambassade de Syrie à Paris et inscrit : « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang. » Ils ont été interpellés par la police pour dégradation. Pour Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF, « la Syrie est le pays qui nous inquiète le plus aujourd’hui » en matière de liberté de la presse. Il a rappelé qu’ « une dizaine de journalistes y sont actuellement emprisonnés ».
Pourtant, le « Printemps arabe » est bel et bien synonyme d’espoir sur le terrain de la liberté de la presse. Ainsi à Benghazi, bastion de l’opposition libyenne, un groupe de jeunes fait paraître cette semaine le numéro deux de la revue Panorama, affranchie de la censure de Mouammar Kadhafi. Le premier numéro avait été tiré à 2 000 exemplaires. D’autres ont lancé le magazine Ashab (Amis), écrit en dialecte libyen par des jeunes et pour des jeunes qui « en avaient assez du langage solennel du régime ».
Les journalistes tunisiens dans l’attente
En Tunisie, les lignes ont aussi bougé. Il y a eu trois créations d'hebdomadaires depuis la Révolution du jasmin. Mais plus de cent jours après la chute du régime Ben Ali qui les bâillonnait, les journalistes tunisiens attendent encore une « révolution » dans leur profession et exigent du nouveau pouvoir des garanties pour s’exprimer librement. La Journée mondiale de la liberté de la presse a été pour eux l’occasion de se mobiliser. Rassemblés devant le théâtre municipal de Tunis, ils ont réclamé « l’inscription dans le préambule de la Constitution du droit d’informer », ainsi que la rédaction d'un code de déontologie et la multiplication de journaux indépendants. Pour Mounir Souissi, qui travaille dans une agence de presse tunisienne, certains medias sont toujours dirigés « par des pro-Ben Ali qui ont opprimé des journalistes ». Parmi les quelque 1 600 journalistes tunisiens, beaucoup « n’ont pas encore eu le temps de se ressourcer, de se recycler après tant d’années de confiscation de la parole et de la liberté de la presse », explique Kamel Labidi, président de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric). En Tunisie, la presse attend désormais des signaux forts de la démocratie, par exemple « la mise en place d'une instance de régulation audiovisuelle comme le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) en France », confie le journaliste Sofiène Ben Farhat du quotidien La Presse.
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