Une histoire de goût
À quand remonte la dernière fois que vous vous êtes vraiment régalés d'une tomate pleine de soleil, que vous avez goulûment planté vos crocs dans sa pulpe gorgée de saveurs ? Cela m'est arrivé cet été, quand nous avons échangé avec des amis un peu de maintenance informatique contre un panier de légumes de leur jardin. Parce que ce n'est pas dans les supermarchés que je risque de croiser des fruits pareils. Même plus au marché du bled, où les tomates ont la même gueule lisse et le même manque de goût et de texture que celles de la grande distribution. Toujours les mêmes petites boules dures et imputrescibles que l'on peut oublier sans dommage pendant plus d'un mois au fond du frigo. Toujours les mêmes légumes, un de chaque sorte, été comme hiver... déprimant, pas bon, pas envie. Des années de recherches agronomiques pour ça : des trucs qui poussent hors sol, hors saison, hors goût, qui peuvent passer des jours et des jours en chambres froides sans bouger, qui peuvent sauter d'un continent à l'autre, qui se logent dans des petites cases normées, optimisation de l'espace, rentabilité maximum.Je me souviens d'une boutade des années 80, où l'on disait que l'Europe ne servait à rien, si ce n'est à calibrer les concombres... sauf que ça, ce n'était pas rien. C'était tout. Notre droit à manger de bonnes choses contre leur impératif de profit à tout prix. Aujourd'hui, les légumes sont bien calibrés, bien chers et bien dégueulasses. Du coup, ils ont pondu du marketing sous couvert de santé pour nous faire avaler la couleuvre : il faut manger 5 fruits et légumes par jour. Il faut bouffer leur frankenfruits, avec leurs pesticides au taquet, leurs OGM et leurs prix toujours plus élevés, parce que... c'est de la faute au gel, au manque de pluie, de soleil... marrant comme argument quand on pense deux secondes qu'il s'agit de végétaux de serres cultivés hors sol. D'ailleurs, les légumes de mes voisins, les deux pieds dans le crottin, ils n'ont pas tant souffert que cela des aléas climatiques...Tout le monde est d'accord pour dire que les légumes du jardin, c'est bien meilleur... alors quoi ? Pourquoi tous ces jardins d'agrément avec leurs fleurs stériles et leur pelouse au Roundup, que ce soit dans les bleds ou les banlieues pavillonnaires ? Ce n'est même pas une question de temps ou de pénibilité, quand on voit le temps passé à tondre l'herbe au carré, à biner autour des bégonias.À quel moment est-il devenu évident que l'autoproduction alimentaire familiale était moins importante que les fonctions ornementales?
Agnès Maillard ; Le MonolecteLe blog des agitateurs du vide. http://blog.monolecte.fr
À quand remonte la dernière fois que vous vous êtes vraiment régalés d'une tomate pleine de soleil, que vous avez goulûment planté vos crocs dans sa pulpe gorgée de saveurs ? Cela m'est arrivé cet été, quand nous avons échangé avec des amis un peu de maintenance informatique contre un panier de légumes de leur jardin. Parce que ce n'est pas dans les supermarchés que je risque de croiser des fruits pareils. Même plus au marché du bled, où les tomates ont la même gueule lisse et le même manque de goût et de texture que celles de la grande distribution. Toujours les mêmes petites boules dures et imputrescibles que l'on peut oublier sans dommage pendant plus d'un mois au fond du frigo. Toujours les mêmes légumes, un de chaque sorte, été comme hiver... déprimant, pas bon, pas envie. Des années de recherches agronomiques pour ça : des trucs qui poussent hors sol, hors saison, hors goût, qui peuvent passer des jours et des jours en chambres froides sans bouger, qui peuvent sauter d'un continent à l'autre, qui se logent dans des petites cases normées, optimisation de l'espace, rentabilité maximum.Je me souviens d'une boutade des années 80, où l'on disait que l'Europe ne servait à rien, si ce n'est à calibrer les concombres... sauf que ça, ce n'était pas rien. C'était tout. Notre droit à manger de bonnes choses contre leur impératif de profit à tout prix. Aujourd'hui, les légumes sont bien calibrés, bien chers et bien dégueulasses. Du coup, ils ont pondu du marketing sous couvert de santé pour nous faire avaler la couleuvre : il faut manger 5 fruits et légumes par jour. Il faut bouffer leur frankenfruits, avec leurs pesticides au taquet, leurs OGM et leurs prix toujours plus élevés, parce que... c'est de la faute au gel, au manque de pluie, de soleil... marrant comme argument quand on pense deux secondes qu'il s'agit de végétaux de serres cultivés hors sol. D'ailleurs, les légumes de mes voisins, les deux pieds dans le crottin, ils n'ont pas tant souffert que cela des aléas climatiques...Tout le monde est d'accord pour dire que les légumes du jardin, c'est bien meilleur... alors quoi ? Pourquoi tous ces jardins d'agrément avec leurs fleurs stériles et leur pelouse au Roundup, que ce soit dans les bleds ou les banlieues pavillonnaires ? Ce n'est même pas une question de temps ou de pénibilité, quand on voit le temps passé à tondre l'herbe au carré, à biner autour des bégonias.À quel moment est-il devenu évident que l'autoproduction alimentaire familiale était moins importante que les fonctions ornementales?
Agnès Maillard ; Le MonolecteLe blog des agitateurs du vide. http://blog.monolecte.fr
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