La France est un drôle de
pays qui porte toujours en son sein une catégorie de gens, qui, sous prétexte
de faire le bien de leur prochain, les envoient quand ils le peuvent à la
guillotine, au goulag ou dans un camp de concentration. Les robespierristes
français font partie de cette engeance qui parle amour du peuple, mais lui
raccourcit la tête ; qui célèbre la laïcité, mais se prosterne devant
l’Etre Suprême et jouit du rituel de leur religion déiste ; qui en appelle
au bonheur de l’humanité, mais recouvre la terre de sang et de ruines, de
guerre et d’expéditions punitives en faisant des milliers de cadavres avec le
corps des petits et des sans-grades…
Certes, Robespierre écrit
contre la peine de mort ; mais, outre la décapitation de Louis XVI qu’il
vote avec enthousiasme, il envoie une quantité de gens sous le rasoir
national, y compris ses amis, du moins ceux qui croyaient qu’on pouvait être
ami avec lui. Certes, Robespierre écrit en faveur de la Vertu ; mais il
couvrait le Vice des autres, pourvu qu’ils agissent au nom de sa prétendue
Vertu – il soutient par exemple Carrier le massacreur de Nantes qui tue femmes
enceintes et enfants, qui noie les curés et le quidam quand il a décidé qu’ils
n’étaient pas « patriotes ». Certes Robespierre écrit contre la
guerre ; mais il la mène contre la Vendée et se propose d’en exterminer la
population.
Robespierre écrit, parle,
gesticule et les robespierristes se pâment devant les mots de leur héros, même
s’il fait le contraire de ce qu’il professe – peu importe : « il ne
fait pas le mal, puisqu’il a dit qu’il faisait le bien ». Etrange
inversion des valeurs, on regarde même le mal qu’il fait en disant qu’il s’agit
du bien.
Cette étrange fascination
pour le pouvoir de la parole sans le souci de l’action de celui qui parle est
l’une des causes majeures de l’aliénation, de la sujétion, de la soumission.
Elle préside à l’esprit de secte : le gourou a toujours raison pour ce
qu’il dit, peu importe ce qu’il fait. Si un tiers montre sa duplicité, sa schizophrénie,
son double langage, il est un conspirateur, un salaud, un ennemi. Croire ce qui
est dit sans souci pour de qui est fait, voilà le ciment de toutes les
entreprises totalitaires, religions comprises.
La récente reconstitution
en 3D du visage de Robespierre a permis de voir monter au créneau les sectaires
du prétendu Incorruptible. Sous une perruque poudrée, on découvre, ô sacrilège,
un visage gras, massif, aux traits épais, vérolé, à la peau verdâtre, affligé
de sarcoïdose (sic !).
Le net porte trace des
cris d’orfraie de tous ceux qui s’insurgent d’un pareil crime de lèse majesté
révolutionnaire : prétendus historiens vraiment appointés par la Sorbonne,
tribuns du Front de Gauche, fonctionnaires de l’université transformés en
révolutionnaires en peau de lapin, éditeur de bluettes révolutionnaires
radicales, sans parler des héros sans visage du net nostalgiques de la Veuve
– tous vantent les mérites de Robespierre et de la Terreur.
Certains parmi ceux-là
souhaitent la décapitation de tel ou tel nommément cité ; ils frétillent
en imaginant celui-ci ou celle là le foin dans la bouche, la tête au bout d’une
pique ; ils déplorent que pas assez de têtes n’aient été coupées. Dans
«L’Humanité», un certain Guillaume Mazeau parle même de « la politique
sociale de la Terreur » ! L’époque sent le sang…
Michel Onfray
N° 104 – Janvier 2014
La chronique mensuelle de Michel Onfray
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