Presse américaine : les ratés des rotatives
Crise. Lectorat en baisse, publicité en berne, coupes franches dans les effectifs : aux Etats-Unis, les journaux auront connu leur pire année en 2009.
Ce n’est plus une «érosion», mais une «avalanche», résume le New York Times. D’avril à septembre 2009, les quotidiens américains ont connu une baisse de 10,6% de leur diffusion par rapport à 2008, selon les derniers chiffres de l’Audit Bureau of Circulations (ABC, organisme qui mesure la diffusion des journaux). C’est bien la fin d’une ère où le quotidien imprimé était la «quintessence du produit de masse», constate Alan Mutter, consultant et auteur d’un blog de référence sur les journaux, Reflections of a Newsosaur («réflexions d’un newsosaure»). En 1970, 98% des foyers américains achetaient un quotidien. En 2000, ils étaient encore 53% à le faire. Ils ne sont plus que 33% aujourd’hui, souligne Mutter.
Cannibale. Le déclin avait donc commencé bien avant l’avènement d’Internet, mais il s’est nettement accéléré ces dernières années, jusqu’à l’effondrement record de 2009. La cause première reste l’affaissement de la publicité, qui oblige les éditeurs à augmenter leurs prix et réduire leurs services. En 2008, les recettes publicitaires ont baissé de 16,6%. En 2009, la Newspaper Association of America table sur un nouveau recul de 28%. Pour réduire leurs frais de distribution, beaucoup d’éditeurs renoncent à servir leurs abonnés les plus éloignés. Le San Francisco Chronicle a ainsi fait le choix de réduire ses abonnements promotionnels, pour limiter ses pertes, ce qui se traduit par un déclin record de 26% des ventes.
Sur Internet en revanche, les quotidiens américains continuent de progresser. Leurs sites ont atteint le chiffre record de 74 millions de visiteurs uniques par mois au troisième trimestre 2009, indique l’institut Nielsen Online. Cela représente 38% de tous les utilisateurs d’Internet, qui ont ainsi pris l’habitude de visiter ces grands sites d’information. Les quotidiens qui s’en sortent le mieux sont souvent ceux qui ont réussi à mettre en place des stratégies globales, combinant l’imprimé et la version en ligne. Le Wall Street Journal, qui vient de se hisser à la première place des quotidiens nationaux américains devant USA Today, compte ainsi près de 400 000 abonnés en ligne, sur un total de 2 millions de lecteurs payants.
Pour la plupart des quotidiens américains, la progression sur Internet reste pourtant cannibale, d’autant plus que les revenus publicitaires y sont aussi en recul cette année. Cet
automne, l’heure est donc encore aux plans de réductions d’effectifs dans la plupart des rédactions. Au New York Times, les plus anciens se souviennent avec nostalgie du temps où les journalistes jouaient aux cartes ou lisaient Dostoïevski en attendant leur prochain reportage. Le quotidien se payait le luxe d’une rédaction en surnombre pour être toujours au top de l’information au cas où le Titanic coulerait une nouvelle fois… En octobre, le même New York Times a annoncé un nouveau train de 100 suppressions d’emplois parmi sa rédaction (sur un total de 1 250), après une précédente réduction de 100 postes l’an dernier et une baisse de 5% des salaires cette année. Au total, les rédactions américaines en sont à un rythme de plus de 2 000 emplois de journalistes supprimés par mois, selon les chiffres de l’association professionnelle Unity. 24 511 emplois de journalistes ont été supprimés dans la presse écrite ces douze derniers mois, et 35 885 dans toute l’industrie des médias, décompte Unity.
Subventions. «L’ère de l’information», consacrée par la révolution numérique, risque de se dérouler… sans journalistes pour poser des questions et contrer les flots de propagande ou de rumeurs qui tournoient sur le Net, mettent en garde Robert W. McChesney et John Nichols, auteurs de The Death and Life of American Journalism («Vie et mort du journalisme américain»). «Pour la première fois dans l’histoire américaine, nous approchons du moment où il n’y aura plus qu’un minimum de moyens (par rapport à la taille de la nation) consacrés à la collecte d’informations», s’inquiètent ces experts. Dans le Washington Post, ils plaidaient récemment pour de nouvelles subventions fédérales aux médias indépendants. «Sauver les journaux sera peut-être impossible, écrivent-ils, mais on peut sauver le journalisme.»
LORRAINE MILLOT, (photo) Washington, correspondante de Libération
http://www.liberation.fr/medias/0101601281-presse-americaine-les-rates-des-rotatives
Lorraine Millot : Attirée par les grands pays, j’ai dû faire d’abord mes dents sur l’Allemagne, au service étranger de Libération depuis 1989, puis comme correspondante à Bonn et Berlin, de 1995 à 2003.L’Allemagne a bien surmonté mes railleries, elle en est même sortie réunifiée. De là, j’ai pu m’attaquer à la Russie, mon grand amour, qui m’a donné mes deux enfants et où j’ai été correspondante toujours pour Libération de 2003 à avril 2009.La soif de grandeur me conduit aujourd'hui aux États-Unis, pays tout neuf pour moi, mais que je sais grand et great. Ce blog est là pour partager ma découverte, vivre l’Amérique au quotidien, dénoncer les travers de mes voisins et décortiquer les réformes d'Obama.Rapporter ce qui marche et pointer ce qui bloque. Voir si le temps est venu de la redécouper en morceaux, comme on en rêve à Moscou ou ailleurs. Chercher en quoi l’Amérique est encore grande..
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