Le géant des pesticides Monsanto jugé «responsable» de l'intoxication d'un agriculteur français…
(Photo : Victime d’une intoxication en 2004, Paul François, originaire de Charente, soulève la responsabilité du géant de l’agroalimentaire Monsanto basé à Bron, au tribunal de Lyon, le 12 décembre 2011).
Pour la première fois en France, la responsabilité de la firme américaine dans la maladie d'un agriculteur est reconnue par la justice...
La firme d’agrochimie américaine Monsanto a été condamnée lundi, pour la première fois en France, pour l’intoxication d’un agriculteur. Paul François, cultivateur de céréales en Charente, avait assigné Monsanto en justice après avoir été intoxiqué par des vapeurs de pesticides qui seraient la cause de ses malaises et troubles neurologiques. Le tribunal de Lyon a tranché en sa faveur et Monsanto devra lui verser des dommages et intérêts après une expertise qui évaluera les préjudices subis par Paul François.
«Cette décision est historique»
Le jugement du tribunal de grande instance de Lyon indique que «Monsanto est responsable du préjudice de Paul François suite à l'inhalation du produit Lasso», une décision qui pourrait ouvrir la voie à d’autres procès. «Le tribunal a reconnu le lien de causalité entre la maladie de Paul François et l'inhalation du Lasso», a déclaré Me Stéphane Teyssier, l'un des avocats du plaignant. «L'exposition au produit Lasso a été reconnue responsable de son préjudice et Monsanto sera désormais obligé d'informer ses clients des conséquences sur la santé de ses produits», a-t-il ajouté. «Cette décision est historique. Elle fera jurisprudence pour tous les dossiers similaires car nombre d'agriculteurs sont dans la même situation».
Défenseur de Monsanto, Me Jean-Philippe Delsard s'est déclaré «déçu» de cette décision. «Nous avions estimé qu'il n'y avait pas d'éléments suffisants pour établir un lien de cause à effet entre les symptômes de Paul François et une éventuelle intoxication au chlorobenzène mais le tribunal a dit le contraire», a-t-il déclaré à la sortie de l'audience. L'avocat entend examiner avec la direction de Monsanto la possibilité de faire appel de cette décision.
Victime d'un herbicide, Paul François assure que la firme connaissait les dangers du produit...
C'est l'histoire du pot de terre contre le pot de fer. La terre est celle dont Paul François se sert pour cultiver des céréales en Charente. Le fer est celui du bidon d'herbicide, dont les vapeurs l'ont intoxiqué en avril 2004.
Ce lundi après-midi à partir de 13h30, Paul François sera au tribunal de Lyon. L'audience se tiendra devant la 4e chambre civile du tribunal de grande instance (TGI). En face de lui, il retrouvera les représentants de Monsanto. C'est le premier procès de ce genre qui concerne en France le géant américain de l'agrochimie. «Nous allons apporter la preuve que Monsanto connaissait la dangerosité de l'herbicide Lasso, nous a confié Paul François. Si j'avais été prévenu, j'aurai pris plus de précautions.»
Sur un lit d'hôpital pendant cinq mois
Mais l'agriculteur n'était pas au courant. En voulant nettoyer une cuve, il a donc inhalé les vapeurs de ce pesticide. Malaises et troubles neurologiques l'ont cloué sur un lit d'hôpital pendant cinq mois. Le lien entre son accident du travail et sa maladie a déjà été établi par le tribunal des affaires sociales et sanitaires en 2008. «Aujourd'hui, je veux faire reconnaître la responsabilité de la firme», poursuit-il.
Pour cela, l'agriculteur a regardé comment ce pesticide avait été géré à l'étranger. Il s'est aperçu que la Belgique l'avait retiré du marché en 1991. Et le Canada, encore avant. «En France, nous avons attendu 2007, assure-t-il. Je risque de poser la question aux autorités.» D'abord, il veut s'occuper de Monsanto et de ses collègues. «Si mon procès peut éviter à d'autres gars de crever…»
Les victimes de pesticides parlent
En mars, Paul François a créé l'association Phyto-Victimes pour aider les agriculteurs malades. «C'est difficile, lâche-t-il. Car on culpabilise souvent les paysans en leur disant qu'ils n'avaient qu'à pas utiliser de pesticides.»
Il n'empêche, 150 agriculteurs l'ont ainsi contacté pour lui faire part de leurs problèmes de santé liés aux pesticides.
Audrey Chauvet
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