La malédiction
Les premières formes de pouvoir organisé seraient apparues au milieu du quatrième siècle avant notre ère en Mésopotamie avec le développement de digues et de travaux d’irrigation au sein de petites communautés agricoles. A la fin de ce même siècle, ces communautés sont regroupées en cités-Etats (environ une quinzaine) qui, très vite, se font la guerre entre elles. L’Histoire de l’humanité commence! On connaît la suite… Ces origines peu reluisantes semblent donner raison à Rousseau qui pointe les premiers regroupements humains comme le début des malheurs de l’humanité. Sorti de sa solitude et de son état naturel, l’être humain entamait, en même temps qu’un processus social, un processus de perversion et rentrait dans une logique de domination ou de soumission. Conscient que l’état originel garant de la pureté humaine appartenait à un passé lointain et irréversible, le philosophe préconisa la création de lois, de garde-fous censés garantir à tous le bien-être, le respect et la liberté, à condition que chaque citoyen consente à brader une partie de ses pulsions individualistes afin de créer une société harmonieuse qui, en retour, lui garantirait une liberté plus grande. Ce modèle, le Contrat social, s’adaptait particulièrement à des entités politiques de petite taille… comme la Suisse! On sait aujourd’hui que l’existence formelle de bonnes lois n’empêche pas la domination de classe, l’inégalité, la violence du pouvoir qui, telle une hydre à l’imagination débordante, sait jouer des codes et des formes pour se renouveler et se raffiner. Rousseau, conscient de cet écueil, avait dans un même élan pris le problème à la racine, c’est-à-dire dès le plus jeune âge de l’homme; paru presque en même temps que le Contrat social, Emile ou De l’éducation s’attache à déceler les conditions de l’épanouissement intellectuel et spirituel de l’enfant, futur acteur et artisan du Contrat social. Bien que réinterprété de façon douteuse par nombre de néo-pédagogues post-soixante-huitards incompétents, ce traité était bien davantage qu’une tentative de pédagogie alternative; c’était une remise en question politique fondamentale, ce que les pouvoirs de l’époque, en France puis à Genève, comprirent rapidement. Ils brûlèrent les deux ouvrages et persécutèrent leur auteur. C’est qu’il ne faisait pas bon interroger les tenants et aboutissants du pouvoir à quelque échelon que ce soit!
En Occident, nous vivons dans une démocratie de façade; les représentants politiques ne valent rien ou, dans les rares exceptions où ce n’est pas le cas, ne peuvent rien faire pour enrayer la logique de reproduction de la classe dominante. Jean-Claude Michéa, dans son ouvrage La double pensée, pointe du doigt l’hypocrisie des caciques de la «gauche», complices de légitimation de la façade démocratique d’un système pervers et foncièrement tronqué. Mais, contrairement à Rousseau, Michéa a foi dans le regroupement humain et cite en exemple la solidarité qui prévalait au début du siècle dans les quartiers populaires des villes ou au sein des villages; à l’opposé de la logique du profit, il oppose la pratique du don, le partage, l’entraide, éléments encore bien réels au sein de nos communautés il y a peu. Mais, pour cet ancien communiste, l’action politicienne n’est plus viable. C’est à la racine que se décide le contre-modèle au pouvoir capitaliste.
Au début du vingtième siècle, Jaurès, pour sa part, refusait de rejeter les possibilités parlementaires pour faire avancer la cause de l’égalité, au grand dam de nombre de ses pairs socialistes adeptes d’une rupture radicale avec l’Etat bourgeois. Mais dans le même temps, Jaurès, comme Rousseau, se battait aussi sur le terrain du didactisme et de l’éducation (ou de la ré-éducation!) via des conférences aux ouvriers, des articles de presse puis la création d’un journal destiné à parler de condition, le bien nommé L’Humanité (celui d’autrefois).
Et nous, à nos niveaux respectifs, comment agir? Je pense que, à l’instar de Rousseau et de Jaurès, nous devons accomplir la double tâche de traquer les logiques de pouvoirs globales, économiques et politiques, et de porter la contre-offensive de toutes les manières possibles, mais il nous faut aussi agir à un niveau plus microcosmique, car l’affaire n’est pas que politique, mais aussi et surtout psychologique. Ni les gauchistes, ni les curés, ni les artistes, ni qui que ce soit n’échappe à l’infernal engrenage de la manifestation du pouvoir. La pulsion de pouvoir, et il faut malheureusement donner raison à Rousseau, se manifeste à tous les échelons de la société, dans le couple, dans la famille, dans le cercle amical, dans la sphère professionnelle. Dès que trois personnes sont réunies, la pulsion maudite se manifeste. Elle peut prendre des formes perverses (mobbing, chantage affectif), franchement hostiles (insultes, répression) ou bêtement hiérarchiques, mais elle est une constante, quel que soit le cadre, la classe sociale, l’idéologie, la catégorie socioprofessionnelle, etc. Pour combattre les pouvoirs mondiaux, il faut déjà combattre le proche pervers, le collègue aigri, le supérieur abusif, etc. Comme disait Confucius: «Celui qui déplace la montagne est celui qui commence à enlever les petites pierres!»
En Occident, nous vivons dans une démocratie de façade; les représentants politiques ne valent rien ou, dans les rares exceptions où ce n’est pas le cas, ne peuvent rien faire pour enrayer la logique de reproduction de la classe dominante. Jean-Claude Michéa, dans son ouvrage La double pensée, pointe du doigt l’hypocrisie des caciques de la «gauche», complices de légitimation de la façade démocratique d’un système pervers et foncièrement tronqué. Mais, contrairement à Rousseau, Michéa a foi dans le regroupement humain et cite en exemple la solidarité qui prévalait au début du siècle dans les quartiers populaires des villes ou au sein des villages; à l’opposé de la logique du profit, il oppose la pratique du don, le partage, l’entraide, éléments encore bien réels au sein de nos communautés il y a peu. Mais, pour cet ancien communiste, l’action politicienne n’est plus viable. C’est à la racine que se décide le contre-modèle au pouvoir capitaliste.
Au début du vingtième siècle, Jaurès, pour sa part, refusait de rejeter les possibilités parlementaires pour faire avancer la cause de l’égalité, au grand dam de nombre de ses pairs socialistes adeptes d’une rupture radicale avec l’Etat bourgeois. Mais dans le même temps, Jaurès, comme Rousseau, se battait aussi sur le terrain du didactisme et de l’éducation (ou de la ré-éducation!) via des conférences aux ouvriers, des articles de presse puis la création d’un journal destiné à parler de condition, le bien nommé L’Humanité (celui d’autrefois).
Et nous, à nos niveaux respectifs, comment agir? Je pense que, à l’instar de Rousseau et de Jaurès, nous devons accomplir la double tâche de traquer les logiques de pouvoirs globales, économiques et politiques, et de porter la contre-offensive de toutes les manières possibles, mais il nous faut aussi agir à un niveau plus microcosmique, car l’affaire n’est pas que politique, mais aussi et surtout psychologique. Ni les gauchistes, ni les curés, ni les artistes, ni qui que ce soit n’échappe à l’infernal engrenage de la manifestation du pouvoir. La pulsion de pouvoir, et il faut malheureusement donner raison à Rousseau, se manifeste à tous les échelons de la société, dans le couple, dans la famille, dans le cercle amical, dans la sphère professionnelle. Dès que trois personnes sont réunies, la pulsion maudite se manifeste. Elle peut prendre des formes perverses (mobbing, chantage affectif), franchement hostiles (insultes, répression) ou bêtement hiérarchiques, mais elle est une constante, quel que soit le cadre, la classe sociale, l’idéologie, la catégorie socioprofessionnelle, etc. Pour combattre les pouvoirs mondiaux, il faut déjà combattre le proche pervers, le collègue aigri, le supérieur abusif, etc. Comme disait Confucius: «Celui qui déplace la montagne est celui qui commence à enlever les petites pierres!»
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