Belgique : le réacteur nucléaire Doel 3 arrêté
après la découverte de potentielles fissures sur la cuve
Un contrôle de la cuve du
réacteur 3 de Doel a révélé de potentielles fissures de la cuve. Le réacteur
est arrêté dans l'attente des résultats complets. Le régulateur annonce des
tests sur les cuves de la plupart des sept réacteurs nucléaires belges.
Mardi 7 août 2012,
l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) de Belgique a annoncé que le
réacteur numéro 3 de la centrale de Doel (Flandre) sera maintenu à l'arrêt tant
qu'Electrabel, la filiale de GDF Suez qui exploite la centrale, n'aura pas
fourni "des arguments convaincants" contredisant de premiers
résultats faisant état de potentielles fissures.
"L'opinion finale
de l'AFCN se basera sur l'évaluation de sûreté du dossier complet, de même que
sur les avis de son Conseil Scientifique, et sera soumise à un audit
international", précise
l'agence. Cet événement est temporairement classé au niveau 1 de l'Echelle
internationale des évènements nucléaires (Ines), en attendant une éventuelle
réévaluation. L'arrêt de Doel 3 durera "(au moins) jusqu'au 31 août
2012".
Nombreuses indications
de potentielles fissures
Fin juillet, l'AFCN
annonçait que le réacteur Doel 3 est à l'arrêt dans le cadre d'une révision et
qu'à cette occasion "des mesures sur la cuve du réacteur ont été
réalisées au moyen d'un nouveau type de capteurs ultrasoniques".
Suite a de premiers
contrôles de la cuve du réacteur réalisés à l'aide de capteurs ultrasoniques,
l'agence fédérale rapporte que "si les résultats de ces analyses ne
sont pas encore complètement établis à ce stade, il apparaît déjà que les
capteurs ultrasoniques ont détecté sur la cuve la présence de très nombreuses
indications qui pourraient s'assimiler à de potentielles fissures". En
conséquence, "le réacteur est maintenu à l'arrêt tant que les résultats
complets n'ont pas été fournis", annonce l'AFCN précisant qu'elle "donnera
son opinion après analyse de l'ensemble des informations reçues, sans verser
dans la spéculation".
"Dans un premier
temps, Electrabel a notifié rapidement un certain nombre de constatations
anormales dans le cadre des contrôles ultrasoniques sur le réacteur de Doel
3", rapporte l'agence,
ajoutant qu'"après ces constats, Electrabel a décidé de procéder à de nouveaux
contrôles à l'aide d'un autre type de sondes ayant démontré par le passé leur
fiabilité". L'arrêt du réacteur est donc maintenu tant que l'analyse
de la deuxième série de résultats n'est pas achevée.
Contrôle de quatre
autres cuves
Par ailleurs, l'AFCN fait
le point sur les contrôles des cuves actuellement planifiés, précisant à cette
occasion quelles sont les entreprises ayant fabriqué les cuves.
"Tihange 2
[Wallonie], bientôt à l'arrêt pour révision planifiée, subira en septembre 2012
la même inspection", rapporte
l'agence, précisant qu'"en effet, Tihange 2 possède une cuve forgée par
le même fournisseur dans les années 70 (Rotterdamsche Droogdok
Maatschappij)". Tihange 1, comptes tenus de la récente décision de
prolonger de dix années supplémentaires la durée de son exploitation, subira "une
inspection de ce type (…) en 2013, sachant bien qu'il s'agit d'un autre
constructeur (Creusot)". Les cuves de Doel 4 et de Tihange 3
(construites par Japan Steel Works ) "devront à terme (…) subir
également ce même type d'inspections", annonce l'agence sans donner
plus de détail.
Quant aux réacteurs 1 et 2
de Doel, l'agence n'indique pas si elle entend contrôler la cuve.
L'ASN évoque des
"anomalies de fabrication"
De son côté, l'Autorité de
sûreté nucléaire (ASN) française publie une note d'information sur le contrôle
de Doel. Si l'ASN reprend les éléments publiés par son homologue belge, elle
ajoute cependant certaines précisions.
"Ces défauts, dont
l'origine n'est pas précisément établie à ce jour, seraient dus à des anomalies
de fabrication", avance
l'ASN. Elle ajoute par ailleurs que ces défauts ont été détectés "lors
d'un contrôle par ultrasons de toute la zone fortement irradiée de la
cuve". Et de préciser que "ce procédé était utilisé pour la
première fois sur la cuve Doel 3 et a été mis en œuvre à la demande de
l'AFCN".
Par ailleurs, elle revient
sur les contrôles effectués sur les cuves des réacteurs français. "Les
résultats de ces contrôles, réalisés en fin de fabrication puis tous les 10
ans, ne montrent pas d'anomalies similaires", annonce-t-elle,
précisant que "l'industriel hollandais qui a fabriqué la cuve de Doel 3
n'a forgé aucune pièce destinée à des cuves du parc nucléaire français".
Vingt-deux réacteurs,
dont onze en Europe
Le quotidien Le Monde
avance que 22 cuves auraient été produites par cette entreprise hollandaise qui
a depuis cessé ses activités. Neuf d'entre elles seraient installées sur des
réacteurs situés en Europe. L'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, les Pays Bas
et la Suisse disposent chacun de deux réacteurs équipés de ces cuves et la
Suède en détient un. Quant aux 11 autres cuves, elles sont installées aux
Etats-Unis (10 unités) et en Argentine (1 cuve).
L'AFP rapporte que Marlène
Holzner, la porte-parole du Commissaire à l'Energie Gunther Oettinger, a
déclaré ce jeudi que les anomalies découvertes dans la cuve d'un réacteur
nucléaire en Belgique devraient conduire au contrôle de toutes les
installations similaires dans l'UE. Cependant, elle a rappelé que "la
Commission européenne peut faire des recommandations, mais elle ne peut pas
obliger".
Le nucléaire belge La Belgique dispose de sept réacteurs répartis sur deux
sites dont l'activité court jusqu'à 2025, conformément au plan de sortie du
nucléaire qui prévoit la fermeture des réacteurs après quarante ans d'activité.
Le site de Doel est équipé de quatre réacteurs. Les deux premiers seront arrêtés en 2015 et les deux autres entre 2022 et 2025.
La centrale de Tihange accueille trois réacteurs dont l'arrêt définitif doit intervenir entre 2022 et 2025. Le premier réacteur devait initialement être arrêté en 2015, mais, le gouvernement belge a rallongé de dix ans sa durée de vie, la portant à 50 sa durée de vie.
Le site de Doel est équipé de quatre réacteurs. Les deux premiers seront arrêtés en 2015 et les deux autres entre 2022 et 2025.
La centrale de Tihange accueille trois réacteurs dont l'arrêt définitif doit intervenir entre 2022 et 2025. Le premier réacteur devait initialement être arrêté en 2015, mais, le gouvernement belge a rallongé de dix ans sa durée de vie, la portant à 50 sa durée de vie.
Soupçons sur les cuves de 22 réacteurs nucléaires
La sûreté de 22 réacteurs nucléaires de huit pays va devoir être revue, après la découverte, en Belgique, de "potentielles fissures" sur la cuve du réacteur numéro 3 de la centrale de Doel, située près d'Anvers.
Ces défauts révélés, mardi 7 août, par l'Agence fédérale de contrôle nucléaire(AFCN) belge, pourraient aussi affecter un autre réacteur du pays, celui de Tihange 2, dont la cuve a été fournie par le même fabricant, le groupe néerlandais Rotterdamsche Drogdok Maatschappij, qui a depuis cessé ses activités.Mais la Belgique n'est pas seule concernée. Le groupe hollandais a fabriqué les cuves de vingt autres réacteurs, installés pour dix d'entre eux aux Etats-Unis et, pour les autres, en Allemagne (2), en Argentine (1), en Espagne (2), aux Pays Bas (2), en Suède (1) et en Suisse (2). Il est donc possible que les mêmes défauts soient présents sur ces installations.
Le combustible nucléaire ayant été déchargé pour la révision, "il n'y a aucun danger pour la population, les travailleurs et l'environnement", soulignent l'AFCN et Electrabel, la filiale belge du groupe français GDF-Suez qui exploite l'installation.
DES DÉFAUTS VIEUX DE 30 ANS, MAIS JAMAIS DÉTECTÉS
La nature de ces défauts, probablement présents dès la construction mais qui avaient échappé pendant trente ans aux ingénieurs d'Electrabel, doit être précisée par des tests complémentaires qui vont nécessiter "quelques mois de travail", a expliqué, mercredi 8 août, un porte-parole de l'électricien. "Il faut vérifier si ces anomalies peuvent se transormeren fissures ou s'il y a déjà des fissures", a pour sa part souligné l'AFCN.
Les défauts constatés n'ont pas entraîné de fuites d'éléments radioactifs – qui auraient été nécessairement détectées – durant les phases de fonctionnement du réacteur. Mais, commente François Balestreri, de l'Institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français, ils montrent que "la qualité de fabrication n'est pas au plus haut niveau".
La cuve d'un réacteur qui en enferme le cœur, c'est-à-dire les barres de combustible et le circuit primaire de refroidissement, mesure 13 m de haut pour un diamètre extérieur de 4,4 m et un poids de plus de 300 tonnes. Elle est composée d'éléments en acier de 20 cm d'épaisseur, soudés entre eux. Les anomalies détectées risquent de produire des fissures verticales, qui fragilisent davantage la structure que si elles étaient horizontales, indique dans un courriel interne le directeur de l'AFCN, Willy De Roovere.
L'agence de contrôle belge ne donnera son feu vert au redémarrage de Doel 3 que si des "arguments convaincants" sont fournis par Electrabel. En attendant, il restera à l'arrêt "au moins jusqu'au 31 août". Dans sa note diffusée en interne, le patron de l'AFCN n'exclut pas un arrêt définitif dans le "pire des cas". "Les problèmes paraissent assez graves pour empêcher le réacteur de redémarrer", estime aussi l'IRSN.
Le même sort pourrait être réservé au réacteur numéro 2 de la centrale de Tihange, près de Liège. Mis en service en 1983, et doté d'une cuve elle aussi fabriquée par la firme de Rotterdam, il doit être mis à l'arrêt dans les prochains jours pour révision. Il fera l'objet d' analyses ultrasoniques dont les résultats sont attendus fin septembre. L'AFCN prône l'inspection à terme des cinq autres réacteurs belges, même si leurs cuves ont été fabriquées par le français Creusot ou le japonais Japan Steel .
EN FRANCE, DE MULTIPLES CONTRÔLES
En France, les cuves des 58 réacteurs nucléaires ont toutes été fournies par Creusot-Loire (intégré depuis au groupe Areva). L'Autorité de sûreté française souligne qu'elles sont contrôlées en phase de fabrication et en phase d'exploitation, à l'occasion des visites décennales des centrales. Toutefois, EDF se dit prête à prendre en compte les expertises à venir sur les deux réacteurs belges.
En Belgique, l'arrêt plus long que prévu de Doel 3 et Tihange 2 ne devrait pae poser de problème d'approvisionnement, du moins en cette période estivale, selon le gestionnaire du réseau belge à haute tension, Elia. Mais, en cas d'arrêt définitif, le pays serait en difficulté, car il dépend à 51 % du nucléaire pour sa production d'électricité. Pour Willy De Roovere, le calendrier de sortie du nucléaire progressive qu'a adopté la Belgique "pourrait être revu".
Le gouvernement de coalition d'Elio Di Rupo avait déjà modifié en juillet ce calendrier adopté dès 2003 sous la pression des écologistes, tout en conservant le principe de fermeture des sept réacteurs belges entre 2016 et 2025. Mais selon ce scénario, les deux réacteurs de Doel et Tihange devaient être parmi les derniers à fermer. Ce plan est contesté par GDF Suez, qui a réclamé, la semaine dernière, des précisions aux autorités belges, sans lesquelles le groupe affirme ne pas pouvoir investir les sommes nécessaires à la prolongation jusqu'en 2025 du réacteur de Tihange 1. L'entreprise a déjà menacé de quitter le pays si l'environnement économique lui était trop défavorable.
L'incident met sous pression la Commission européenne, qui a assuré vouloirrépondre à toutes les craintes des citoyens sur la sûreté des installations nucléaires et dont un rapport sur le sujet est attendu à l'automne.
Pierre Le Hir et Intérim (à Bruxelles)
La Commission recommande l'inspection de neuf réacteurs dans l'UE Les
anomalies découvertes dans la cuve d'un réacteur nucléaire en Belgique
devraient conduire au contrôle de toutes les installations similaires
dans l'Union européenne, mais cette décision appartient aux Etats et la
Commission n'a pas le pouvoir de l'imposer, selon un de ses
porte-parole. "Les autorités vont faire ces contrôles, cela semble évident", a déclaré, jeudi 9 août, Marlène Holzner, la porte-parole du commissaire à l'énergie, Gunther Oettinger. "La Commission européenne peut faire des recommandations, mais elle ne peut pas obliger", a-t-elle insisté.
Pierre Le Hir
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