Nelson Mandela, quelques
jours après sa libération, lors d'une manifestation à Bloemfontein, Afrique du
Sud. 25 février 1990 -Trevor Samson
Nelson Mandela était donc mortel. Celui que l’on considérait comme un ange ou comme un
saint laisse au monde une impression de vide. Comme si personne ne s'était
vraiment préparé à le voir partir. Sauf peut-être les Sud-Africains.
En 1964 déjà, le
combattant de l'ANC assurait être "prêt à mourir" pour défendre ses
idéaux. Des idéaux qui résonnent au-delà des frontières de l'Afrique du Sud :
l'égalité, la justice, le rejet du racisme et de l'exclusion. Mais c'est son
autorité, son calme, son humour parfois et son esprit de leadership surtout qui
ont assuré une transition paisible à la fin de l'apartheid.
Aujourd'hui, le monde entier rend hommage à sa lutte. Mais dans le tourbillon médiatique, on oublie qu'à sa libération, en 1990, Nelson Mandela était considéré comme un dangereux "terroriste" sur la scène internationale. Il a certes pardonné à ses anciens bourreaux, il a ouvert son pays à cette partie du monde qui l'avait autrefois oublié. Mais ce n'est pas sa bonté d'âme qui a permis de faire de l'Afrique du Sud une grande puissance émergente et démocratique. C'est son esprit politique. Mandela n'est ni un ange ni un saint. Ce serait simplifier son combat, ses sacrifices. Madiba était bien mortel. Et il fut un grand homme.
Aujourd'hui, le monde entier rend hommage à sa lutte. Mais dans le tourbillon médiatique, on oublie qu'à sa libération, en 1990, Nelson Mandela était considéré comme un dangereux "terroriste" sur la scène internationale. Il a certes pardonné à ses anciens bourreaux, il a ouvert son pays à cette partie du monde qui l'avait autrefois oublié. Mais ce n'est pas sa bonté d'âme qui a permis de faire de l'Afrique du Sud une grande puissance émergente et démocratique. C'est son esprit politique. Mandela n'est ni un ange ni un saint. Ce serait simplifier son combat, ses sacrifices. Madiba était bien mortel. Et il fut un grand homme.
Personnalité historique d’exception, Nelson Mandela a sacrifié une grande partie de sa
vie pour émanciper son peuple et lui conférer la dignité que tout être humain
est en droit d’obtenir. Il a transformé une société de haine en une nation
arc-en-ciel plus ouverte et plus respectueuse des différences.
Nelson Mandela aura
profondément marqué son époque. Il constitue en effet un formidable exemple
d’engagement, de conviction et de dépassement de soi au service de l’égalité
entre tous les citoyens.
Prisonnier politique et Président, combattant de la liberté et artisan de la
réconciliation, Nelson Mandela est un véritable héros de notre époque
contemporaine. Son courage et sa détermination forcent l’admiration et invitent
à l’humilité.
Cet homme hors du commun
restera une source d’inspiration pour des millions de citoyens. Madiba incarne
pour beaucoup l’idée que l’on peut changer le cours des choses et qu’un monde
meilleur reste possible. Avec son souvenir, plus que jamais, cette idée
continue à vivre.
Mais qu'est-ce qui rendait Mandela si spécial?
A part, bien sûr, le fait
d'avoir croupi vingt-sept ans dans les geôles de l'apartheid et d'en avoir
émergé sans la moindre rancune.
A part son insistance pour
que la «réconciliation» soit au centre d'une commission de vérité constituée
pour soigner les plaies infligées à l'Afrique du Sud par des décennies de haine
raciale.
A part son apparition sur
le terrain de la finale de la Coupe du monde de rugby en 1995, un maillot des
Springboks sur les épaules, courageux appel au pays pour qu'il s'unisse
derrière une équipe sud-africaine composée en grande majorité de Blancs.
Et à part son départ de la
présidence de l'Afrique du Sud au terme de son premier mandat, contrairement à
tant de dirigeants dans le monde qui, une fois qu'ils ont goûté au pouvoir,
s'accrochent à lui jusqu'à ce qu'il les détruise ou jusqu'à ce qu'ils
détruisent les pays qu'ils gouvernent.
Voilà les qualités les
plus connues du héros de la lutte contre l'apartheid. Mais pour les
journalistes qui ont eu la chance de suivre son remarquable parcours, depuis sa
sortie de prison en 1990, pendant les années de transition jusqu'aux premières
élections présidentielles multiraciales de 1994 et jusqu'à ce jour de 1999 où
--trop tôt pour certains-– il tira sa révérence, Nelson Mandela était plus que
cela. Beaucoup plus que cela.
Il n'était pas un
politicien comme les autres. Couvrir «l'histoire Mandela» vous marquait pour la
vie. Il nous incitait tous à devenir de meilleurs êtres humains ou, plus
exactement, à reconnaître les vertus de la réconciliation à une époque où les
Sud-Africains, blancs ou noirs, subissaient encore les stigmates de
l'apartheid.
J'assiste à un meeting de
campagne dans la township d’Alexandra, dans la banlieue de Johannesburg. La
tension est extrême. Mandela prend la parole devant une foule imprégnée de
sentiments anti-Blancs après un énième massacre de Noirs attribué à la
«Troisième force» --des barbouzes blancs qui cherchent à torpiller par la
violence le processus de démantèlement de l'apartheid.
Et puis, brusquement, il s'arrête de parler. Il
montre du doigt une femme blanche qui se tient debout parmi les participants,
un peu en retrait. «Cette femme, là-bas», dit-il avec un large sourire. «Elle
m'a sauvé la vie.»
Il l'invite à monter sur
scène et l'embrasse chaleureusement. Il raconte qu'en 1988, alors qu'il était
incarcéré dans la prison de Pollsmoor, près du Cap, il avait été hospitalisé
après avoir attrapé la tuberculose et que c’était cette femme, une infirmière,
qui l'avait soigné.
Mandela réussissait à
renverser l'humeur de la foule. Les grondements vengeurs se taisent, noyés sous
les murmures d'approbation.
Il y a aussi ce jour où
Mandela, devenu président de l'Afrique du Sud, accueille une réunion de la
Communauté de développement d'Afrique australe. Pratiquement tous les chefs
d'Etat et de gouvernement de la région sont là. Depuis le matin, les
journalistes attendent une conférence de presse qui n'arrive pas. Une reporter
radio, très agitée, doit s'éclipser en milieu d'après-midi pour récupérer son
fils à l'école, en priant pour que la conférence de presse ne démarre pas
pendant son absence. Heureusement pour elle, elle revient juste à temps,
accompagnée de son gamin dont la «chemise Madiba» tranche avec les costumes
stricts de l'assistance.
En entrant dans la salle
avec les autres dirigeants, Mandela remarque l'enfant. Sans hésiter, il se
dirige vers lui, lui serre la main et lui dit: «Bien le bonjour. Comme c'est
gentil d'avoir pris le temps de venir parmi nous malgré votre emploi du temps
chargé!» Le gamin rayonne, sa mère aussi. Les journalistes sont enchantés et
les présidents et Premiers ministres ont l'air de bien s'amuser.
Il en allait toujours
ainsi. Nous étions émerveillés en voyant Mandela s'adapter sans difficulté à
son nouveau rôle d'homme d'Etat d'envergure mondiale. Nous étions émus lorsque,
de temps en temps, il laissait entrevoir son côté humain. Pendant son divorce,
il avait confié publiquement que la femme qu'il aimait si profondément, Winnie,
n'avait pas passé une seule nuit avec lui depuis sa sortie de prison.
L'activiste Strini Moodley, incarcéré à Robben Island, raconte que Mandela
avait toujours une photo de Winnie avec lui dans sa cellule. Un jour, Moodley
demande à emprunter l'image pour réaliser un croquis. «Tu peux l'avoir pendant
la journée, mais la nuit elle revient avec moi», lui répond Mandela.
Pendant la campagne
électorale, Nelson Mandela n'oubliait jamais de demander aux journalistes s'ils
avaient bien dormi et s'ils avaient bien pris leur petit-déjeuner. Il
connaissait beaucoup de reporters et de photographes par leur nom. Il
s'arrêtait souvent pour bavarder avec eux, en commençant toujours par un:
«Comme c'est bon de vous revoir!»
Un des moments les plus
emblématiques de ses efforts permanents pour réconcilier les Sud-Africains fut
sa visite à Betsie Verwoerd, la veuve de l'architecte de l'apartheid Hendrik
Verwoerd, l'homme qui l'avait, de fait, envoyé en prison.
C'est sous Verwoerd,
Premier ministre de 1958 jusqu'à son assassinat en 1966, que le Congrès
national africain (ANC) et le Parti communiste avaient été mis hors la loi.
Contraint à la clandestinité, Mandela avait été arrêté et condamné à la prison
à vie, en 1964, pour «actes de sabotage» et «complot en vue de renverser le
gouvernement».
Le «Thé avec Betsie» se
déroula au domicile de cette dernière, dans une enclave blanche connue sous le
nom d'Orania, au nord-est du Cap, en août 1995. Mme Verwoerd, alors âgée de 94
ans, n'a jamais révélé grand-chose sur cette rencontre, se contentant de dire
qu'elle était contente que le président lui ait rendu visite. Sa petite-fille,
Elizabeth, s'était avérée moins accueillante, affirmant qu'elle aurait préféré
que Mandela devienne «le président d'un pays voisin».
Mandela était digne. Il
était généreux. Il devait affirmer plus tard qu'il avait été reçu à Orania
«comme à Soweto», la gigantesque township noire de Johannesburg dont il est le
héros. Toujours prêt à rappeler qu'il s'inscrivait dans la lignée de nombreux
dirigeants sud-africains, il avait posé pour les photographes au pied d'une
statue de Verwoerd haute d'environ 1,80 m. «Vous avez érigé une bien petite
statue pour cet homme», avait-il même dit aux résidents d'Orania en prenant un
air déçu.
Quelques mois plus tôt, le
27 avril 1994, les journalistes s'étaient massés dans une école près de Durban
où Mandela devait voter lors des premières élections multiraciales à avoir lieu
dans le pays. Je me souviens avoir pensé: «Est-ce que tout cela est bien réel?
Est-ce que Mandela est bien en train de voter? Est-ce que l'apartheid est
vraiment en train de se terminer?»
Oui, c'était bien le cas.
Dans un bref discours, Mandela avait salué l'aube d'une «Nouvelle Afrique du
Sud où tous les Sud-Africains sont égaux». Puis il avait déposé son bulletin
dans l'urne et, rayonnant sous le soleil matinal, il avait souri. Un long
sourire. Un sourire heureux.
Le genre de sourire qui,
on le sent, n'est pas destiné aux caméras. Le genre de sourire qui vient du
très profond de l'âme. Et dans le cas de Mandela, d'une âme d'une grande
rareté, et d'une grande sagesse.
MCD
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