"Hold-up", le documentaire sur le Covid-19 confronté aux faits scientifiques
"Hold-up" sur la vérité : 2h40 de désinformation, amalgames, confusion et erreurs manifestes assénées par des médecins rayés de l'Ordre, des conspirationnistes d'Extrême Droite, des extrémistes de QAnon, des eugénistes, des racialistes et suprémacistes blancs, des complotistes et 'contre le mariage pour tous' et même un ouvertement nazi.Dans le film "Hold Up - retour sur un chaos", Pierre Barnerias et Christophe Cossé affirment vouloir répondre aux questions autour du coronavirus. La réalité est plus compliquée.
Les fausses informations du documentaire Hold Up sur le Covid-19 expliquées.SCIENCE : C’est ce qu’on peut appeler un succès fou. Sorti mercredi 11 novembre, le documentaire consacré au Covid-19 “Hold Up - retour sur un chaos” se retrouve au coeur des discussions dans de nombreux médias et sur les réseaux sociaux.
Sur la plateforme de financement participatif Tipeee, la société de production Tprod est passée en 24 heures de 28.000 euros de financement mensuel à plus de 110.000 euros, comme le rappelle le chercheur spécialiste du numérique et des milieux complotistes Tristan Mendès-France. Les différents extraits du film diffusés sur les réseaux sociaux accumulent des centaines de milliers de vues. Et vu les sommes déjà engrangées, l’objectif de 200.000 euros par mois pour le rendre disponible gratuitement pourrait bien être vite atteint.
L’accumulation d’exemples et d’intervenants avec un discours plus ou moins complotiste rend difficile de traiter dans sa totalité les fausses informations, approximations ou vraies questions (il y en a) évoquées dans “Hold Up”. Au vu du succès massif de ce documentaire, Le HuffPost va tenter de répondre à vos interrogations à ce sujet. Si vous avez des questions sur une partie du documentaire, n’hésitez pas à nous les adresser ici: vosquestions.coronavirus@
huffpost.fr. Mais que dit exactement ce documentaire, accusé de colporter un message complotiste? Le HuffPost l’a regardé dans son intégralité et vous propose ci-dessous de revenir sur quelques-unes des fausses informations propagées par “Hold-Up” sur le coronavirus et la gestion de cette pandémie mondiale. Cet article sera régulièrement mis à jour.
Le “Great Reset”
Avant de rentrer dans le détail, il faut revenir sur la thèse principale de ce documentaire, qui met deux heures à apparaître à l’écran. Selon “Hold-Up”, cette pandémie a été organisée par des élites du monde politique, économique, intellectuel, technologique, afin de mettre en place un “Great Reset”, une “grande réinitialisation” de la société.
Le Forum économique mondial a bien prévu d’organiser une grande réunion en janvier 2021. Cela a même été annoncé dans un communiqué en juin. Ce projet vise à imaginer un “système économique et social pour un avenir plus juste, plus durable et plus résistant” face aux pandémies, au changement climatique et aux autres défis.
S’il est parfaitement légitime de débattre de la véritable utilité du Forum économique mondial et de cette réunion, affirmer que ce “Great Reset” est pensé depuis longtemps est factuellement sans consistance. Aucune preuve n’est présentée par le documentaire allant dans ce sens.
Toujours sans preuve, les auteurs affirment que le but de cette pandémie pour les élites mondiales est à la fois de détruire une partie de l’humanité inutile, mais aussi de faciliter le déploiement de la 5G pour mieux contrôler l’argent, via la virtualisation de la monnaie par l’intermédiaire des cryptomonnaies.
Cela peut sembler très gros, dit comme ça. Mais après deux heures de débats sur les origines du coronavirus, sur l’impact réel du Covid-19, la mortalité, les traitements, l’éthique du confinement, on a légitimement envie d’entendre une solution permettant d’expliquer tout cela.
Sauf que justement, une écrasante majorité de ce que l’on a entendu avant est également soit faux, soit exagéré, soit détourné. Voici des exemples. Beaucoup sont des théories du complot ou des approximations utilisées depuis des mois.
Le masque pour les non-malades est une aberration
Le médecin nutritionniste (opposé aux vaccins) Pascal Trotta affirme dans “Hold-Up” que “les médecins qui imposent le masque à ceux qui ne sont pas malades sont des jean-foutre, des médecins de Molière”.
L’utilité du masque a été longuement débattue au début de l’épidémie, comme nous l’avons expliqué plusieurs fois. Et sans parler des erreurs des différents gouvernements, même les scientifiques n’étaient pas d’accord. Mais après plus de 11 mois, il y a des choses que l’on sait et qui constituent un consensus scientifique. Celui-ci se crée par l’accumulation d’études, d’essais, d’analyses, d’observations.
Celui-ci est très clair: il est possible pour une personne infectée par le coronavirus de transmettre la maladie sans avoir de symptôme. Notamment dans les 48 heures qui précèdent l’apparition des symptômes. Il est également de plus en plus clair que le masque diminue le risque de contamination.
Logiquement, si le coronavirus circule beaucoup dans une population, demander de porter le masque doit réduire la proportion de présymptomatiques ou asymptomatiques qui vont contaminer des personnes saines.
Il y a eu une prime pour les médecins faisant de la “délation”
Le documentaire affirme que les médecins ont eu une prime pour signaler des cas Covid-19 et leurs personnes contact. La question a, il est vrai, fait débat en mai, lorsque le gouvernement mettait en place sa stratégie de déconfinement, notamment basée sur le traçage des contacts.
Mais comme le rappelait à l’époque Libération, la rémunération pour ce travail de traçage a été évacuée lors de la finalisation de la loi en commission paritaire par les parlementaires. Il est par contre vrai que pour un patient malade dont le test PCR confirme qu’il est bien touché par le coronavirus, le médecin a une majoration.
Pourquoi? L’assurance maladie expliquait à Libération: “Cette majoration correspond à la valorisation de l’annonce du test positif, la prescription des tests pour les cas contacts proches […], l’information donnée au patient sur les mesures barrières, l’enregistrement dans l’outil “Contact Covid” du patient et des cas contacts proches”.
L’OMS a interdit les autopsies sur les morts du Covid-19
Dans “Hold-Up”, on entend un médecin préciser que les autopsies sont utiles pour savoir comment mieux traiter les patients atteints de Covid-19. Juste avant, le documentaire affirme que l’OMS avait justement interdit les autopsies.
Il suffit pourtant d’aller sur le site de l’Organisation mondiale de la santé pour se rendre compte qu’il n’en est rien. Dans un document publié le 24 mars sont listées les précautions à prendre dans le cadre d’une autopsie sur un patient décédé de Covid-19 afin d’éviter une possible infection. Cet article de l’AFP propose un point détaillé sur cette question.
Le virus a été créé dans un laboratoire
C’est l’une des théories qui a le plus circulé sur les réseaux sociaux. Et ce dans de très nombreuses formes. Dans “Hold-Up”, si quelques intervenants expliquent ne pas avoir la réponse sur les origines du Sars-Cov2, certains sont plus catégoriques. À l’instar de Jean-Baptiste Fourtillan, anti-vaccin connu pour avoir participé à un essai clinique sauvage dans une abbaye, qui affirme que le nouveau coronavirus est un Sras modifié génétiquement avec des bouts du génome de la malaria. Preuve en est: des brevets existent.
L’origine du Sars-Cov2 est encore floue, mais cette hypothèse d’une modification génétique est rejetée par la communauté scientifique, surtout que ces brevets ne veulent pas du tout dire que le virus a été “créé” des années plus tôt, comme nous l’expliquions en mars.
Le génome du coronavirus, étudié en détail depuis 11 mois, ne semble pas accréditer la thèse d’une modification humaine pour diverses raisons (plus de détails ici). Cette thèse avait notamment pris de l’ampleur après une enquête des services de renseignements américains en avril qui a finalement conclu que le Sars-Cov2 n’avait pas été fabriqué par l’homme.
La communauté scientifique ne sait toujours pas exactement comment celui-ci a touché l’homme. Un hôte intermédiaire, tel le pangolin, aurait pu être faire le lien entre la chauve-souris et l’homme, mais le débat reste ouvert.
Une loi pour le confinement dès 2019
Au bout d’une heure trente, “Hold-Up” commence doucement à entraîner le spectateur sur la piste d’un complot prévu de longue date, une manière de préparer le terrain à la thèse d’un “Great Reset” fomenté dans l’ombre. Le documentaire évoque alors une loi française qui aurait rendu “légal le confinement”... dès décembre 2019.
Interrogée, la députée Martine Wonner, exclue du groupe LREM pour ses positions (parfois contestables) sur le coronavirus, s’interroge. “C’est très étonnant, je vous avoue que c’est quasiment passé sous silence”, expliquant qu’on “peut se poser la question”.
Le texte en question n’est pas précisé, mais on retrouve sur le site du Sénat une “proposition de loi relative à la sécurité sanitaire” datant du 5 décembre 2019. Y sont évoquées des “mesures d’éviction et de maintien à domicile” pour “les personnes présentant un risque élevé de développer une maladie transmissible”. Un autre article de la proposition évoque des mesures d’isolement contraint “lorsqu’une personne atteinte d’une maladie transmissible hautement contagieuse crée, par son refus de respecter les prescriptions médicales d’isolement prophylactique, un risque grave pour la santé de la population”.
Mais il suffit de regarder l’exposé des motifs de cette loi pour remettre tout cela en contexte et comprendre qu’il y avait des raisons antérieures au Covid-19 pour justifier cette loi. “Notre pays se heurtant à des difficultés grandissantes face au développement des maladies vectorielles transmises par les insectes, telles que la dengue, le chikungunya, le zika, la fièvre jaune”, affirme le sénateur Michel Amiel. Quelques mois plus tôt, le virus Zika a été contracté pour la première fois en France métropolitaine.
Le sénateur évoque également le retour de la rougeole qui met en évidence “que l’État ne dispose pas de tous les moyens d’action nécessaires”. En 2019, la France est en effet pointée du doigt avec d’autres pays face au retour de cette maladie qu’on croyait maîtrisée. Le fait que la population française soit l’une des plus opposées aux vaccins n’y est pas étranger.
Comment le documentaire "Hold-Up" a berné les plateformes de crowdfunding
Les producteurs de ce documentaire controversé sur le Covid-19 ont récolté près de 200.000 euros sur Ulule, et plus de 100.000 euros sur Tipeee, à condition que le projet y soit validé...
Capture d'écran UluleLa cagnotte de financement du documentaire complotiste "Hold-Up" a atteint près de 200.000 euros en moins de deux mois sur UluleCOVID-19 - Sur les plateformes de crowdfunding Ulule et Tipeee, le hold up est total. Le documentaire controversé et complotiste, mis en ligne ce mercredi 11 novembre, entend s’en prendre ”à une incroyable et phénoménale entreprise de manipulation globale” en pleine pandémie de Coronavirus dixit son producteur Christophe Cossé. Et s’il a pu voir le jour, c’est grâce à une énorme mobilisation des internautes qui l’ont financé et continuent de le faire.
Si son relai par des personnalités particulièrement suivies sur les réseaux sociaux, de l’actrice Sophie Marceau (500.000 abonnés) à la candidate de télé-réalité Kim Glow (1 million d’abonnés) a indéniablement attiré la lumière sur le documentaire “Hold-up” le jour de sa sortie, l’engouement pour cette production qualifiée de “propagande complotiste” et de “fake news sur fake news” par de nombreux politiques et scientifiques est d’abord né sur des plateformes de financement participatif.
Un “Hold-Up” de 300.000 euros auprès des internautes
Car si les producteurs de “Hold-Up” ont pu enregistrer et monter les témoignages de l’ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy (qui a depuis pris ses distances avec le documentaire), de l’infectiologue Christian Perronne, fervent partisan de Didier Raoult et déjà critiqué par le ministère de la Santé pour jeter “le discrédit” sur les professionnels de santé, ou de la députée ex-LREM Martine Wonner, c’est grâce à la centaine de milliers d’euros récoltés en ligne. En août 2019, TProd et Tomawak, les sociétés de production du film, créent une cagnotte sur Ulule. L’argent récolté doit permettre de “payer les journées de studio d’enregistrement, le mixage, les archives TV, les traductions en anglais et les frais de production”.
En moins de quatre jours, l’objectif de 20.000 euros est atteint. Et la collecte se poursuit de plus belle jusqu’à atteindre la somme de 182.970 euros au 1er octobre.
Interpellé par de nombreux internautes depuis la mise en ligne du documentaire financé grâce à Ulule, le PDG de la plateforme de crowfunding a publié une série de messages sur Twitter ce jeudi 12 novembre dans lequel il explique sa position. Il y explique que la description du projet par ses créateurs a été volontairement “euphémisée” pour “passer la modération”, avant que le propos ne soit “radicalisé durant la campagne”.
“Le projet a été ‘pitché’ le 11 août sur la plateforme. Il s’est lancé le 17 août. Très vite on s’est rendus compte qu’il débordait du cadre initial supposé (le pluralisme des voix) pour devenir un étendard de thèses complotistes très éloignées de ce que l’on défend sur Ulule”, concède-t-il.
Conscient que le projet “Hold up” a ”échappé” à la vigilance de ses modérateurs, Alexandre Boucherot indique que la collecte n’a pas été supprimée pour ”éviter tout effet Streisand”, phénomène médiatique qui encourage l’exposition d’une publication alors que le but était plutôt d’en faire abstraction, et que “l’intégralité de la commission Ulule perçue sur le projet” sera reversée ”à une association de défense de l’information”.
Mais Ulule n’est pas la seule plateforme collaborative qui a permis de financer ce projet. Ce lundi 9 novembre, soit près de trois mois après le succès de la collecte sur Ulule, une nouvelle levée de fonds est lancée sur Tipeee cette fois.
Ici l’objectif indiqué des producteurs est de “financer le surcoût des archives et ainsi pouvoir le retrouver légalement et à titre gratuit sur des plateformes tels que YouTube ou Facebook afin qu’il soit visionné par le plus grand nombre, ce qui est évidemment notre souhait le plus cher.” En moins de 4 jours à nouveau, la cagnotte affiche plus de 110.000 euros connectés grâce à quelque 5000 “tipeurs”.
Contacté par Le HuffPost sur le rôle de modération de la plateforme autour de cette collecte, Tipeee n’a pas répondu à nos sollicitations. Le fondateur Michael Goldman a assuré à BFM Tech qu’il “s’agit en tout cas de l’un des plus importants montants, sinon le plus important, investi à ce jour sur Tipeee, en un délai aussi réduit”.
Pour l’heure, le dirigeant assure que le projet de “Hold-Up” est “encore en cours de validation”: “Nos équipes valident près de 150 projets par semaine et Hold-Up fera partie du lot examiné d’ici la fin de la semaine”.
Grégory Rozières
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