Jusqu'à ce que mort s'en suive
Rien de tel que de poser un faux problème pour obtenir de mauvaises réponses !
Ne sentez-vous pas comme un vent mauvais de panique qui souffle rageusement sur les braises de notre ignorance ? N'avez-vous pas comme un sentiment de déjà vu, comme un effet de rémanence rétinienne, comme l'impression tenace d'être tombé dans une faille spatiotemporelle ? D'un seul coup, d'un seul, un peu comme en octobre 2008, on découvre qu'il y a le feu au lac et que les pompiers ont été virés depuis longtemps. On nous refait le coup du tam-tam dans la volière, on nous refait le coup de la crise, énÔrme, imminente, indépassable. Bien sûr, cette fois, ce ne sont pas les bas de laine qui sont visés, tant ils ont été proprement essorés lors de la dernière campagne triomphale de stratégie du choc qu'a été le braquage international opéré par les bankdits sur les caisses des nations, non, cette fois, ce qu'ils veulent, ce ne sont ni nos revenus, ni nos économies, ce qu'ils veulent, c'est notre droit élémentaire à ne pas crever sous le joug, c'est notre droit élémentaire à goûter quelque repos après une vie de travail éreintante, voire stressante ou invalidante, ce qu'ils veulent, c'est le fric qu'on n'a pas encore touché, ce qu'ils veulent, c'est nous ôter le pain de nos bouches édentées depuis la dernière "réforme" du système de santé.
- Ce n'est même plus un braquage de classe international, ce sont juste de petites frappes en réunion qui ont décidé de détrousser les petits vieux à la sortie de la Caisse d'Épargne. Et ils sont tellement gloutons, qu'ils n'attendent même plus qu'on soit vieux.
Pathétique.
Monstrueux.
Révoltant.
Les caisses sont vides !
Si celle-là, on ne nous l'a pas encore faite vingt fois, c'est qu'on ne nous l'a jamais faite. Et vas-y qu'on nous balance des chiffres faramineux à la truelle, des gouffres abyssaux, propres à donner le vertige aux gagne-petit qui peinent à boucler leur budget de crève-la-dalle dès le deuxième jour du mois. Tu n’as plus rien ? Tu es à sec ? Ce n’est pas grave, on pourra toujours te prendre le fric que tu n'as pas encore gagné. Parce que la retraite, ce n'est rien moins que cela : du salaire! Différé, certes, dans le temps, mais du salaire. Du salaire que ton patron sort chaque mois de TON revenu de crevard. Il ne faut jamais perdre de vue que si tu es un crevard, c'est aussi et surtout parce que ton patron, lui, il a tout intérêt à te laisser sur le plancher gluant du précariat, dans la mesure où lui, il ne met pas au pot commun. Exonérations de charges, qu'ils appellent ça. Confiscation de salaire, détournement de ressources sociales, je dirais. Regarde attentivement ta feuille de paie qui ne rembourse pas tout le mal et tout le temps que tu donnes, regarde-la bien, surtout les petites lignes cryptiques qui détaillent les cotisations diverses et variées qui sont retirées du salaire de la peur en échange d'une promesse à venir : le pacte social qui fait qu'en échange de cette part de ton labeur, tu as le droit à la santé, à l'assurance chômage, à la solidarité nationale, à ne pas vieillir dans la douleur et la misère. Regarde bien ces petites lignes et compare les deux colonnes : ce que tu rétrocèdes et ce que ton patron donne. Regarde bien et médite sur tout ce qu'on ne cesse de te seriner sur les déficits des comptes sociaux, c'est-à-dire sur le pillage des ressources communes des travailleurs. La vérité, mon gros naïf qui doit apprendre à fermer ses esgourdes aux cris stridents des experts pickpockets, la vérité, c'est que le déficit des comptes sociaux est organisé depuis des années par les empilements invraisemblables d'exonérations de la part patronale sur les salaires, soit quelque chose de l'ordre de 42 milliards d'euros en 2009 de niches sociales.
- Tout ce fric, mon grand, il est resté dans les poches de ton patron qui était censé investir et embaucher avec et qui s'est offert un 4x4 ou des vacances aux Antilles. Tout ce fric, c'est maintenant à toi d'en assumer la disparition, en étant toujours moins bien soigné, moins bien payé, moins bien protégé. Et bientôt, tout ce fric qui manque, il te faudra le rembourser avec ton sang et tes larmes, quand tu devras traîner au turbin ton corps tordu par les douleurs que l'âge finit toujours par te donner.
Parce que c'est toujours la même histoire, toujours la même opération qui consiste à prendre le pognon des peuples et à les exhorter ensuite à se serrer toujours plus la ceinture pour rembourser la dette des autres!
L'éternel problème de la répartition des richesses
- En gros, la stratégie du choc appliquée aux retraites consiste à rester le museau dans des approximations comptables alarmistes en ne proposant qu'une seule solution : l'allongement de la vie active, c'est à dire le recul de l'âge auquel un travailleur peut prétendre à se reposer. L'argument massue pour justifier l'injustifiable, c'est de s'appuyer sur les chiffres, encore eux, de l'allongement de l'espérance de vie, avec une logique qui peut avoir l'air imparable au premier abord : puisqu'on vit plus vieux, il est normal de travailler plus longtemps.
Et fin du débat.
- Sauf que, bien sûr, c'est tout sauf un argument valable, parce que, comme d'habitude, il s'agit de réduire l'immense agencement de la réalité à quelques petits faits qui arrangent bien les fossoyeurs du système social.
- Il n'est même pas nécessaire de démonter patiemment l'argumentaire purement comptable et hypothétique qui sert de fondation à tout ce branlant édifice de spoliation sociale, Jean-Luc Mélenchon pourvoit fort bien à cette tâche ingrate en démontant l'alarmisme de petits boutiquiers perdus dans de vaines spéculations. Il suffit de regarder le corps social dans le blanc des yeux pour comprendre que le vrai débat est ailleurs.
Nous vivons plus vieux ?
Enfin, ça dépend qui et comment. Par exemple, on ne vit pas autant de temps dans le Pas de Calais et le Gers. Même chose entre les cadres et les ouvriers. Les hommes et les femmes. Ceux qui ont la chance de passer à travers les mailles du cancer et les autres. Bref, même si la ligne d'arrivée fait mine de reculer, il y en a déjà pas mal d'entre nous qui n'y arriverons pas. Et parmi ceux qui feront de vieux os, nombreux sont ceux qui n'en profiteront pas vraiment, comme en témoigne la hausse croissante des dépenses de dépendance.
Ensuite, pourquoi vivons-nous plus vieux ?
Déjà, parce qu'on meurt moins étant jeunes. Entre les guerres, les accidents, les maladies, les jeunes mourraient pas mal à certaines époques que nous ne souhaitons pas revivre et du coup, ils plombaient pas mal la fameuse espérance de vie. En moyenne, on vivait moins longtemps, mais en moyenne seulement. Les vieux vivaient souvent aussi vieux qu'aujourd'hui.
Ensuite, nous sommes plus nombreux à avoir la chance de devenir vieux... parce que nous sommes mieux soignés et que nous arrêtons de nous user la santé plus tôt. Hé oui, à partir de la grosse cinquantaine bosser use nettement plus que quand on est jeune et en bonne santé. On peut même dire qu'en terme d'usure, de stress, de fatigue, passé un certain âge, chaque année de boulot tend à compter double ou triple. Il y a de fortes chances que l'espérance de vie a augmenté parce qu'on a abaissé l'âge légal du départ à la retraite. Nous faire faire le chemin inverse est une escroquerie intellectuelle criante.
La retraite, c'est bien, surtout quand on peut en profiter. Quand on est encore capable de bouger, de faire des choses, d'avoir des envies. S'il faut attendre d'être trop usé et ne s'arrêter qu'à l'antichambre de la mort, quel intérêt de se faire chier à payer toute sa vie pour une agonie de merde, je vous le demande?
Confiscation salariale massive
- En fait cette pseudo réforme ne s'occupe guère de la réalité vécue quotidiennement par des millions d'entre nous. Elle fait l'impasse, sur les conditions de travail, sur le sens du travail, sur la répartition des revenus, sur la dégradation salariale qui nourrit la dégradation des comptes sociaux. Elle n'a en fait qu'un seul et unique objectif : réduire encore et toujours le montant des pensions perçues.
- Politiquement, il serait suicidaire d'avouer que la précédente réduction du montant des retraites n'a pas suffi à nourrir les appétits de la finance. Ha bon, vous n'aviez rien remarqué ? Pour le coup, ce sont des mathématiques élémentaires, pas de vaines spéculations.
- Les retraites, c'est du salaire différé. C'est donc une part de ce que vous gagnez aujourd'hui qui est injectée dans une caisse qui, en échange de ce financement, s'engage à vous reverser un revenu quand les vieux jours seront arrivés.
Ce revenu est calculé en fonction du montant des sommes prélevées et du temps de prélèvement. Ce système marche très bien dans une société de plein emploi où les salaires suivent une gentille courbe ascendante. Ce même système marche nettement moins bien dans une société caractérisée par le chômage de masse, le précariat et la compression de la masse salariale.
- La clé de la spoliation est le temps de cotisation. Dans une réalité où les gens doivent se former longtemps (études longues), peinent à accrocher le premier emploi, connaissent de faibles progressions de salaire et des décrochages de carrière (chômage de masse) et sont considérés comme des boulets en entreprise à partir de 40 ans, il devient extrêmement difficile de cotiser la durée fixée pour une pension à taux plein. Et du même coup, chaque allongement de la durée de cotisation revient mathématiquement à une baisse du montant de la pension finale.
Au total, en quinze ans, le taux de remplacement (niveau de la retraite par rapport à son salaire) a baissé de 10 points.
Olivier Bonnet, Retraites : le chemin de la reconquête. - Et bien sûr, le problème des retraites reste une urgence, puisque la potion n'est pas calibrée pour soigner le mal !
- Dix points dans ta face ridée de pruneau, ce n’est pas rien, quand même ! C'est même, strictement, la part de richesse passée du travail au capital ces 30 dernières années. Ce sont ces milliards d'euros disparus de l'assiette salariale pour aller goinfrer l'ogre financier, lequel, jamais repu, en demande toujours plus et finit toujours par nous présenter le tour de vis suivant comme l'ultime solution pour sauver les meubles, alors qu'il ne s'agit que d'une saignée de plus, une de celles qui affaiblit le malade et assure la rente du médecin-profiteur.
Ces milliards prétendument absents des caisses que tu alimentes pourtant de ton temps, de ton talent, de ta santé, de ta vie, ces milliards, il va bien falloir un jour aller les chercher et les rendre à tous ceux à qui ils appartiennent de droit !
Agnès Maillard
http://blog.monolecte.fr/post/
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