Coline Serreau : L'écologie c’est la célébration de la vie. (photos C.V.)
Nous avons rencontré Coline Serreau à la Motte Chalancon puis ce jour à l’Albenc (38). Cette femme est extraordinaire, sensible, lucide, écologiste, féministe et fière de ces (ses) choix sans ambiguïté. Et nous à APIS on l’aime bien. Elle prépare, pour Janvier 2010 (les Rencontres de l’ Ecologie de Die ?), un documentaire sur l’agriculture intitulé Solutions locales pour un désordre global. Il parlera beaucoup de l’humus, du sol, des alternatives ... Le sol, c’est quarante centimètres qui nourrissent l’humanité. Mais s’il ne contient pas, par millions, des microbes, des vers de terre et des champignons, il est infertile. C’est un milieu dont on sait peu de choses, sinon qu’il nous est vital. Les agronomes Claude et Lydia Bourguignon, qui sont le pivot de mon film, en parlent très bien. On a tué cette vie en y déversant des tonnes d’engrais et de pesticides. Surtout en France, qui en est le premier consommateur européen. Quand on sait qu’un grain de potasse tue une grenouille, on comprend l’étendue des dégâts.
Dans un creuset conscientisant.
J’ai été élevée à Dieulefit, cet adorable village de pierres chaudes blotti au cœur de la Drôme qui respire la paix et le repos. De 1940 à la Libération, de nombreux enfants et intellectuels juifs, ainsi que des communistes ou des républicains espagnols, y trouvent en effet refuge. Au cœur de la Drôme, le bourg cultive depuis des siècles une tradition de tolérance qui a permis à la majorité catholique et à la forte minorité protestante de vivre en bonne intelligence. Sous le régime de Vichy, des filles de pasteurs, qui s'étaient consacrées aux enfants difficiles, décident de prendre la défense des persécutés en fondant l'école de Beauvallon, où enseigneront des réfugiés allemands, polonais ou français. Parmi ces héros d’une résistance sans bruit, parce que toute naturelle, se détachent des personnalités fortes, étranges, comme celles des «demoiselles Marguerite Soubeyran et Catherine Kraft», fondatrices de l’école de Beauvallon, à l’écart du bourg. À l’origine, une école-pensionnat pour les gamins difficiles, les « cas lourds », les indisciplinés. Des pionnières de ces « écoles nouvelles » semées dans l’avant-guerre aux marges de l’école officielle et qui, après 1968 (et Ivan Illich), connaîtraient un regain de vigueur. Des écoles de la liberté et de la responsabilité. Pol Arcens, catholique breton, ouvre de son côté l'école la Roseraie. À la mairie, où Vichy avait placé un maire-colonel dont on ne sait s’il fit preuve d’aveuglement ou de passivité délibérée, une jeune employée de vingt ans, Jeanne Barnier, confectionne des centaines de fausses cartes, fabrique des tampons officiels, des faux papiers et inventent des noms d'emprunt pour leurs protégés, enfants ou adultes. Un havre de solidarité se constitue en silence… De quoi justifier le titre de «pays des Justes»,
La Terre vue de la terre.
Nous avons rencontré Coline Serreau à la Motte Chalancon puis ce jour à l’Albenc (38). Cette femme est extraordinaire, sensible, lucide, écologiste, féministe et fière de ces (ses) choix sans ambiguïté. Et nous à APIS on l’aime bien. Elle prépare, pour Janvier 2010 (les Rencontres de l’ Ecologie de Die ?), un documentaire sur l’agriculture intitulé Solutions locales pour un désordre global. Il parlera beaucoup de l’humus, du sol, des alternatives ... Le sol, c’est quarante centimètres qui nourrissent l’humanité. Mais s’il ne contient pas, par millions, des microbes, des vers de terre et des champignons, il est infertile. C’est un milieu dont on sait peu de choses, sinon qu’il nous est vital. Les agronomes Claude et Lydia Bourguignon, qui sont le pivot de mon film, en parlent très bien. On a tué cette vie en y déversant des tonnes d’engrais et de pesticides. Surtout en France, qui en est le premier consommateur européen. Quand on sait qu’un grain de potasse tue une grenouille, on comprend l’étendue des dégâts.
Dans un creuset conscientisant.
J’ai été élevée à Dieulefit, cet adorable village de pierres chaudes blotti au cœur de la Drôme qui respire la paix et le repos. De 1940 à la Libération, de nombreux enfants et intellectuels juifs, ainsi que des communistes ou des républicains espagnols, y trouvent en effet refuge. Au cœur de la Drôme, le bourg cultive depuis des siècles une tradition de tolérance qui a permis à la majorité catholique et à la forte minorité protestante de vivre en bonne intelligence. Sous le régime de Vichy, des filles de pasteurs, qui s'étaient consacrées aux enfants difficiles, décident de prendre la défense des persécutés en fondant l'école de Beauvallon, où enseigneront des réfugiés allemands, polonais ou français. Parmi ces héros d’une résistance sans bruit, parce que toute naturelle, se détachent des personnalités fortes, étranges, comme celles des «demoiselles Marguerite Soubeyran et Catherine Kraft», fondatrices de l’école de Beauvallon, à l’écart du bourg. À l’origine, une école-pensionnat pour les gamins difficiles, les « cas lourds », les indisciplinés. Des pionnières de ces « écoles nouvelles » semées dans l’avant-guerre aux marges de l’école officielle et qui, après 1968 (et Ivan Illich), connaîtraient un regain de vigueur. Des écoles de la liberté et de la responsabilité. Pol Arcens, catholique breton, ouvre de son côté l'école la Roseraie. À la mairie, où Vichy avait placé un maire-colonel dont on ne sait s’il fit preuve d’aveuglement ou de passivité délibérée, une jeune employée de vingt ans, Jeanne Barnier, confectionne des centaines de fausses cartes, fabrique des tampons officiels, des faux papiers et inventent des noms d'emprunt pour leurs protégés, enfants ou adultes. Un havre de solidarité se constitue en silence… De quoi justifier le titre de «pays des Justes»,
La Terre vue de la terre.
Dans nos grandes terres agricoles, il n’y a plus de vie. Le sol ressemble à du plastique. On ne peut plus rien y faire pousser sans produits toxiques. En plus, les semences hybrides que les paysans sont obligés d’utiliser ont été sélectionnées pour leur gourmandise en intrants chimiques. Alors que des milliers de variétés, parfaitement adaptées à chaque terroir, économes en eau, ont été éliminées. Le vivant est confisqué par des multinationales qui rendent les gens malades. Souvent, ce sont les mêmes firmes qui produisent des médicaments. La boucle est bouclée ! Sans compter que les pesticides et les médicaments sont des dérivés du pétrole : que se passera-t-il quand il n’y en aura plus ? On se dirige vers un crise alimentaire massive. Et, parallèlement, des millions d’hectares sont mobilisés pour produire des agrocarburants.
Valoriser les Alternatives. Elle a couru le monde à la recherche de solutions. En Ukraine, j’ai rencontré un agriculteur qui fait du bio depuis trente ans sur 8 000 hectares, avec des rendements extraordinaires. En Inde, j’ai interviewé Vandana Shiva – leader des altermondialistes mondiaux – et Muhammad Yunus – créateur du concept de micro-crédit. J’ai filmé le mouvement des « sans terre » au Brésil. En Suisse, j’ai échangé avec les théoriciens de la décroissance Gilbert Rist et Marie-Dominique Perrot. Au Maroc, j’ai assisté à des stages organisés par l’association de Pierre Rabhi, Terre et Humanisme. Et chez nous, j’ai vu Dominique Guillet, de Kokopelli – qui défend les semences anciennes –, l’économiste Serge Latouche, les philosophes Jean-Claude Michéa et Patrick Viveret, l’agriculteur Philippe Desbrosses et encore Antoinette Fouque, fondatrice du MLF, Mouvement de libération des femmes. Le plus étonnant, c’est que tous, partout, disent la même chose, citent les mêmes solutions, très simples.
Quelles sont donc ces alternatives ? Relocaliser l’agriculture, multiplier les fermes à taille humaine, qui intègrent les cultures, l’élevage et la sylviculture. En France, tous les cochons sont concentrés en Bretagne, qui est envahie par le lisier, et celui-ci pollue les nappes. Alors que dans la Beauce, il n’y a pas de lisier pour fertiliser les terres. On marche sur la tête !
Le retour des paysans. Il faudrait faire retourner à la terre les millions de paysans partis dans les villes et les bidonvilles. Évidemment, bien les payer. Et ne plus subventionner l’agriculture chimique qui a déclaré la guerre à la nature. Il faudrait boycotter les semences hybrides, les intrants chimique et les pesticides. Partout où les gens appliquent cela, ils vivent très bien. J’ai été frappée par la détresse extrême que produit le système actuel et par le bonheur de ceux qui vivent d’une agriculture biologique. Retourner à la terre, ce n’est pas renoncer aux progrès, plutôt aux anxiolytiques. J’ai vu des paysans qui mangent bien, qui ne sont pas étranglés financièrement. Ils sont libres, autonomes. En France, cela se traduit par les Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). J’en ai filmé une en banlieue parisienne. L’agriculteur a 70 clients et une liste d’attente de 50 personnes. Beaucoup de gens veulent y adhérer. En fait, il n’y a pas assez de paysans et de terres. L’argent de nos impôts va aux grands agriculteurs qui tuent la terre.
Confiance en la Société Civile. Ah ! Ce Grenelle ? On parle de l’environnement, c’est déjà ça. Mais je n’attends rien des politiques. Je ne crois pas non plus à l’efficacité des gestes individuels. Rouler à vélo, trier ses poubelles, manger bio, c’est très bien. Cela ne suffira pas. Et cela rapetisse le débat. Il y a un grand combat politique, une révolution à mener tous ensemble. Les citoyens pourraient exiger, par exemple, un périmètre de sécurité alimentaire en bio autour de chaque village, de chaque ville. L’idée serait de mettre des terres et des techniques agricoles bios à la disposition de gens qui seraient payés par les communes pour s’en occuper. Nous allons devoir
imaginer des solutions radicales. Changer de modèle, mettre d’autres gens au pouvoir. On n’a pas le choix. Ce sera très vite une question de vie ou de mort.
Pourquoi je me lance dans ce combat ? Ce projet est né de ma rencontre avec Pierre Rabhi. On a sympathisé et je l’ai interviewé. Puis le film a grandi, comme un arbre. Il s’inscrit dans la même veine que La Crise ou La Belle Verte (une film mythique qui sort en CD et livre ce 09 septembre chez ActSud pour les écolos qui ont de l’humour), et qui avaient quelques années d’avance. Dans mes films, il y a toujours une réflexion sur la société. En fait, depuis le début, je ne mène qu’un combat, contre la violence mortifère et pour la vie. L’écologie, c’est la célébration de la vie.
L’avenir c’est vous. Comment voir l’avenir ? Sombre à court terme et clair à long terme. Tout pourrait être facile si l’on s’y mettait tout de suite. Mais on ne bougera pas tant qu’on n’aura pas vécu la tempête. On n’a pas une vision globale. On ne croit pas au réchauffement climatique puisqu’on ne le voit pas. Et les gens ont des soucis au quotidien : on est au chômage, on est malade… Ils aimeraient manger bio mais ils trouvent ça cher. Et on manque tous de temps. Donc on achète un paquet de chips, un plat cuisiné… Cela ne sert à rien de faire la morale aux gens. La société commence à changer. Avec mon dernier film, j’essaie de préparer des outils pour le moment où les gens devront penser et agir autrement.
Claude Veyret pour APIS
Veyret.claude@wanadoo.fr
Tel : 04 75 21 00 56
Valoriser les Alternatives. Elle a couru le monde à la recherche de solutions. En Ukraine, j’ai rencontré un agriculteur qui fait du bio depuis trente ans sur 8 000 hectares, avec des rendements extraordinaires. En Inde, j’ai interviewé Vandana Shiva – leader des altermondialistes mondiaux – et Muhammad Yunus – créateur du concept de micro-crédit. J’ai filmé le mouvement des « sans terre » au Brésil. En Suisse, j’ai échangé avec les théoriciens de la décroissance Gilbert Rist et Marie-Dominique Perrot. Au Maroc, j’ai assisté à des stages organisés par l’association de Pierre Rabhi, Terre et Humanisme. Et chez nous, j’ai vu Dominique Guillet, de Kokopelli – qui défend les semences anciennes –, l’économiste Serge Latouche, les philosophes Jean-Claude Michéa et Patrick Viveret, l’agriculteur Philippe Desbrosses et encore Antoinette Fouque, fondatrice du MLF, Mouvement de libération des femmes. Le plus étonnant, c’est que tous, partout, disent la même chose, citent les mêmes solutions, très simples.
Quelles sont donc ces alternatives ? Relocaliser l’agriculture, multiplier les fermes à taille humaine, qui intègrent les cultures, l’élevage et la sylviculture. En France, tous les cochons sont concentrés en Bretagne, qui est envahie par le lisier, et celui-ci pollue les nappes. Alors que dans la Beauce, il n’y a pas de lisier pour fertiliser les terres. On marche sur la tête !
Le retour des paysans. Il faudrait faire retourner à la terre les millions de paysans partis dans les villes et les bidonvilles. Évidemment, bien les payer. Et ne plus subventionner l’agriculture chimique qui a déclaré la guerre à la nature. Il faudrait boycotter les semences hybrides, les intrants chimique et les pesticides. Partout où les gens appliquent cela, ils vivent très bien. J’ai été frappée par la détresse extrême que produit le système actuel et par le bonheur de ceux qui vivent d’une agriculture biologique. Retourner à la terre, ce n’est pas renoncer aux progrès, plutôt aux anxiolytiques. J’ai vu des paysans qui mangent bien, qui ne sont pas étranglés financièrement. Ils sont libres, autonomes. En France, cela se traduit par les Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). J’en ai filmé une en banlieue parisienne. L’agriculteur a 70 clients et une liste d’attente de 50 personnes. Beaucoup de gens veulent y adhérer. En fait, il n’y a pas assez de paysans et de terres. L’argent de nos impôts va aux grands agriculteurs qui tuent la terre.
Confiance en la Société Civile. Ah ! Ce Grenelle ? On parle de l’environnement, c’est déjà ça. Mais je n’attends rien des politiques. Je ne crois pas non plus à l’efficacité des gestes individuels. Rouler à vélo, trier ses poubelles, manger bio, c’est très bien. Cela ne suffira pas. Et cela rapetisse le débat. Il y a un grand combat politique, une révolution à mener tous ensemble. Les citoyens pourraient exiger, par exemple, un périmètre de sécurité alimentaire en bio autour de chaque village, de chaque ville. L’idée serait de mettre des terres et des techniques agricoles bios à la disposition de gens qui seraient payés par les communes pour s’en occuper. Nous allons devoir
imaginer des solutions radicales. Changer de modèle, mettre d’autres gens au pouvoir. On n’a pas le choix. Ce sera très vite une question de vie ou de mort.
Pourquoi je me lance dans ce combat ? Ce projet est né de ma rencontre avec Pierre Rabhi. On a sympathisé et je l’ai interviewé. Puis le film a grandi, comme un arbre. Il s’inscrit dans la même veine que La Crise ou La Belle Verte (une film mythique qui sort en CD et livre ce 09 septembre chez ActSud pour les écolos qui ont de l’humour), et qui avaient quelques années d’avance. Dans mes films, il y a toujours une réflexion sur la société. En fait, depuis le début, je ne mène qu’un combat, contre la violence mortifère et pour la vie. L’écologie, c’est la célébration de la vie.
L’avenir c’est vous. Comment voir l’avenir ? Sombre à court terme et clair à long terme. Tout pourrait être facile si l’on s’y mettait tout de suite. Mais on ne bougera pas tant qu’on n’aura pas vécu la tempête. On n’a pas une vision globale. On ne croit pas au réchauffement climatique puisqu’on ne le voit pas. Et les gens ont des soucis au quotidien : on est au chômage, on est malade… Ils aimeraient manger bio mais ils trouvent ça cher. Et on manque tous de temps. Donc on achète un paquet de chips, un plat cuisiné… Cela ne sert à rien de faire la morale aux gens. La société commence à changer. Avec mon dernier film, j’essaie de préparer des outils pour le moment où les gens devront penser et agir autrement.
Claude Veyret pour APIS
Veyret.claude@wanadoo.fr
Tel : 04 75 21 00 56
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