Pour les femmes, 2012 démarre en marche arrière
Absentes des listes UMP pour les prochaines législatives à Paris, cantonnées à l'arrière des bus israéliens ou encore oubliées dans les projets de Constitution libyenne... le sort des femmes revient au cœur de l'actualité.
L'année 2012 démarre en se trompant de vitesse : elle passe la marche arrière. Un détail simplement énervant pour les femmes occidentales, plus dramatique pour les autres.
Je me réveille jeudi en entendant un ponte UMP souffler dans mes oreilles - à la radio dois-je préciser - que son parti n'a investi que des hommes, dont lui-même, dit-il avec satisfaction, dans les circonscriptions gagnables pour la droite à Paris, virant les femmes en place : «non investies» en langage politique hypocrite. Mais, ajoute-t-il, cynique, ces courageuses pourront aller au casse-pipe (!) dans les circonscriptions sans espoir. Les lecteurs et lectrices de mon journal ne vont pas pleurer pour quelques élues de droite qui se font doubler violemment par leurs camarades de parti, mais ils devraient repérer le symptôme «air du temps». Celui que je trouve énervant dans la foulée des vœux optimistes pour une formidable année 2012.
Ma semaine avait commencé en écoutant les démocrates tunisiennes venues à Paris recevoir le prix Simone de Beauvoir 2012 que nous leur remettions. Un peu gueule de bois, ces Tunisiennes modernes descendues avec enthousiasme dans les rues, allumant l'étincelle qui a déclenché le «printemps arabe». Inquiètes, elles doivent maintenant se battre pour éviter qu'on change les lois sur la polygamie et le divorce dans la prochaine Constitution. «La question de la laïcité est plus que jamais à l'ordre du jour, dit Ahlem Belhaj, la présidente de l'association, le corps des femmes est de nouveau au centre des enjeux politiques».
Le corps des femmes ? Encore un problème politique... en 2012 ? C'est vrai que l'affaire DSK a remis, en 2011, cette question à la une des médias et des esprits, avec cette pseudo «affaire Dreyfus» (je cite) du cul. Un demi-siècle après les mouvements de libération des femmes, on pensait avoir passé le balai sur tout cela, au moins dans les démocraties occidentales. Et bien l'archaïsme c'est comme les cafards : très difficile de s'en débarrasser définitivement.
Je venais d'en voir des manifestations tragi-comiques dans une autre démocratie, en Israël. La dernière «blague juive», que j'ai racontée dans un reportage : «Les femmes doivent s'asseoir à l'arrière des bus municipaux, les hommes devant !» Les ultra-orthodoxes l'ont décidé, au nom de la Torah et de la séparation absolue des sexes. Pourtant, les Hébreux n'avaient pas dans leurs manuscrits sacrés quelques lignes indiquant par quelle porte de bus municipal une femme doit entrer ni, que je sache, ordonnant les chameaux des femmes de marcher en queue des caravanes dans le désert. Les bus à Jérusalem, mais aussi les trottoirs séparés, les femmes qui ne doivent pas chanter en public dans l'armée, élucubrations d'une minorité d'extrémistes bien sûr, mais bruyante et au gouvernement israélien, représentée par son parti Shas dans la coalition au pouvoir.
«Une infime minorité du monde orthodoxe qui méconnait les droits des citoyens d'Israël», dénonce le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, dans son premier éditorial de l'année 2012. Mais il n'envisage pas de faire descendre les femmes des balcons des synagogues françaises pour les autoriser à venir dire les prières devant les rouleaux de la loi. Aux côtés des hommes. En égales.
Faut-il s'inquiéter un peu plus en lisant, le 2 janvier, que les Libyens ont réfléchi à leur nouvel Etat, à leur nouvelle loi électorale pour leur nouvelle assemblée constituante. Et à quoi pensent les juristes libyens ? Aux femmes. Encore ! C'est le premier article : «10% des sièges seront réservés aux femmes» dans la future assemblée libyenne. Mieux que rien, va-t-on me dire. 10% pour 50% de la population, c'est déjà pas mal. Ne pas juger avec nos regards d'occidentales, déjà déprimées quand Moustafa Abdeljelil, le président du conseil national de transition, avait dès son premier discours annoncé que la polygamie ne serait plus interdite dans la Libye libérée. A peu près, avec la loi sur le divorce, le seul point positif de la longue dictature kadhafienne.
Optimiste, je n'ai pas oublié que la libération des femmes, ou plutôt l'égalité, a toujours fonctionné dans l'histoire sur le modèle «Deux pas en avant, un pas en arrière». Les révolutionnaires, les combattantes, renvoyées à la cuisine tout de suite après chaque révolution et chaque guerre mondiale. Deux pas moins un, c'est toujours un pas de plus.
Alors peut-être qu'en 2012 on pourra enfin parler d'autre chose... si l'arithmétique historique ne s'inverse pas avec deux pas en arrière.
ANNETTE LÉVY-WILLARD,
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire