Hélène Blanchard, vice-présidente de la Région Rhône-Alpes en charge de l'Environnement et de la Prévention des risques vient chaque année à Die pour « les Rencontres de l’ Ecologie au Quotidien ». Elle explique pourquoi toutes les mesures actuelles de fiscalité verte sont des mesurettes, mais pas des mesures de fond. A l'heure où se discute au Sénat la loi de Finances 2009, actu-environnement pose la question de l'efficacité de la fiscalité verte comme moyen d'un développement économicosocial plus respectueux de l'environnement.
Camille Saïsset : Bonus-malus, prêt à taux zéro, crédits d'impôts, subventions… Autant de mesures de fiscalité verte adoptées pour inciter tout un chacun à agir en faveur de l'environnement. Ont elles l'effet escompté ?
Camille Saïsset : Bonus-malus, prêt à taux zéro, crédits d'impôts, subventions… Autant de mesures de fiscalité verte adoptées pour inciter tout un chacun à agir en faveur de l'environnement. Ont elles l'effet escompté ?
Hélène Blanchard : D'une façon générale, je suis très dubitative. A l'origine, la fiscalité verte a pour vocation d'inciter les entreprises et toutes les organisations qui émettent des substances polluantes à faire des efforts. Or, cette fiscalité n'a pas forcément les ambitions qu'elle s'était fixée : elle est indolore pour ces organisations. La Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP), par exemple, était au départ dédiée à un fond spécial qui alimentait les caisses de la sécurité sociale. Aujourd'hui, elle est devenue une recette budgétaire et sert de fait à équilibrer le budget général. Non seulement elle n'a plus d'effet sur l'action polluante, mais en plus, on ne peut plus la supprimer. Le bonus-malus automobile était une mesure courageuse de l'ancien ministre en charge de l'écologie, Serge Lepeltier. Aujourd'hui, le bonus-malus est devenu un argument commercial, comme la prime à la casse relancée récemment. Il est compris dans le prix de vente des voitures neuves. Les constructeurs automobiles en font un argument publicitaire. Et les premiers à en bénéficier, ce sont leurs collaborateurs qui revendent les voitures au bout de six mois. La fiscalité verte devient recette budgétaire, alors qu'elle n'est pas une fin en soit. Le drame, c'est quand cette recette fiscale environnementale va dans une caisse qui alimente une activité qui est elle même polluante... Il faut regarder le bilan coût/avantage global de chaque mesure. Sans quoi, il y a perversion du système.
CS : La fiscalité verte permet-elle un développement socio-économique équitable de la protection de l'environnement ?
HB : Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) pour l'équipement dans l'habitat a été institué en juillet 2007, dans le souci de le destiner aux personnes à revenus faibles ou modestes. Quand on regarde l'image sociologique de ceux qui accèdent aux énergies renouvelables, on constate que les revenus aidés ne sont pas dans cette catégorie. Les subventions et le PTZ sont dédiés à tous les revenus et payés après coût. N'en disposent que ceux qui n'ont pas de difficulté à avancer les frais sur investissement. Or déjà, dans l'habitat privé, beaucoup peinent à accéder à la propriété. Et s'il faut ensuite revoir la performance énergétique du logement pour sortir du tout électrique, ça revient très cher… On peut regretter le manque de volonté politique. Changer sa chaudière à gaz par une chaudière à condensation représente un surcoût correspondant exactement au montant du crédit d'impôt. Et depuis vingt ans, le coût des équipements n'a pas changé. Pourtant depuis, la recherche et l'innovation ont permis des avancées dans les performances des matériaux, avec les emplois et les besoins en formation qui en découlent. Et aujourd'hui, des produits arrivent de Chine, à moindre coût. Avec la Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), on peut agir à la marge sur les moyens de déplacement, et pourtant... En fait, toutes les mesures actuelles de fiscalité verte sont des mesurettes, mais pas des mesures de fond.
CS : Le Grenelle de l'environnement a-t-il contribué à améliorer l'efficacité de ces mesures ?
HB : Durant le Grenelle, l'aspect « obligation » m'a laissée très dubitative. Qui paye ? Souvent, c'est le consommateur. Il paye pour la collecte et le traitement des D3E, l'amélioration de la performance énergétique de l'habitat, l'accès à une électricité propre, etc. J'ai parfois peur que ça l'amène à détester l'environnement… La charge doit être partagée : il faut que les producteurs mettent sur le marché des produits qui permettent au consommateur de choisir. Et que si celui-ci choisit un produit polluant, il paye. Or aujourd'hui, en tant que ménagère et mère de famille, je constate qu'il y a parfois une différence de prix du simple au double entre un produit de base et son équivalent écoconçu ou biologique. Il nous faut jouer sur les prix et travailler à la source. L'éducation à l'environnement ne suffit pas à changer le comportement dans la consommation. C'est à nous, pouvoirs publics, d'aider les gens à œuvrer vers plus de protection de l'environnement. Après quoi l'autre, consommateur et producteur, pourra payer. C'est dans cette logique que le Conseil Régional de Rhône-Alpes aide les entreprises implantées sur son territoire à mettre sur le marché des produits écoconçus.
CS : La compensation carbone, est-ce un outil de fiscalité verte envisageable ?
HB : La logique n'est pas de dire : j'ai le droit de polluer parce que je compense, mais d'abord de tout faire pour éviter de polluer. Et ensuite, s'il y a une utilité sociale à cela, oui, on compense. Prévenir et réduire le risque sur l'environnement, disait la loi de 1976. Il y a deux ans, la région Rhône-Alpes a voulu se positionner sur le protocole de Kyoto, en effectuant un bilan carbone sur des projets diffus. Tout ce qu'on gagnait, on voulait le vendre sur le marché Carbone mis en place par la Caisse des dépôts et Consignation, pour faire comprendre que ce bien appartenait aux citoyens et leur permettre de participer directement à la lutte contre le changement climatique. En parallèle, l'Ademe mettait en place les certificats d'économie d'énergie dits « certificats blancs » pour les grands groupes, mais pas pour les collectivités. La campagne médiatique d'EDF pour inciter à changer ses ampoules par des ampoules basse consommation, ça en fait partie. Nous avons beaucoup travaillé sur ce projet, propositions statistiques et consolidations à l'appui, avec le Meeddat (ministère de l' Ecologie), la région de Barcelone et des Länder en Allemagne qui sont eux-mêmes dans cette démarche. Finalement, il y a six mois, en plein Grenelle de l'environnement, l'Etat nous a dit non, car nous allions entrer en concurrence avec les certificats blancs. Sur le plan financier, pourtant, ça n'enlevait rien à cet outil… Pour moi, ce fut un échec. Là, nous étions vraiment dans de l'action concrète. Les campagnes médiatiques des grands groupes en faveur de la protection de l'environnement, ce n’est pas ça qui va faire avancer les choses !
Camille Saïsset pour actu-environnement
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