La Ligue des droits de l’homme pointe les féodalités françaises
Le rapport annuel sur l’état des droits dans l’Hexagone dénonce un système qui, à l’échelon local et national, «asphyxie» la démocratie.
L’objectif est simple : «Réinventer la politique.» C’est l’atteindre qui s’annonce compliqué. Dans son rapport annuel sur «l’état des droits de l’homme en France», que Libération détaille, la Ligue des droits de l’homme (LDH) entend imaginer un «autre avenir». Prudemment, elle y met un point d’interrogation, justifié, vu l’étendue du «désenchantement démocratique» noté par son président, Pierre Tartakowsky : depuis les débâcles financières, les citoyens ont la certitude que «la "vraie politique" se joue sans eux».
Ce n’est pas la campagne en cours qui va les contredire. Celle-ci «vérifie l’échec de la société civile à se faire entendre», déplore Tartakowsky, plutôt sceptique sur l’éventuel «changement» à venir : «On peut avoir une alternance politique. Mais je ne sens pas une alternance de projet politique.»
Carrières. Aussi, la LDH s’attaque au système politique français. Ce «modèle monarchique» qui, de l’échelon présidentiel aux potentats locaux, «asphyxie» la démocratie. «Dans aucun pays on ne voit les mêmes gens en place depuis trente ans !» peste Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la LDH. Visé : le cumul des mandats ou des fonctions, auquel il faut «mettre fin partout», comme il convient d’interdire cette «rééligibilité indéfinie» qui permet aux carrières politiques de s’étaler sur des décennies.
Appliqué aux échelons locaux, le système induit un «partage du territoire» malsain, où de grandes «féodalités» ont d’abord besoin, pour garder leur pouvoir, que rien ne change. «Un grand maire de gauche a parfois intérêt à ce que Sarkozy reste au pouvoir», déplore Dubois.
Un tel système produit «un terrible décalage entre la représentation politique et la réalité d’une société en pleine transformation, écrivent Jean-Pierre Dubois et Stéphane Hessel, qu’il s’agisse de la place faite aux femmes, aux jeunes ou à la diversité des origines et des cultures».
Pour grappiller un peu d’oxygène, Dubois propose de s’inspirer de l’Italie, via son «référendum d’abrogation». Qui permet à 500 000 citoyens d’obtenir un référendum pour décider de l’abrogation d’une loi : «Il y en a eu une trentaine depuis trente ans, aboutissant à un tiers d’abrogations.» Les Italiens ont ainsi voix au chapitre, ce dont les Français auraient bien besoin, affirme Dubois : «Les gens ne supportent plus un système seulement représentatif.»
Verrouillée par le parti majoritaire qui «détient tous les moyens efficaces d’information et de contrôle», l’Assemblée nationale «n’est même pas le lieu des annonces et des débats de fond», rappellent Dubois et Hessel. Autre faiblesse : ni les autorités «indépendantes» ni le Conseil constitutionnel, composé sans «pluralisme ni indépendance», ne jouent leur rôle de garants des droits.
«Fruit bâtard». Ainsi, le pouvoir présidentiel se retrouve «sans limites ni contrôles réellement efficaces». Situation aggravée par le statut «royal» du président de la République, et la façon dont l’actuel locataire de l’Elysée a organisé ce que Tartakowsky appelle «un mécanisme de captation, fruit bâtard de connivences, d’arrangements et de faits du prince».
En ressort l’impression, via l’affaire Bettencourt, d’une «société fin de race», côté riches, et en quête de boucs émissaires, avec la «névrose obsessionnelle de l’étranger», et «la crainte du pauvre, assimilé à un "profiteur"». Sans oublier les jeunes, ciblés comme «classe dangereuse». Au total, les populations fragiles, «choisies pour leur faible capacité à cristalliser un mouvement de solidarité», subissent cette «mécanique infernale» fonctionnant sur une «vision détestable du monde» où les uns s’opposent aux autres.
A l’inverse, la LDH souhaite plus de solidarité. Et «il n’y a pas de fatalité à aller vers toujours moins de droits et de services publics», écrit Gérard Aschieri. L’ancien syndicaliste de la FSU relève les contradictions du gouvernement en la matière : en 2008, il louait les avantages d’un modèle social dont les services publics et le système de protection sociale servaient d’«amortisseurs» à la crise. En 2011, il s’employait à le dénoncer «comme source de gaspillages, de fraude, d’inefficacité».
Autres soucis pour la LDH : les attaques contre les étrangers. Ironique, Evelyne Sire-Marin cite, comme inspiratrice du gouvernement… Ma Dalton : «Etranger, nous avons tout pour te recevoir, un hôtel, une prison et un cimetière.» Sarkozy a réussi «à réunir dans un même combat les plus illettrés des travailleurs sans papiers et les plus diplômés des étudiants étrangers», tous priés d’aller voir ailleurs. La magistrate détecte un «pourrissement de la fraternité, qui sent très fort les années 30». Plus prosaïquement, Sire-Marin s’élève contre une Inspection générale des services de police«dans laquelle ce sont les policiers qui s’inspectent eux-mêmes». Une autorité indépendante, avec policiers, parlementaires et magistrats, serait plus adaptée. Mais c’est, comme le cumul des mandats, un autre archaïsme français.
MICHEL HENRY
LDHrhonealpes@aol.com
04 79 28 21 20
04 79 28 21 20
Section Dioise
Chastel et Bassette
26150 Die
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire