Habitat et Humanisme : Bernard Devert souhaite "intensifier les villes"
Le fondateur d’Habitat et Humanisme, le père Bernard Devert, lance un appel pour "s’opposer fermement à l’injustice qu’est l’absence ou l’indécence du logement". Il préconise une série de "réponses crédibles et urgentes pour atténuer le mal logement".
Parmi elles, un dispositif d’assurance contre le risque locatif et un
programme de construction en zones tendues. Ce Lyonnais qui est devenu
la figure incontournable du logement social en France, sera
prochainement reçu au ministère du Logement.
S.B. : Quel tableau peignez-vous de l’état du logement en France en 2012 ? Bernard Devert : Il y a une réelle crise en matière de logement dans notre pays. Le nier, ce serait fermer les yeux sur une situation grave. 650 000 personnes n’ont pas de logement et 130 000 sont dans la rue. Mais ces chiffres occultent encore des milliers d’autres qui vivent dans des conditions insalubres. La crise du logement ne cesse de s’accentuer avec l’augmentation de la précarité, la hausse du chômage, les situations de rupture familiale. Il faut reconnaitre que le monde a mal. L’ascenseur social ne fonctionne plus et certains ne peuvent même plus aujourd’hui monter les quelques marches qui mènent à un logement décent.
Le système de logement social n'est-il pas grippé ?
Il faut permettre aux personnes d'accéder à un logement en corrélation avec leurs revenus. Selon l’Union nationale de la propriété immobilière, 380 000 logements du parc public ou para-public seraient occupés par des ménages disposant de revenus largement supérieurs aux règles d’éligibilité au logement social. Les occupants peuvent néanmoins faire valoir un sur-loyer, mais je m’interroge. Peut-il être maintenu alors que tant de familles fragilisées sont dans l’impossibilité de trouver un toit décent en cohérence avec leurs ressources ?
Mais des ménages payant un sur-loyer pourraient également
C’est vrai. On pourrait également imaginer qu’une augmentation substantielle du sur-loyer pourrait offrir aux gestionnaires une latitude pour minorer les loyers des ménages très fragilisés.
En dehors du parc public, le parc privé souffre de vacances. Comment remédier à ce problème ?
D’une manière générale, il faut travailler sur les stocks. Il y a, dans les huit plus grandes agglomérations de France, près de 400 000 logements vacants. Il faut donc à la fois réduire cette vacance et libérer des logements pour les ménages disposant de ressources leur permettant d’accéder à un logement dans le parc privé. Il ne s'agit pas de jeter l’opprobre sur les propriétaires, mais plutôt de se demander quel effort peut faire l’Etat pour aider à remettre ces locations vacantes dans le circuit de la location? Que faut-il faire pour aider les propriétaires à mettre les appartements aux normes ou à effectuer des travaux par exemple ?
Une des justifications à la vacance dans le parc privé reste également le risque locatif...
Dans ce domaine, une loi existe déjà, néanmoins, elle n’a pas encore bénéficié d’un décret d’application. La mise en œuvre de ce décret atténuerait déjà la vacance. Une mutualisation du risque sur l’ensemble du parc locatif privé et public est également envisageable. Cette assurance obligatoire se présenterait avec une prime attractive (car partagée par l’ensemble du parc) qui, comme pour le risque automobile, sécuriserait les incidents de la vie. On peut même envisager un malus pour les locataires de mauvaise foi. Certains évoquent une mesure "déresponsabilisante", je ne le crois pas. Nous sommes assurés dans nos voitures, pour autant nous n'avons pas une conduite moins responsable.
Mais la gestion seule des stocks ne permet pas de répondre à la demande de logement. Faut-il alors construire aujourd’hui ?
Oui et principalement dans les zones dites tendues. Madame la ministre serait-elle prête à envisager un droit à construire dans ces zones ? Arrêtons l’étalement urbain, qui repousse les populations les plus fragiles à l’extérieur des villes, toujours plus loin. Il faut intensifier la ville. Construire, mais pas n’importe comment, avec un ratio de loyers maîtrisés, pour aboutir à la mixité sociale que nous avons toujours défendue chez Habitat et Humanisme. Mais il faut également travailler sur le foncier.
Tant qu’on ne travaillera pas sur la maîtrise du foncier, on n’éradiquera pas la crise du logement.
N’est-il pas difficile d’envisager un programme de construction en pleine crise économique, avec des investisseurs frileux ?
D’où la mise en place d’aides à la construction, l’avantage fiscal étant proportionné à l’avantage social. Ainsi, on peut parfaitement imaginer des déductions d’impôts de 20% sur 5ans, plafonnées à 300 000 euros pour les personnes investissant dans des sociétés identifiées qui affectent leur parc, pour au moins 85% à des foyers répondant aux critères d’éligibilité du Prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) ou du Prêt locatif à usage social (PLUS). Une déduction fiscale pourrait même être totalement envisageable, pour un abandon partiel du montant des loyers. Il faut avoir en tête que là où l’on supprime les béquilles fiscales, le marché s’effondre. Il est sous perfusion aujourd’hui. Et s’il est sous perfusion, c’est donc qu’il est contrôlable.
Steven Belfils
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