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jeudi 24 septembre 2009

Dialogues en Humanité

Nous avons rencontré sept fois Patrick Viveret. A Die (Rencontres de l'Ecologie), à Dieulefit, à Eurre, deux fois à Lyon ( Dialogues en Humanité) et aussi deux fois à Toulouse pour le festival Camino. Sa pensée féconde irrigue et les réflexions et les actions dioises depuis cinq ans. Nous produirons son discours en 2 parties pour ne pas vous lasser . (Photos C.V.)
Une Alliance civique pour l’humanité
La conjonction de la crise écologique (dont la forme la plus reconnue est celle du dérèglement climatique) et de la crise financière, conséquence de la démesure du capitalisme financier, est grosse de risques de régression et même de guerre. Elle favorise la montée des courants autoritaires et de ce que Wilhelm Reich caractérisa dans les années trente comme une véritable « peste émotionnelle ». Nous vivons ainsi un moment critique de l'histoire où l'humanité est confrontée à quatre rendez vous cruciaux où se joue son avenir: - celui de son propre habitat écologique à travers notamment le réchauffement climatique et ses conséquences ; - celui du risque d'une crise systémique provoquée ou au moins aggravée par la crise financière d'une économie casino vouée à l'alternance de cycles d'exubérance et de dépression irrationnelle des marchés financiers ; - celui du cocktail explosif que constituent le couple de la misère et de l'humiliation d'une part, du terrorisme et des armes de destruction massive de l'autre ; - celui de l'alternative entre guerre ou dialogue de civilisations. L'humanité a besoin de paix, de coopération et d'intelligence collective pour faire face à ces défis. Elle doit organiser l'autodéfense contre tous ceux, quelque soient leurs fonctions et leurs motivations, qui cherchent à imposer la guerre, la compétition généralisée et des régressions inacceptables dans l'ordre de l'intelligence et de la culture. Nous ne pouvons laisser se développer, sans réagir, ces logiques meurtrières. Nous devons donner vie concrètement à la déclaration universelle des droits humains et construire ensemble cette citoyenneté mondiale qui doit permettre à l'humanité de s'affirmer en sujet positif de sa propre histoire. Nous devons réorienter en profondeur nos modes de vie, de production de consommation afin de cesser de mettre en danger les écosystèmes qui nous font vivre. Nous devons organiser partout des écoles de paix et construire une objection de conscience mondiale face aux logiques de guerre économiques, militaires ou religieuses dans lesquelles on voudrait nous enrôler. Comme le soulignait Antonio Gramsci “le vieux tarde à disparaître, le neuf tarde à naître et dans ce clair obscur des monstres peuvent apparaître”. Comment accompagner la fin d'un monde sans qu'il s'agisse de la fin du monde ? Comment faire émerger le neuf tout en se protégeant des «monstres» à commencer par les nôtres ? Un autre monde est possible certes mais cette potentialité créatrice ne peut devenir réalité que si nous savons repérer et faire grandir cette autre manière d'être au monde qui est déjà là. Au cœur de la difficulté de la condition humaine il y a sans doute le fait que nous sommes des «prématurés doués de conscience » : le compromis trouvé par l'évolution pour nous faire naître avec notre grosse tête (résultat du développement phénoménal et très rapide de notre neocortex) est un accouchement avant terme. La prérnaturation physique évidente par rapport à d'autres espèces animales (il nous faut plusieurs années pour conquérir une autonomie acquise en quelques heures par le règne animal) se double d'une prématuration psychique qui fait de nous des êtres profondément vulnérables. Or c'est sur ce terreau de vulnérabilité qu'émerge une conscience qui nous place d'entrée de jeu devant le vertige de la séparation sous la double forme de la séparation de soi avec autrui et avec le monde et de la conscience de la mort. Vertige au coeur de la peur qui nous conduit à considérer autrui comme un rival menaçant, la nature comme un univers à dominer et la mort comme une épée de Damoclès que nous cherchons à exorciser ou à nier. C'est pourquoi l'idéalisme qui voudrait nous faire croire que la vie humaine est simple ou qu'elle pourrait le devenir si l'on faisait sauter tel ou tel verrou (cf la fausse radicalité) nous conduit dans de multiples impasses. Nous avons besoin d'un double réalisme écologique et anthropologique qui nous permette d'assumer pleinement notre condition d'êtres tout à la fois fragiles, conscients et reliés et de tracer un chemin d'humanité qui fasse sens.
Claude Veyret

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